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que sorte aux faiseurs d'almanachs, et marquer au moins une victoire par jour, ou un de ces rapides mouvemens que la présence de Napoléon imprimait à son armée, et qui contribuèrent si puissamment à ses prodigieux triomphes, durant une campagne de trois mois. En effet, n'est-ce pas une chose jusqu'alors inouie, que la promptitude des premières opérations de l'empereur? Le 24 septembre, il avait quitté Paris, et les hostilités étaient commencées le 2 d'octobre; le 6 et le

7, les Français avaient passé le Danube, et tourné l'armée ennemie; le 8, Murat, au combat de Wertingen sur le Danube, avait fait deux mille prisonniers autrichiens, parmi lesquels se trouvait, entre autres officiers généraux, le comte d'Auffemberg. Le lendemain, les Autrichiens défaits se repliaient à Gunzbourg, devant nos valeureuses phalanges qui, poursuivant le cours de leurs triomphes, entrèrent le 10 à Augsbourg, et le 12 à Munich. En recevant mes dépêches, je croyais lire des récits fabuleux. Deux jours après l'entrée des Français à Munich, c'est-à-dire le 14, un corps autrichien de six mille hommes, se rendait à Memmingen, au maréchal Soult, tandis que Ney conquérait, les armes à la main, son futur duché d'Elchingen. Enfin, le 17 d'octobre,

arriva la fameuse capitulation d'Ulm, et le même jour, les hostilités commençaient en Italie entre les Français et les Autrichiens, commandés, les uns par Masséna, les autres par le prince Charles. Je suis persuadé que Napoléon regretta vivement que ce prince n'eût pas le commandement des troupes qu'il allait combattre en personne, car je l'ai souvent entendu se plaindre de l'impéritie des généraux ennemis; habile à profiter de leurs fautes, il lui semblait quelquefois que ces fautes attentaient à sa gloire, en rendant la victoire plus facile, et, jamais peut-être, aucun homme n'a autant souhaité de rencontrer des ennemis dignes de lui.

Je trouve dans ma correspondance de la fin d'octobre 1805, quelques détails relatifs à la capitulation d'Ulm, qui me semblent assez intéressans pour que je les rapporte ici. Pendant son séjour à Augsbourg, Napoléon fit connaissance avec l'évêque de cette ville, ancien électeur de Trèves. Ce digne prélat, croyant être redevable à l'empereur, de son riche évêché, s'attacha sincèrement à lui, et depuis, témoigna dans toutes les circonstances un grand dévoûment à sa personne. A Augsbourg, Bonaparte s'arrêta quelques momens pour juger les mouvemens qu'allait opérer l'armée autri

chienne; puis il s'approcha d'elle avec une rapidité si incroyable, que l'archiduc Ferdinand se trouva trop heureux de pouvoir repasser le Danube. Mais toutes les autres forces autrichiennes furent refoulées dans Ulm, dont la garnison s'élevait à près de trente mille hommes, au moment de la reddition de cette place réputée imprenable.

Le général de Ségur, qui depuis fut au service de Murat à Naples, fut chargé des premières ouvertures auprès de Mack, pour engager ce général à se rendre. Je pense qu'on lira avec intérêt le rapport qu'il en fit pour être mis sous les yeux de l'empereur.

« Hier, 24 vendémiaire, (16 octobre) l'empereur m'a fait appeler dans son cabinet; il m'a ordonné d'aller à Ulm, de décider Mack à se rendre dans cinq jours, et s'il en exigeait absolument six, de les lui accorder. Je n'ai pas reçu d'autres instructions. La nuit était noire; un ouragan terrible venait de s'élever, il pleuvait à flots : il fallait ser par des chemins de traverse, et éviter des bourbiers où l'homme, le cheval et la mission pouvaient finir avant terme. J'ai été presque jusqu'aux portes de la ville, sans trouver nos avant-postes; il n'y en avait plus factionnaires, vedettes,

pas

grandes-gardes, tout s'était mis à couvert; les parcs d'artillerie même étaient abandonnés; point de feux, point d'étoiles. Il a fallu errer pendant trois heures pour trouver un général. J'ai traversé plusieurs villages, et questionné inutilement ceux qui les remplissaient.

« J'ai enfin trouvé un trompette d'artillerie à moitié noyé dans la boue, sous son caisson; il était raide de froid. Nous nous sommes approchés des remparts d'Ulm. On nous attendait sans doute; car, au premier appel, M. de Latour, officier parlant bien français, s'est présenté. Il m'a bandé les yeux, et m'a fait gravir par-dessus les fortifications. J'observai à mon conducteur que la nuit était si noire qu'elle rendait le bandeau inutile; mais il m'objecta l'usage. La course me paraissait longue. Je fis causer mon guide: mon but était de savoir quelles troupes renfermait la ville. Je lui demandai si nous étions encore loin de la demeure du général Mack et de celle de l'archiduc. C'est tout près, me répondit mon guide. J'en conclus que nous tenions dans Ulm tout le reste de l'armée autrichienne. La suite de la conversation me confirma dans cette conjecture. Nous arrivâmes enfin dans l'auberge où le général en chef demeurait. Il m'a paru grand, âgé, pâle;

chienne; puis il s'approcha d'elle avec une rapidité si incroyable, que l'archiduc Ferdinand se trouva trop heureux de pouvoir repasser le Danube. Mais toutes les autres forces autrichiennes furent refoulées dans Ulm, dont la garnison s'élevait à près de trente mille hommes, au moment de la reddition de cette place réputée imprenable.

Le général de Ségur, qui depuis fut au service de Murat à Naples, fut chargé des premières ouvertures auprès de Mack, pour engager ce général à se rendre. Je pense qu'on lira avec intérêt le rapport qu'il en fit pour être mis sous les yeux de l'empereur.

« Hier, 24 vendémiaire, ( 16 octobre) l'empereur m'a fait appeler dans son cabinet; il m'a ordonné d'aller à Ulm, de décider Mack à se rendre dans cinq jours, et s'il en exigeait absolument six, de les lui accorder. Je n'ai pas reçu d'autres instructions. La nuit était noire; un ouragan terrible venait de s'élever, il pleuvait à flots : il fallait passer par des chemins de traverse, et éviter des bourbiers où l'homme, le cheval et la mission pouvaient finir avant terme. J'ai été presque jusqu'aux portes de la ville, sans trouver nos avant-postes; il n'y en avait plus factionnaires, vedettes,

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