Page images
PDF
EPUB

tion et avec un succès prodigieux. Il y avait des jours où l'on enlevait jusqu'à cent hommes. La grande misère qui régnait dans l'Allemagne ravagée par la guerre et par l'occupation de tant d'armées; la haine que l'on portait aux Français, et le haut prix de l'engagement, procuraient aux Anglais autant d'hommes qu'ils en voulaient.

Le roi de Suède, méditant son échauffourée en Hanovre, avait avec lui une imprimerie de campagne, pour publier les bulletins de la grande armée suédoise. Le premier de ces bulletins annonçait à l'Europe, que sa majesté suédoise allait partir de Stralsund, et que son armée prendrait position, partie entre Nelsen et Haarburg; et partie entre Domïtz et les frontières de Hambourg.

Le 7 décembre 1805, commencèrent les hostilités entre les Russes et la garnison de Hameln où s'était retiré le général Barbou.

Les Anglais avaient dans ce moment plusieurs bâtimens chargés d'argent pour leur recrute

ment.

Je fus informé, le 20 décembre, que Dumouriez avait pris la route de la Moravie. Depuis son arrivée à Stade, on n'entendit plus parler de lui. On croyait alors qu'il serait employé dans l'armée russe en Moravie; d'autres personnes disaient

qu'il commanderait celle qui arrivait de Varsovie. Enfin, beaucoup assuraient qu'il avait été en Moravie, pour concerter le plan de l'expédition projetée en Hollande, et qu'il devait y pour diriger cette expédition.

retourner

Jereviens actuellement aux renseignemens que j'ai eus sur les opérations de la grande armée, car les dernières nouvelles que je reçus des espérances, ou, pour mieux dire, des intrigues de Dumouriez, étaient, ainsi qu'on peut le juger en comparant les dates, postérieures à la bataille d'Austerlitz, qui eut lieu le 2 de décembre, jour anniversaire du couronnement de Napoléon.

Quelques anecdotes particulières à Bonaparte se rapportent à cette campagne : j'en retrouve une dans mes notes, que j'écrivis quand elle me fut racontée par Rapp. Quelques jours avant son entrée à Vienne, Napoléon étant à cheval sur la route, vêtu, comme il l'était toujours en campagne, d'un uniforme de colonel des chasseurs de la garde, vit une voiture qui venait à sa rencontre : c'était une calèche découverte, dans laquelle se trouvait une dame en pleurs et un prêtre. Napoléon s'arrêta pour demander à cette dame où elle allait, et quelle pouvait être la cause de ses larmes. Ne connaissant pas l'empereur, elle lui

dit : « Monsieur, j'ai été pillée dans une campa« gne, à deux lieues d'ici, par des soldats qui ont « tué mon jardinier. Je vais trouver votre empe<«<reur qui a beaucoup connu ma famille, à laVotre quelle il a de grandes obligations.

[ocr errors]

<< nom? - De Bunny; je suis la fille de M. de « Marboeuf, autrefois gouverneur de la Corse.« Je suis charmé, madame, répliqua Napoléon << avec beaucoup d'amabilité, de trouver l'occasion « de vous être agréable. C'est moi qui suis l'em<< pereur.»>

« Tu ne saurais te peindre, me dit Rapp, avec quelle distinction l'empereur traita madame de Bunny i la rassurait, la plaignait, s'excusait presque du malheur qui lui était arrivé. « Veuillez, « lui dit-il, madame, aller m'attendre à mon « quartier-général ; je vous y rejoindrai prompte« ment; tout ce qui appartient à M. de Marboeuf « a droit à mes égards. » L'empereur lui fit sur-lechamp donner un piquet de chasseurs de sa garde pour l'escorter, la revit dans la journée, la combla d'attentions et la fit largement indemniser des pertes qu'elle avait pu faire.

Pendant le temps qui précéda la bataille d'Austerlitz, les différens corps de l'armée sillonnaient l'Allemagne et l'Italie dans tous les sens, et ten

[ocr errors]

daient vers Vienne, comme vers un centre unique. Dans les premiers jours de novembre, le corps commandé par le maréchal Bernadotte, arriva à Salzbourg, au moment où l'empereur venait d'avancer son quartier-général jusqu'à Braunau où l'on trouva de nombreux magasins d'artillerie, et une] quantité énorme de provisions de toute nature. La jonction du corps que Bernadotte avait commandé en Hanôvre, était, pour Napoléon, d'une trop grande importance, pour qu'il ne lui eût pas donné l'ordre de se porter vers lui dans le plus bref délai possible, et, par conséquent, par le chemin le plus court, et ce fut là ce qui contraignit le maréchal à passer sur le territoire des deux margraviats.

A cette époque, nous étions en paix avec Naples; l'empereur avait même, dès le mois de septembre, conclu avec Ferdinand IV un traité de neutralité; ce traité permit à Carra-Saint-Cyr, qui occupait Naples, d'évacuer cette ville, de rejoindre avec ses troupes le corps de Masséna dans la haute Italie, et de le suivre jusqu'à la grande armée où ils arrivèrent le 28 novembre. Cependant, à peine les troupes placées sous le commandement de Carra-Saint-Cyr eurent-elles quitté le territoire napolitain, que le roi de Naples, mal conseillé par

ses ministres, et surtout par la reine Caroline, rompit le traité de neutralité, ordonna des armemens contre la France, ouvrit ses ports aux ennemis de l'empereur, et reçut dans ses états douze mille Russes et huit mille Anglais. Ce fut en apprenant cette nouvelle, que dans un de ses plus violens bulletins, Napoléon qualifia la reine de Naples de nouvelle Frédégonde, et le gain de la bataille d'Austerlitz ayant donné à ses menaces une autorité toute puissante, le sort de Naples fut décidé, et peu après Joseph fut appelé à faire sa première station royale sur le trône napolitain.

Enfin arriva le grand jour où, selon l'expression de Napoléon, se leva le soleil d'Austerlitz. Toutes nos forces étaient concentrées sur le même point, à quarante lieues environ au-delà de Vienne. Il ne restait plus que des débris inaperçus de l'armée autrichienne, le corps du prince Charles n'ayant pu triompher des savantes manoeuvres qui le tenaient éloigné de la ligne des opérations; mais les Russes, à eux seuls, nous étaient supérieurs en nombre, et la masse de leur armée était presque entièrement composée de troupes fraîches. Les illusions étaient grandes dans le camp ennemi. Le nord de l'Europe a ses gascons tout aussi bien que le midi de la France; la jeunesse russe, ainsi

« PreviousContinue »