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Prusse et de Pologne n'avait troublé à Paris la tranquillité, comme pendant la précédente campagne d'Autriche. Cependant les cartes étaient encore brouillées sur plusieurs points. La guerre était dans toute son intensité avec l'Angleterre; et le roi de Suède, après avoir conclu une trève,, avait repris de son plein gré le cours de son DonQuichotisme armé. Cela n'était rien, et ne pouvait en aucune manière inquiéter Napoléon, mais ce qui fut de nature à effaroucher ses susceptibilités politiques fut le changement de politique du divan, qui, à la mort du sultan Selim, se rapprocha de l'Angleterre. Le cabinet de Londres était très-disposé à réconcilier les Turcs avec les Russes; et je dois dire que c'était pour l'Angleterre une politique toute nouvelle. Habituée à semer des germes de discordes, à diviser les autres nations entre elles, l'Angleterre se montrait conciliante, mais seulement afin de combattre avec plus d'efficacité le redoutable ennemi qui occupait toutes ses pensées.

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De retour à Paris, et toujours fidèle à sa haine pour les assemblées délibérantes, pour ce qu'il appela si souvent devant moi des bavards, des idéologues, des phraseurs et des avocats, Napoléon supprima enfin ce Tribunat qui l'offusquait depuis

de Paderborn, de Fulde, du Brunswick et d'une partie de l'électorat d'Hanôvre. En même temps, Napoléon, quoiqu'il n'aimât pas les demi-mesures, pour ne point toucher aux provinces russes et autrichiennes de l'ancienne Pologne, planta sur les bords de la Vistule le grand duché de Varsovie qu'il donna au roi de Saxe, sauf à le faire grandir plus tard ou à l'étouffer. Par là il permettait aux Polonais d'espérer mieux pour l'avenir et s'assurait des partisans dans le nord si les chances de la fortune devaient l'y rappeler. Alexandre séduit, plus encore que ne l'avait été son père, par les coquetteries politiques de Napoléon, qu'on me passe ce terme, consentit à tous ces arrangemens, reconnut in globo tous les rois couronnés de la main de Napoléon, et accepta quelques provinces, qui avaient appartenu à son allié dépouillé, pour se consoler sans doute de n'avoir pas pu lui en faire restituer davantage. Les deux empereurs se quittèrent les meilleurs amis du monde; mais le système continental était là!

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CHAPITRE XXII.

Mes notes et mes souvenirs.

Effet produit à Altona par le traité de Tilsitt. Les deux louis d'un émigré. — La Prusse à la discrétion de l'empereur. Départ du duc de Mecklembourg. - Passage du Sund par une flotte anglaise. M. Didelot à Hambourg. Bombardement. de Copenhague. — Lâcheté et perfidie des Anglais. — Souvenir antérieur et mot de Bonaparte à M. Lemer- La Prusse rayée de la carte. - Retour de Napo

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cier.

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Les cartes brouillées. - Influence de

Des

léon à Paris. l'Angleterre sur le divan. - Politique nouvelle. truction du Tribunat. Les muets et les complaisans. Opiniâtreté de Mustapha-Baraictar. - Singulière exigence de la Russie. La rapine en régie. Confiscation de marchandises anglaises. Je fais gagner neuf millions à la France. Le prince de Neufchâtel et M. Daru. Sacrifices productifs.

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Je vais m'occuper actuellement du développement partiel de quelques-unes des choses que je viens de dire ou seulement d'indiquer dans le chapitre précédent. M'en rapportant uniquement à mes notes, aux souvenirs dont je suis sûr, à ce que

le jour de sa création. L'empereur, habile entre tous les hommes à spéculer sur les dispositions favorables de l'opinion, profita en cette circonstance de l'espèce d'enthousiasme produit par son entrevue sur le Niemen. Ainsi disparut des institutions fondamentales du gouvernement celle qui pouvait offrir encore une ombre de popularité. C'était, il faut en convenir, une grande marque d'ingratitude de la part de Napoléon, car enfin c'était au Tribunat qu'il avait dû le consulat à vie; c'était encore au Tribunat qu'il devait l'empire; mais il fallait qu'il ne lui restât plus qu'un Sénat pour voter des hommes, un corps législatif muet pour voter de l'argent; point d'opposition dans l'un, point de réflexions dans l'autre; nulle part de contrôle; la possibilité de faire sous les seules lois de son bon plaisir tout ce qu'il voudrait; la presse enchaînée: voilà ce que voulut Napoléon. Il l'obtint, mais le mois de mars 1814 résolut la question du pouvoir absolu.

Dans la singulière complication où se trouvaient les affaires de l'Europe après la paix de Tilsitt, ce ne fut pas une chose peu surprenante que de voir l'influence de l'empereur sur le Grand-Seigneur, après avoir si bien réussi à faire armer la Turquie contre les Russes, échouer dans ses efforts pour

rétablir la bonne intelligence qu'elle avait détruite. Toutes les tentatives auprès de Mustapha-Baraictar, pendant son règne éphémère, furent inutiles; Guilleminot ne put raccommoder ce qu'avait brouillé Sébastiani, et les Turcs s'obstinèrent à rester en état de guerre avec la Russie. On conçoit en effet qu'il ne fallait pas à l'Angleterre une grande puissance de raisonnement pour faire comprendre à Mustapha combien il était extraordinaire que l'empereur Alexandre, qui venait de succomber dans sa dernière lutte contre la France, persistât à exiger la cession des deux hospodorats qu'arrose le Danube. D'après cette exigence de la Russie vaincue, le divan réfléchit sur ce que cette exigence aurait été si la Russie avait triomphe. Le Grand-Seigneur se montra lui-même presque geant, et de son côté Alexandre ne voulait souscrire à aucun arrangement qui ne fût tout à son avantage. L'empereur avait promis à. Alexandrę d'intervenir de tout son pouvoir pour rétablir la paix; pour donner une preuve de sa bonne foi, il fit donner à Guilleminot des ordres en conséquence; mais tout fut inutile; Mustapha se montra inflexible, et, comme je l'ai dit, la guerre continua, et bientôt, comme on le verra, elle devint plus compliquée, quand la mauvaise étoile

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