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les régions de collines, des graines provenant de la région montagneuse 1. Après ceux provenant du nord de l'Europe, les pins français, puis ceux de l'Allemagne du N.-E., se sont montrés les plus résistants. Les plus atteints (exception faite des plants d'origine montagnarde introduit en plaine) sont les pins provenant du S.-O. de l'Allemagne.

M. Engler termine son mémoire par des conclusions qu'il me reste présenter en abrégé aux lecteurs de la Revue.

Il commence par déclarer, avec infiniment de raison, que des expériences longuement prolongées encore pourront seules trancher la question de l'hérédité chez les essences forestières. C'est dire que les faits scientifiquement certains dont nous disposons, et qui concernent surtout de très jeunes plants, ne sauraient fournir une base suffisante à nos opinions.

Surabondant dans son sens, je dirai que la question de la transmissibilité par la graine des caractères ancestraux chez le pin sylvestre non seulement n'est pas tranchée, mais qu'elle n'est même pas encore clairement et correctement posée.

Elle est infiniment plus complexe qu'on ne l'a cru, et de nombreuses distinctions, de très nombreuses et très longues expériences pourront seules permettre une conclusion que ni nous, ni même nos enfants, ne

serons en mesure de formuler.

Voici ce que M. Engler croit possible de déduire des faits observés jusqu'à présent :

Les pins des diverses races se différencient, d'une part, par un certain nombre de caractères extérieurs (formes des apophyses des cônes, durée de persistance des aiguilles, revêtement résineux des bourgeons et, sans doute aussi, structure anatomique des aiguilles et décoloration hivernale) qui disparaissent lorsqu'on les dépayse. Les sujets s'adaptent rapidement, à ces divers points de vue, aux conditions nouvelles d'existence qui leur sont faites.

Mais ces races diffèrent aussi, d'autre part, par des caractères physio

1. Je rappellerai à ce sujet que j'ai pu constater moi-même (Revue des Eaux et Forêts, année 1912, pp. 706-707) que les insuccès obtenus dans les plaines basses de l'Allemagne du Nord avec des graines françaises provenant des montagnes cévenoles tiennent surtout à ce que les plants dépaysés souffrent 'extrêmement de la maladie du rouge.

Il semble que le champignon soit particulièrement redoutable dans les Alpes suisses. M. Engler a trouvé, en 1908, dans la Haute-Engadine, à 1.920 m. d'altitude, des pins de 80 à 100 ans qui étaient encore fortement atteints du rouge.

logiques internes desquels dépendent les phénomènes vitaux, tels que la rapidité de végétation, la forme, la capacité de résistance aux météores, etc. Ces dispositions physiologiques, d'où résulte l'adaptation de l'être vivant au milieu ambiant, se transmettent par la graine. Lorsqu'on dépayse des sujets il se produit une opposition, un défaut d'harmonie, entre leur tempérament intime et le nouveau milieu. De là naissent des troubles, plus ou moins graves et persistants.

En somme, lorsque les conditions de station offertes aux individus dépaysés ne diffèrent pas trop de celles de leur pays d'origine, ces individus s'adaptent rapidement et perdent les caractères de race de leurs ancêtres. Si, au contraire, il y a une opposition par trop grande entre le tempérament physiologique intime des individus dépaysés et le milieu où on les place, ces individus ainsi exilés refusent de s'adapter, languissent et peuvent même mourir prématurément.

Telles sont les conclusions prudentes de mon savant et bien cher collègue de Zurich. Je me suis efforcé de les reproduire aussi fidèlement et clairement qu'il m'a été possible, je suis heureux de pouvoir m'y associer, sous la réserve faite par M. Engler lui-même de l'insuffisance de notre documentation actuelle.

Le nouveau fascicule des Mitteilungen se présente sous une forme parfaite, qui fait honneur à l'éditeur.

(A suivre.)

G. HUFFEL.

MONUMENT ÉLEVÉ A LA MÉMOIRE
DE M. BROILLIARD

Devant u

assistance d'une cinquantaine de personnes venues du dehors, et d'un assez grand nombre de gens du pays, a été inauguré, le 1er octobre dernier, à mi-côte de la Roche de Morey, le monument élevé à la mémoire de M. Broilliard, par la piété de ses amis, de ses élèves et de ses admirateurs, sur l'initiative de la Société forestière de FrancheComté et Belfort.

Les forestiers présents étaient MM. Algan, Bonnet, Caël (neveu de M. Broilliard), Cornefert, Delaunoy, Garnier de Falletans, Guyot, ancien directeur de l'Ecole de Nancy, Jolyet, conservateur en retraite, Mathey, conservateur à Dijon, Millischer, Reuss, Roulleau, Schaeffer. Un train spécial du tramway départemental avait été organisé et

amena les invités à Morey à 11 h. 1/2. Après un déjeuner offert par Mme Broilliard, on se rendit à l'emplacement du monument.

Celui-ci se compose d'un médaillon en bronze sur grande stèle en pierre d'Euville avec guirlande de chêne et cette inscription:

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En arrivant au monument, et avant qu'il soit découvert tout entier, le voile est soulevé de façon à découvrir une tablette encadrée de lierre où sont écrits ces vers signés du maître lui-même :

Français de tous pays, Lorrains ou Dauphinois,

Comtois, Alsaciens, Bourguignons, Champenois...

Jeunes aux longs espoirs, vieux dont l'heure est plus proche,

En souvenir de moi réunis à la Roche,

Voes tous que sur la terre autrefois j'ai connus,

Amis de la Forêt, soyez les bienvenus!

C. B.

Ont pris successivement la parole M. Bouvet, président de la Société forestière de Franche-Comté et Belfort.

M. Bouvet remercie les souscripteurs, particulièrement les étrangers, Anglais, Canadiens, Suisses et Belges.

Il félicite les artistes: MM. André Lenoir, sculpteur à Paris, Blanchecotte, architecte à Paris, M. René Prinet, artiste-peintre de renom, parent de M. Broilliard, dont le dessin fut très précieux au sculpteur. Il prend possession du monument au nom de la Société.

M. Mathey prononce ensuite un important discours que nous sommes heureux de reproduire plus loin.

M. Guyot parle au nom de l'Ecole forestière et fait l'éloge du professeur.

M. Reuss fait le même éloge de celui qu'il a remplacé dans sa chaire à Nancy; il parle aussi de Broilliard, ami de l'Alsace.

M. Roulleau, secrétaire général du Comité des Forêts, exprime des sentiments de respectueuse admiration au nom de ce comité.

Remplaçant M. Descombes, président de l'Association centrale pour l'aménagement des montagnes, M. Girard, inspecteur des travaux de cette association, venu de Bordeaux, prononce également une allocution.

Enfin M. Algan, secrétaire général de la Société de Franche-Comté et Belfort, à l'activité et au dévouement duquel est due l'érection de ce beau monument, remercie et félicite les orateurs.

Il propose d'achever la cérémonie par la plantation d'un sapin.

Ce sapin avait été rapporté par le maître lui-même, il y a 8 ans, de Saint-Dié des Vosges, pays de Mme Broilliard, et repiqué dans son propre jardin.

Cette cérémonie simple et touchante, de caractère très forestier, eût certainement ému le cœur de celui dont elle commémorait le souvenir. Elle a été de tous points très réussie, sauf qu'un orage et de la pluie en ont un peu gâté la fin.

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Voici le discours prononcé par M. Mathey, conservateur à Dijon :

y a un peu plus de trois ans que nous suivions ici même, dans le deuil et la tristesse, le cortège funèbre de notre illustre et vénéré Maître. Aujourd'hui, le cœur toujours gonflé d'amers regrets, nous nous retrouvons dans ce petit village de Morey pour rendre à sa mémoire l'hommage qui lui est dù. Hommage mérité s'il en fut jamais, mais aussi hommage précieux pour son âme, puisque le monument qui le consacre est dû à une admirable et touchante explosion d'affection, de reconnaissance et d'admiration du monde forestier. Français et étrangers, disciples et amis, forestiers de métier et autres, tous ont voulu contribuer à magnifier l'œuvre de Charles Broilliard et à conserver

à la postérité ces traits si aimés, empreints à la fois de douce finesse et de mâle énergie.

Ah! qu'ils étaient perçants et bons, ces yeux au travers desquels filtrèrent les rayons si purs de son âme! Ah! qu'elle était prenante et ferme, cette voix parfois voilée qui montait de son cœur à ses lèvres !

Avant de rappeler ce que fut le héros de cette fête, que la cité de Morey me permette de lui dire, au nom de la science forestière française, combien l'honore l'hommage qu'elle rend aujourd'hui à l'homme célèbre qui a illustré cette région. Le voilà donc, celui qui nous fut si cher, revivant dans le bronze! Le voilà veillant de cette Roche de Morey qu'il a tant aimée, qu'il a si souvent gravie, sur le toit familial, sur les plaines et les monts du pays où se sont écoulées son enfance huissonnière et sa vie laborieuse!

Et c'est bien là sa place, loin de l'envie et de la jalousie, qui n'épargnent personne, et que son cœur ne connut jamais.

Au forestier fier et indépendant, conscient de sa joie et de sa valeur; au forestier français, en qui s'est incarné le génie de notre race, il fallait les larges horizons des terres et des bois de la Patrie; il fallait aussi que les yeux de ce Français de race, de ce père d'officier puissent voir bleuir au loin cette ligne des Vosges, dont il se plaisait à reculer la frontière jusqu'au Rhin, évoquant le souvenir de ces forêts de Haguenau et autres limitrophes, qu'il avait si souvent parcourues avec ses élèves.

Charles Broilliard avait l'âme grande et généreuse, l'esprit pénétrant et primesautier, l'extérieur plein de noblesse et de séduction. Après quelques mois seulement de préparation, il entra premier à l'Ecole forestière, où ses dons naturels, sa belle humeur, son esprit de bonne camaraderie le firent chérir de tous ses condisciples.

Il fit donc gaiement ses deux années d'école, et gaiement aussi il entra dans le service extérieur pour lequel il montrait une vocation spéciale. Dans les Alpes et le Jura, il chasse et il observe; il martèle et il aménage; il ascensionne furieusement et il réorganise en même temps. Il est en terrain vierge, et sa nature s'y complait. Ses chefs sont heureux de lui lâcher la bride. Il en profite pour édifier des œuvres de jeunesse qui durent encore après un demisiècle d'usage tel l'aménagement de la forêt communale de Puy-Saint-Pierre, près Briançon.

Mais le Jura et les Alpes ne peuvent retenir longtemps le jeune forestier. Ils le gardent juste ce qu'il faut pour lui apprendre à connaître la montagne, ses habitants et ses forêts. Et cette montagne lui devra, après coup, d'étincelants articles sur sa rénovation.

Attiré par les Vosges, où il s'est marié, il vient à Bains; c'est là, je crois, où Nanquette le rencontra. On martelait une coupe d'éclaircie, et le jeune chef de cantonnement, rompant avec les traditions, substitue hardiment, devant l'Ecole étourdie, l'éclaircie française par le haut, à l'éclaircie allemande par le bas. Et, joignant l'exemple au précepte, il détaille, explique, précise son opération devant le professeur attentif et charmé. Bientôt après, une place étant devenue vacante à l'Ecole, Nanquette la demande et l'obtient pour lui. On reconnait encore dans Haye et ailleurs les parties traitées par Broilliard.

Le forestier Nanquette, devenu directeur de l'Ecole et appréciant de plus en plus les mérites de son jeune collaborateur, ne tarda pas à se décharger entiè

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