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que je l'ai su depuis, s'exprimait avec jactance. La veille même de la bataille, l'empereur Alexandre ayant envoyé en parlementaire auprès de Napoléon un de ses aides-de-camp, le prince Dolgorowski, celui-ci ne put contenir sa suffisance en présence même de l'empereur; comme ils étaient seuls, on n'entendit point les impertinences de l'aide-de-camp, mais Rapp m'a dit avoir entendu Napoléon s'écrier, en le congédiant : « Vous seriez « sur les hauteurs de Montmartre, que je ne répondrais qu'à coups de canon à de pareilles impertinences!» Mot bien remarquable, quand on se transporte, par la pensée, à l'époque qui devait en faire une prophétie.

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Quant à la bataille proprement dite, j'en puis parler presque comme si j'y avais assisté, car, quelque temps après, j'eus la vive satisfaction de voir, à Hambourg, mon ami Rapp, auquel l'empereur avait donné, pour la Prusse, une mission, dont l'objet se rattachait à des choses dont je parlerai plus tard. Je me trouvais heureux de pouvoir le féliciter de la part, que je savais déjà, qu'il avait eue au succès de cette mémorable journée.

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Quand nous arrivâmes à Austerlitz, me dit Rapp, les Russes ignoraient les savantes disposi

tions de l'empereur pour les attirer sur le terrain qu'il avait désigné d'avance, et voyant d'ailleurs nos avant-gardes se replier devant les leurs, se regardaient déjà comme des vainqueurs. A les entendre, il suffisait de leur garde pour obtenir un triomphe facile, mais l'action s'engagea, et sur tous les points ils éprouvèrent une vive résistance. A une heure la victoire était encore incertaine, car ils se battent supérieurement. Ils voulurent tenter un dernier effort en dirigeant des masses serrées contre notre centre. La garde impériale se déploya; l'artillerie, la cavalerie, l'infanterie marchèrent sur un pont qu'attaquaient les Russes, et ce mouvement que l'inégalité du terrain cachait à Napoléon, ne fut pas aperçu par nous. J'étais en ce moment auprès de lui à attendre ses ordres. Alors nous entendîmes un bruit de mousqueterie très-nourri. C'était une de nos brigades que les Russes culbutaient. A ce bruit l'empereur me donna l'ordre de prendre les mameloucks, deux escadrons de chasseurs, un de grenadiers de la garde, et d'aller reconnaître l'état des choses. Je partis au galop, et je n'étais pas à une portée de canon, que je reconnus le désastre. La cavalerie russe était au milieu de nos carrés et sabrait nos soldats. J'aperçus dans l'éloignement des masses

de cavalerie et d'infanterie qui formaient la réserve des Russes. En ce moment l'ennemi s'avança à notre rencontre, quatre pièces d'artillerie arrivèrent au galop et se rangèrent immédiatement en bataille. J'avais à ma gauche le brave Morland, et le général d'Allemagne à ma droite : « Allons, mes enfans! criai-je à ma troupe, voilà vos frères, vos amis que l'on égorge; vengeons-les, vengeons nos drapeaux! en avant!. Ce peu de mots enleva mes soldats; nous fondîmes de toute la vitesse de nos chevaux sur l'artillerie qui fut enlevée. La cavalerie ennemie qui nous attendait de pied ferme fut culbutée par la vigueur du même choc; elle s'enfuit en désordre passant comme nous sur les débris de nos carrés. Cependant les Russes se rallièrent, mais un escadron de grenadiers à cheval vint me renforcer, et je pus alors attendre de pied ferme les réserves de la garde russe. Nous chargeâmes de nouveau, et cette charge fut terrible; le brave Morland y fut tué à côté de moi; . c'était une véritable boucherie où nous combattious corps à corps, et nous étions tellement mêlés, que ni de l'un ni de l'autre côté l'infanterie n'osa tirer de peur de tuer les siens. Enfin l'intrépidité de nos troupes renversa tous les obstacles, et les Russes s'enfuirent en désordre sous les

empereurs

de Russie et d'Autriche yeux des deux qui s'étaient placés sur un monticule pour être témoins de la bataille. Ils ont dû être contens, ajouta Rapp, car je puis t'assurer qu'ils en ont vu une belle. Pour moi, mon ami, je n'ai jamais passé une si belle journée. L'empereur m'a comblé. Quand je suis arrivé auprès de lui pour lui rendre compte du gain de la bataille, j'avais mon sabre cassé, et comme la petite blessure que je reçus à la tête saignait beaucoup, j'étais tout couvert de sang. Il m'a nommé général de division. Les Russes ne sont pas revenus à la charge; nous leur avons tout pris, leurs canons, leur bagage, et le prince Repnin était au nombre des pri

sonniers. >>

Ainsi me parla Rapp, et dans les longues et intéressantes conversations que j'eus avec cet excellent homme, j'appris beaucoup d'autres détails qui trouveront leur place plus tard. Ici, j'ai voulu seulement rapporter ce qu'il me dit d'une bataille fameuse dont il fut le héros, comme Kellermann l'avait été de Marengo. Que reste-t-il actuellement d'Austerlitz? le souvenir, la gloire, et le magnifique tableau de Gérard, dont le sujet avait été inspiré à l'empereur, par la vue de Rapp couvert de sang.

CHAPITRE V.

Fin des hostilités avec l'Autriche.

Mission du prince de

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Lichtenstein auprès de l'empereur. Entrevue des deux empereurs. Missions de Savary auprès de François II et d'Alexandre. Traité de Presbourg. Le roi d'Italic non enchaîné par les promesses de l'empereur des Français. La Bavière et le Wurtemberg érigés en M. d'Haugwitz à Schoenbrunn. teur et sévérité de Napoléon. Traité conclu par M. d'Haugwitz sans pouvoirs. Second traité de la Prusse conclu à Berlin avec les Anglais. Cruelle posi

royaumes.

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-

Hau

tion du roi de Prusse et son mécontentement de la conduite de M. d'Haugwitz. - Titre d'empereur refusé par Alexandre à Napoléon. -Empire de Napoléon sur luiItinéraire de Rapp après Austerlitz.

même.

lations données à Marmont.

mariage d'Eugène.

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Conso

L'empereur à Munich et

Rapp n'était pas venu immédiatement de Vienne à Hambourg, après la bataille d'Austerlitz. Napoléon l'avait envoyé au château même d'Austerlitz,

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