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cais, était-il dit dans la même note, a évacué la Suisse, rendue tranquille et heureuse par l'acte de médiation; il n'a laissé en Italie que le nombre de troupes indispensable pour soutenir les positions qu'il devait occuper à l'extrémité de la Péninsule, dans la vue de protéger son commerce du Levant, et de s'assurer un objet de compensation qui pût déterminer l'Angleterre à évacuer Malte, et la Russie à évacuer Corfou; il n'a laissé sur le Rhin et dans l'intérieur de son empire que le nombre de troupes indispensable pour la garde des places. Livré tout entier aux opérations d'une guerre qu'il n'a point provoquée, qu'il soutient, autant pour les intérêts de l'Europe que pour les siens, et dans laquelle son principal but est le rétablissement de l'équilibre dans le commerce, et l'égale souveraineté de tous les pavillons sur les mers, il a réuni toutes ses forces dans des camps sur les bords de l'Océan, loin des frontières autrichiennes ; il a employé toutes les ressources de son empire à construire des flottes, à lever des marins, à creuser des ports: et c'est dans le moment même où il se repose avec une entière confiance sur l'exécution des traités qui ont rétabli la paix sur le continent, que l'Autriche sort tout à coup de l'état de repos, organise ses forces sur le pied de guerre, envoie une armée

dans ses états d'Italie, en établit une autre tout aussi considérable dans le Tyrol : c'est dans ce moment qu'elle fait des levées de chevaux, qu'elle forme des magasins, qu'elle fait travailler à des fortifications de campagne; qu'elle effraie par tous ces préparatifs les peuples de la Bavière, de la Souabe et de la Suisse, et découvre ainsi l'intention évidente de faire une diversion aussi réellement favorable à l'Angleterre, et plus nuisiblement hostile envers la France que ne pourrait l'être une campagne ouverte et une guerre déclarée. Dans d'aussi graves circonstances, et ayant vainement tenté d'amener la cour de Vienne à des sentimens réellement pacifiques, malgré ses déclarations réitérées de n'avoir aucune intention hostile contre la France, l'empereur des Français croit devoir déclarer de son côté qu'il considérera comme une déclaration de guerre, formellement dirigée contre lui, toute agression qui serait portée contre le corps germanique et spécialement contre la Bavière, l'empereur étant bien déterminé à ne séparer jamais les intérêts de son empire de ceux des princes d'Allemagne qui lui sont attachés. »

Je reçus cette note le 15 septembre. Douze jours après, le jour anniversaire du premier vendémiaire, qui allait figurer pour la dernière fois

dans les fastes de la république impériale, Napoléon se rendit au sénat, et partit le lendemain pour l'armée.

Dans la séance mémorable qui précéda son départ, l'empereur fit présenter un projet de sénatus-consulte relatif à la réorganisation des gardes nationales; le ministre des relations extérieures lut un exposé de la conduite réciproque de la France et de l'Autriche depuis la paix de Lunéville, exposé dans lequel les torts de la France étaient voilés avec une merveilleuse adresse'. Enfin, avant de lever sa séance, l'empereur prit la parole, et dit aux sénateurs :

<< Dans les circonstances présentes de l'Europe, j'éprouve le besoin de me trouver au milieu de « vous, et de vous faire connaître mes sentimens,

« Je vais quitter ma capitale pour me mettre à « la tête de l'armée, porter un prompt secours à « mes alliés, et défendre les intérêts les plus chers « de mes peuples.

a Les voeux des éternels ennemis du continent << sont accomplis: la guerre a commencé au mi« lieu de l'Allemagne. L'Autriche et la Russie se

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Voir aux notes et éclaircissemens historiques, à la fin du volume.

« sont réunis à l'Angleterre, et notre génération << est entraînée de nouveau dans les calamités de «< la guerre. Il y a peu de jours, j'espérais encore « que la paix ne serait point troublée; les menaces <«< et les outrages m'avaient trouvé impassible: « mais l'armée autrichienne a passé l'Inn, Mu<< nich est envahie; l'électeur de Bavière est chassé « de sa capitale; toutes mes espérances se sont << évanouies.

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« C'est dans cet instant que s'est dévoilée la mé«< chanceté des ennemis du continent. Ils craignent « encore la manifestation de mon profond amour « pour la paix; ils craignaient que l'Autriche, à l'aspect du gouffre qu'ils avaient creusé sous ses « pas, ne revint à des sentimens de justice et de << modération; ils l'ont précipitée dans la guerre. « Je gémis du sang qu'il va en coûter à l'Europe; << mais le nom Français en obtiendra un nouveau << lustre.

« Sénateurs, quand à votre voeu, à la voix du << peuple] Français tout entier, j'ai placé sur ma << tête la couronne impériale, j'ai reçu de vous, « de tous les citoyens, l'engagement de la main« tenir pure et sans tache. Mon peuple m'a donné « dans toutes les circonstances des preuves de sa «< confiance et de son amour. Il volera sous les

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drapeaux de son empereur et de son armée, qui « dans peu de jours auront dépassé les frontières. << Magistrats, soldats, citoyens, tous veulent << maintenir la patrie hors de l'influence de l'An

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gleterre qui, si elle prévalait, ne nous accorde« rait qu'une paix environnée d'ignominie et de << honte, et dont les principales conditions seraient « l'incendie de nos flottes, le comblement de nos << ports et l'anéantissement de notre industrie.

<< Toutes les promesses que j'ai faites au peuple « Français je les ai tenues.

« Le peuple Français, à son tour, n'a pris au<«< cun engagement avec moi qu'il n'ait surpassé. « Dans cette circonstance, si importante pour sa gloire et la mienne, il continuera à mériter ce << nom de grand-peuple, dont je le saluai au milieu « des champs de bataille.

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Français, votre empereur fera son devoir, « mes soldats feront le leur; vous ferez le vôtre. » Ce discours produisit à Hambourg une trèsvive sensation; pour moi, j'y reconnus la jactance accoutumée de Napoléon; mais cette fois, les événemens semblèrent prendre à tâche de la justifier. L'empereur a pu faire des campagnes plus savantes que celle d'Austerlitz; mais il n'en est point qui aient été environnées d'autant de

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