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qu'il ne pouvait pas être assez flétri pour pouvoir être utile et tirer vengeance de ses ennemis, il demanda qu'on publiát dans les journaux un autre article ainsi conçu: « Il est enjoint au nommé » Butler, arrêté à Hambourg comme agent anglais, et conduit à Paris, de quitter la France et >> les territoires occupés par l'armée française et » leurs alliés, avec défense d'y paraître avant la paix générale. »> Butler jouit en Angleterre des honneurs de la persécution française; on vit en lui une victime qui méritait toute la confiance des ennemis de la France; Fouché eut par lui beaucoup de renseignemens, et il ne fut pas pendu! Qui, en effet, aurait pu ne pas être dupe d'une

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fourberie aussi audacieuse? Vraiment, il y a des

choses dont il faut presque être capable pour en avoir le soupçon!

Malgré la prétendue nécessité d'employer des agens secrets, Bonaparte n'aimait pas que l'on établit, même sous ce prétexte, un trop grand nombre de communications entre la France et l'Angleterre; mais Fouché n'en dirigeait pas moins dans l'ombre les évolutions de son armée souterraine. Fouché, , pendant la campague de Prusse, avait causé un vif mécontentement à l'empereur, à l'occasion d'une affaire dont j'ai déjà

parlé. Il bláma fort le ministre de la police d'avoir souffert qu'une députation du sénat fût venue lui faire à Berlin des espèces de remontrances, pour l'engager à ne pas passer l'Oder. Il dit que Fouché aurait dû, comme sénateur, dissuader le sénat de faire une pareille démarche sans son autorisation, et que si le sénat eût persisté dans l'objet de sa délibération, il aurait été de son devoir d'empêcher la députation de partir, par les moyens qui étaient en son pouvoir. Fouché en avait beaucoup, car on pourrait pres

que

dire qu'en l'absence de Napoléon, la police était régente de France. Toujours prêt à favoriser tout ce qui pouvait donner de l'importance à la police et flatter l'empereur dans ses ombrageuses défiances, Fouché m'écrivit que le gouvernement avait la certitude que beaucoup de Français, voyageant pour le compte de plusieurs maisons de commerce de France, se trouvaient à Manchester pour y acheter des objets de fabrication anglaise. Cela était vrai, mais le moyen de l'empêcher? ces commis voyageurs passaient par la Hollande, où ils éprouvaient peu de difficultés pour s'embarquer. Les nouvelles particulières que je recevais de ce pays étaient toutes d'accord pour me peindre la détresse de son commerce,

depuis son érection en royaume en faveur de Louis Napoléon. Le fatal décret de Berlin, s'il eût pu être exécuté strictement, aurait causé la ruine de ce pays où la nouvelle du système continental avait été un coup de foudre.

Louis, avec sa probité connue, ne pensant pas que le roi de Hollande dût sacrifier les intérêts de ses nouveaux sujets aux volontés de son frère, ne fit exécuter d'abord que mollement et pour la forme le désastreux système, mais la colère de Napoléon éclata contre lui; ainsi, vers la fin de l'année 1806, il fut réduit à la nécessité d'ordonner la stricte exécution du blocus. J'appris que dans un mouvement d'humeur, l'empereur dit, que si son frère ne se soumettait pas à ses ordres, il ferait faire des visites domiciliaires dans toute la Hollande. Quel bon moyen, pour attacher les peuples à sa politique dévorante, que de commencer par les ruiner et les humilier! La facilité avec laquelle les voyageurs des maisons de commerce françaises passaient de la Hollande en Angleterre causait en même temps d'autres terreurs au gouvernement français. On disait : Puisque des Francais peuvent si facilement se transporter du continent dans la Grande-Bretagne, par la même raison les agens du cabinet anglais peuvent se trans

porter sur le continent. En vertu de ce beau raisonnement, il fallut, d'après les ordres de la police, que les consuls surveillassent non-seulement les personnes qui revenaient évidemment d'Angleterre, mais celles qui pourraient peut-être en revenir. C'était, comme on le voit, une loi de suspects à l'usage des commis-voyageurs, digne corollaire du système continental. Tout cela était d'une conception admirable; mais l'exécution!.. On avait beau faire, on avait beau multiplier les perquisitions inquisitoriales, prodiguer les menaces, faire espionner, encourager les délations, le continent n'en était pas moins inondé des produits des fabriques anglaises, par la raison toute simple que, quelque forte que soit la volonté d'un souverain, elle l'est beaucoup moins que les besoins des peuples et ne peut pas avoir la même durée. Le système continental me rappela cette loi de je ne sais plus quel législateur, qui, pour un crime qu'il jugeait impossible à commettre, condamnait celui qui s'en rendrait coupable à jeter un bœuf par dessus le mont Taurus.

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CHAPITRE XVIII.

Extraits de correspondance.- Séjour de Napoléon à Posen. · Création du royaume de Saxe. Vénération de l'Allemagne pour le roi de Saxe. Incertitudes de l'empereur sur la Pologne. Fêtes et revues à Varsovie. Mode d'approvisionnement pour l'armée. La France au quartier-général. Les auditeurs et les porte-feuilles

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des ministres. tions militaires.

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Emploi du mois de janvier et disposi

Jugemens par analogie. La campagne de Vienne, la campagne de Prusse, et différence de position.-Nouvelles reçues et envoyées en même temps.

Armement de l'Autriche en Bohême. Conduite du cabinet de Vienne semblable à celle du cabinet de Berlin. Nécessité d'agir promptement. Les Français prévenus par les Russes. Journée d'Eylau. Retard du

corps de Bernadotte.

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Imputations calomnieuses.

Mort du général d'Haupoult. Bonaparte faisant parler

les morts.

Justification de Bernadotte.

Je n'ai ni la prétention, ni même l'intention de tracer ici un tableau de l'Europe à la fin de l'année 1806. Je veux seulement réunir quelques faits dont je fus informé alors, et que je retrouve

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