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indiquera le temple où ceux-ci (les réfractaires) pourront exercer le culte religieux, les patriotes s'en éloigneront à coup sûr; alors les non-confor mistes connaîtront leur force, et en deviendront plus obstinés et plus entreprenants; car, il ne faut pas se le dissimuler, ils sont presque deux contre un patriote dans cette ville (1). »

En Vendée, le directoire du département n'apporta que quelques restrictions à l'application du décret du 7 mai. Mais la querelle entre les deux sectes annonça la guerre civile. M. Chassin, dans son livre la Préparation de la guerre de Vendée, a donné les faits utiles, et je renvoie le lecteur à ce livre. J'ai déjà cité un extrait du journal intime de Dumouriez, commandant à Niort, qui caractérise l'état d'esprit des « patriotes » les plus intelligents d'alors par rapport à la liberté des cultes. Il y écrit. aussi : « Les 17, 19, 20 (août 1791), pétition de plus de 200 personnes de tout état, de Fontenay, pour demander une église non-conformiste, et présentée aux commissaires, qui la rejettent sagement. » Et il ajoute « La pétition occupe tous les esprits; elle est soutenue sous main par le directoire du département; elle divise le district, mais la municipalité est unanime pour la rejeter (2). »

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Les commissaires dont parle Dumouriez, c'étaient Gallois et Gensonné, que, sur la demande de l'As

(1) Sciout, t. II, p. 317.

(2) Chassin, la Préparation, t. II, p. 29.

semblée constituante, le ministre de la Justice avait envoyés en Vendée et dans le district de Châtillon (Deux Sèvres) pour y faire une enquête et y rétablir l'ordre.

Ce n'est pas la Constituante, c'est la Législative qui reçut leur rapport, mais les faits qu'ils y relatent sont tous de l'époque de la Constituante.

Ce rapport est fort instructif. On y voit quel attachement les paysans vendéens avaient pour leurs prêtres insermentés et comment ils étaient devenus, par amour pour eux, moins partisans de la Révolution. Au lieu de leur laisser la liberté des cultes, les commissaires prirent le parti de repousser les pétitions des non-conformistes tendant à louer des édifices pour leur culte : « Comme ces pétitions, disent-ils, que nous savions être provoquées avec le plus d'activité par les personnes qui ne les signaient pas, nous paraissaient tenir à un système plus général et plus secret, nous n'avons pas cru devoir statuer sur une séparation religieuse que nous croyons, à cette époque et vu la situation de ce département, renfermer tous les caractères d'une scission civile entre les citoyens (1).

VIII

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Ainsi, en 1791, la plupart des patriotes, ignorants ou instruits, étaient hostiles en fait à la liberté des

(1) Moniteur, réimpr., t. X, p. 346.

cultes, et, ne voulant point de schisme, s'opposaient à l'application du décret du 7 mai 1791, qui établissait indirectement la liberté des cultes.

Cette liberté, au moment où le peuple s'y oppo. sait si violemment, à Paris et dans les départements, la Constituante la proclamait enfin, de manière à corriger et à compléter l'article de la Déclaration des Droits qui n'accordait que la tolérance. En effet, quand elle revisa la Constitution, elle y ajouta (9 août 1791), parmi les dispositions fondamentales que ladite Constitution garantisssait, « la liberté à tout homme d'exercer le culte auquel il est attaché ». Et, à lire les journaux, il ne semble pas que cette disposition ait suscité aucun débat.

D'autre part, l'article 11 du titre II de la loi de police du 19 juillet 1791 condamnait à l'amende et à la prison «< ceux qui auraient outragé les objets d'un culte quelconque, soit dans un livre public, soit dans les lieux destinés à l'exercice de ce culte, ou, ses ministres en fonctions, interrompu, par un trouble public, les cérémonies religieuses de quelque culte que ce soit ».

Enfin, dans sa proclamation du 28 septembre 1791 Louis XVI réclama la liberté des cultes en termes très véhéments. Il y disait : « Que les opinions religieuses ne soient plus une source de persécutions et de haines; que chacun, en observant les lois, puisse pratiquer le culte auquel il est attaché et que, de part et d'autre, on n'outrage plus ceux qui, en

suivant des opinions différentes, croient obéir à leur conscience. »

Ces paroles royales eurent un grand retentissement elles encouragèrent les directoires de département, sous la Législative, à contrecarrer résolument les municipalités en faveur de la liberté des non-conformistes.

14 août 1905.

III

LES ORIGINES DE LA SÉPARATION DES ÉGLISES ET DE L'ÉTAT : L'ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE

I

On a vu que l'Assemblée constituante, qui d'abord, dans la Déclaration des Droits, n'avait proclamé que la tolérance, avait fini par proclamer la liberté des cultes, et même par l'inscrire dans la Constitution.

On a vu aussi que cette liberté, quoique constitutionnelle, avait été contestée, ou troublée dans son exercice, ou même entièrement supprimée, selon les régions, par le fanatisme des deux sectes qui s'étaient formées dans l'Église romaine.

Ces violations de la loi, ces troubles religieux continuent sous la Législative.

Aux mois d'octobre et de novembre 1791, c'est la répétition d'incidents analogues à ceux qui avaient marqué les derniers mois de la carrière de la Constituante.

AULARD, Études. — V.

7.

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