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ment pour

accéder aux prétentions de la France. L'empereur voulait que l'Angleterre restituât à la France les colonies qu'elle lui avait enlevées depuis le commencement de la guerre, que la

Russie restituát à la Porte la Moldavie et la Valachie, qu'elle occupait; enfin il suivait le conseil de je ne sais quel roi de tragédie, donnant pour instructions à son nonce : « Pressez, deman<< dez tout, pour ne rien obtenir. » Les demandes de l'empereur étaient en effet tellement exagérées, qu'il ne pouvait entrer dans l'esprit d'aucune personne sensée qu'il eût lui-même conçu l'espoir de les voir accueillir. Ces négociations, reprises et quittées alternativement, avaient été conduites avec froideur de part et d'autre, jusqu'au moment où l'Angleterre eut déterminé la Russie à s'adjoindre à la Prusse contre la France; alors elles avaient cessé tout-à-fait, et c'était pour avoir l'air de vouloir les renouer sur des bases encore plus favorables à la France, que Napoléon envoya Duroc auprès du roi de Prusse. Duroc ne rejoignit ce prince qu'à Osterode, de l'autre côté de la Vistule; il en reçut pour toute réponse : « Il n'est plus temps! » Comme on l'a vu, Napoléon avait dit précédemment : «Il est trop tard.»> Quiconque sera de bonne foi, conviendra que,

dans la position à laquelle il était réduit, le roi de Prusse ne pouvait pas répondre autrement. Il ne lui restait plus rien à perdre, et il pouvait entrevoir une chance favorable, dans le cas où la fortune favoriserait les armées russes, pleines d'enthousiasme et d'espérances, comme l'avait été l'armée prussienne avant léna. L'armée russe brûlait du désir d'effacer, par une victoire, la honte encore récente d'Austerlitz.

Pendant que Duroc remplissait sa mission auprès du roi de Prusse, je fus moi-même chargé d'une négociation à Hambourg. Bonaparte avait à coeur de détacher la Suède de la coalition, et de mettre fin à la guerre avec elle par un traité séparé. La Suède pouvait en effet lui être trèsutile, lorsque la Prusse, la Russie et l'Angleterre formaient dans le Nord une masse de forces considérable. Nous avions déjà pour nous le Danemarck, et si nous avions pu y joindre la Suède, la réunion de ces deux puissances aurait fait une diversion assez respectable pour donner des inquiétudes sérieuses à la coalition, obligée de réunir ses principales forces pour les opposer au choc de la gande armée en Pologne.

Les sentimens de M. Peyron, chargé d'affaires de Suède à Hambourg, étaient fort opposés à la

guerre que sou souverain faisait à la France, il pensait, et disait assez ouvertement, que quel que fût le résultat de la coalition, elle serait toujours sans fruit pour son maître qui y aurait fait de grandes dépenses d'hommes et d'argent sans aucun espoir d'indemnité; et, étendant ses vues plus loin que la crise actuelle, M. Peyron jugeait avec raison que la France seule pouvait protéger la Finlande, contre le dangereux voisinage de la Russie. Je fus très-fâché de le voir quitter Hambourg pour un congé d'une année, au moment où je venais de recevoir de l'empereur mes instructions relativement à l'affaire dont je viens de parler. M. le chevalier Peyron était d'ailleurs d'une amabilité extrême, et l'amitié qu'il professait pour les Français aurait rendu plus facile et plus agréable la négociation dont j'étais chargé. M. Peyron fut remplacé par M. Netzel, chargé d'affaires de Suède à Dresden, et j'eus le plaisir de voir bientôt que sa manière de penser était, en tout, la même que celle de son prédécesseur qu'il égalait aussi par l'amabilité de son caractère.

Dès les premiers jours de son arrivée, M. Netzel me fit demander un rendez-vous pour me parler au sujet de Suédois qui avaient été faits prisonniers sur la Trave. Il me pria de faire relâcher les

officiers qui alors pourraient retourner en Suède où ils seraient prisonniers sur parole. Je mis beaucoup d'empressement à faire ce que désirait M. Netzel; et je profitai de l'occasion qu'il m'avait offerte de le bien disposer, pour l'amener graduellement sur le terrain de mes instructions. J'eus lieu d'être très-satisfait de la manière dont il accueillit mes premières ouvertures; je n'eus rien à lui dire dont il ne fût lui-même convaincu à l'avance. Je vis qu'il comprenait que son souverain aurait tout à gagner d'un rapprochement avec la France, et il me dit que toute la Suède demandait la paix. Enhardi par le succès de mon début, j'entrai alors franchement dans la question que je devais traiter avec lui. Pour répondre à la confiance que je venais de lui témoigner, M. Netzel m'assura que M. de Wetterstedt, secrétaire du cabinet du roi, avec lequel il était lié d'amitié, et dont il me montra plusieurs lettres, était du même avis que lui. Il ajouta qu'il avait la permission de correspondre avec le roi, et qu'il écrirait dès le soir même à son souverain et à M. de Wetterstedt, pour leur rendre compte de notre

conversation.

On voit, par ce que je viens de dire, que jamais une négociation n'avait été entamée sous de plus

VII.

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favorables auspices; mais qui pouvait prévoir quel vent ferait tourner la tête du roi de Suède? Ce prince malencontreux prit très-mal la lettre de M. Netzel, et M. de Wetterstedt lui-même reçut d'une manière très-dure l'ordre de témoigner à M. Netzel le mécontentement de son souverain, de ce qu'il avait osé prendre sur lui de se rendre chez un ministre français, et plus encore de ce qu'il était entré avec ce ministre dans une conversation politique qui, cependant, n'était qu'une conversation. Le roi ne se borna pas à des reproches: M. Netzel vint m'annoncer, les larmes aux yeux, qu'il avait ordre de quitter Hambourg sur-le-champ, et sans attendre son successeur; il regardait sa disgrâce comme complète.

J'eus le plaisir de revoir M. Netzel, en 1809, à Hambourg, où il vint chargé d'une mission du roi Charles XIII.

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