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CHAPITRE V.

NOUVELLES TENTATIVES DE PROPAGANDE EN EUROPE.

polonais. magne.

(SEPTEMBRE 1832 A OCTOBRE 1833.)

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Correspondance des clubs. — Plaintes du comte Pozzo di Borgo sur le comité Attitude et caractère du duc de Broglie. Situation de l'AlleLes universités. -- Les écrits politiques. — L'opposition des États. La diète de Francfort. Résolution prise. - Plaintes de la France à Vienne et à Berlin. Renvoi à la diète de Francfort. Propagande des clubs de Paris. Mesures répressives. - Insurrection de Francfort. Оссиpation militaire. — Les réfugiés allemands à Paris. La Suisse. Action du parti démocratique dans les cantons. - Rapports avec la France. Inquiétude des puissances voisines. Invasion des Polonais en Suisse. — Complots dans le Piémont. — Projet d'insurrection. — Mesures énergiques et répressives du gouvernement sarde. Retour de M. de Barante à Turin. Le Milanais. - Les Etats romains. Naples. Réunion des ministres européens à Toeplitz. Nécessité d'un congrès. empereurs de Russie et d'Autriche.

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Entrevue de Muntz-Graëtz.
Le roi de Prusse. Le prince royal.
Véritable caractère de cette entrevue. Actes et résolutions prises.

On reporte généralement aux derniers mois de l'année 1830, sous l'influence active de M. de Lafayette, les progrès rapides et graves, les menaces les plus puissantes de la propagande; c'est à tort, je crois; ou peut-être faut-il établir une distinction historique entre deux époques également dangereuses pour le repos de l'Europe. En 1830, l'espèce de propagande qui parcourait le monde était comme un

fluide électrique qui, sans règle et sans frein, se répandait irrésistiblement en vertu de la grande loi de l'exemple; on se révoltait, parce qu'il y avait à Paris une puissante émeute victorieuse. Mais cette propagande n'avait rien d'organisé, de hiérarchique. Il n'en est pas ainsi de l'ère qui va s'ouvrir : c'est le temps d'une propagande par comité, correspondant par écrit comme une administration organisée. En 1830, c'est un feu d'imitation qui prend à la tête des peuples; cette fois c'est un complot avec ses chefs, ses forces, ses troupes organisées, ses moyens d'action saisissables. Cette distinction, il fallait d'abord l'établir afin de pénétrer dans l'esprit des actes répressifs tentés par les gouvernemens.

Ce caractère nouveau de la propagande est dû peut être à cette masse de réfugiés étrangers, carbonari, liberales, ou enfans de la jeune Allemagne, et au séjour un peu turbulent des Polonais. Partout où ils reposaient leur noble tête, l'aspect de ces grands malheurs, de ces débris vivans d'une révolution vaincue ('), avaient créé des dépits, des désirs naturels de vengeance et de réaction qui bientôt dominèrent les masses. Il y a surtout dans les Polonais un esprit d'intrigue et d'agitation: peuple brave, essentiellement actif, impatient de tout joug, il oubliait souvent les lois de l'hospitalité pour le triomphe d'une idée généreuse mais insubordonnée. Il s'était donc formé à Paris, après la chute de Varsovie, un comité composé d'hommes éminens et honorables au reste, principaux

(') La présence des Polonais dans les villes était partout saluée par

des banquets, des bals et souvent aussi par des émeutes. J

auteurs et acteurs de la Révolution de Pologne, et dont la mission avouée était de protéger, de relever même la cause tombée ('); c'était touchant et bien, considéré d'une manière abstraite, indépendamment des relations naturelles de la France avec le reste de l'Europe. Mais lorsqu'il existait un ambassadeur russe à Paris et qu'on désignait pour l'ambassade française à Pétersbourg le maréchal Maison, était-il légal et convenable de souffrir et de protéger à Paris un comité; non point de secours ni d'aumônes, mais destiné à renverser le gouvernement russe à Varsovie, c'est-à-dire à préparer une nouvelle insurrection en Pologne ? C'était ainsi que la question devait être posée. Sur ce point, le comte Pozzo di Borgo avait raison de se plaindre; esprit éclairé, même très avancé dans les idées libérales, le comte Pozzo admettait bien le principe d'hospitalité, même le plus étendu, en faveur des Polonais; là, selon lui, devait s'arrêter toute la protection du gouvernement. Rappelant même les souvenirs de la Législative, le comte Pozzo répétait que, par rapport à la Russie, un comité polonais à Paris était la même chose que le comité d'émigrés à Coblentz en 1792, si souvent dénoncé par M. de Lafayette, et que l'Assemblée nationale avait fait dissoudre par l'électeur.

Ces réclamations répétées de l'ambassadeur trouvaient le duc de Broglie assez froid ou incertain, car il y avait chez le ministre un sentiment de générosité sympathique pour les nobles choses; nul ne pouvait

Le comité polonais agissait comme un pouvoir établi et organisé par des circulaires, des actes,

des levées d'argent, et c'est ce que les grandes puissances ne pouvaient admettre.

lui reprocher ce mouvement honorable pour de si grandes infortunes; on ne refait ni son éducation ni son cœur, même lorsque la froide politique vous presse de ses étreintes : proscrire, surveiller les réfugiés lui faisait mal, car parmi eux se trouvaient des hommes de science, de considération, de noblesse et de grandeur sociale liés à sa famille par les souvenirs même de Louis XV. En vertu de ce caractère, le duc de Broglie commettait, je dirai presque l'imprudence de recevoir dans ses salons les membres de ce comité, sous prétexte qu'ils étaient ses amis et que depuis longues années il correspondait avec eux ('). Ceci jetait du froid dans les rapports du comte Pozzo et du duc de Broglie, d'ailleurs peu disposé pour la Russie à la suite de la question d'Orient. Bientôt M. de Werther, au nom de la Prusse, vint lui-même demander la dissolution du comité polonais (*).

A ces griefs communs avec la Russie, la Prusse en ajoutait de particuliers. L'état de l'Allemagne agitée appelait l'attention la plus sérieuse de l'Europe; à l'origine de la Révolution de Juillet, la diète germanique avait pris certaines précautions militaires afin d'assurer l'ordre et la tranquillité dans tous les États de la Confédération (3). Ces précautions avaient suffi

(1) La condescendance du duc de Broglie était l'objet des rapports des agens russes et semblait contredire la correspondance personnelle, si parfaitement loyale dans sa répression de la propagande révolutionnaire.

(3) Ce fut alors seulement que le comité fut dissous officiellement,

mais il n'en resta pas moins uni de pensée et de cœur.

(3) La correspondance prussienne indique la nature de ces mesures. Le général de Borstell, commandant le 8e corps d'armée au général Thile, gouverneur de Mayence.

Trèves. 14 juin 1832. ... Si l'on est obligé de laisser

momentanément pour arrêter les intentions ardentes, spontanées qui voulaient seconder les barricades de Juillet. Depuis lors, d'autres faits non moins graves s'étaient révélés : une conspiration en plein air était devenue un complot secret assez important pour menacer l'Allemagne. La police attentive sur les bords du Rhin, dans la Bavière, le Wurtemberg, Bade, s'était aperçue d'une correspondance établie entre les réfugiés allemands en France et leurs frères de la vieille Teutonie; les professeurs d'université avec les masses d'étudians d'Heidelberg, de Bone, de Iena, se groupaient autour de l'idée d'une patrie grande, une et libre; tous les prétextes, toutes les circonstances étaient saisis avec enthousiasme : ici on déployait les couleurs de la sainte Germanie; là, des chants patriotiques, des réunions de jeunes et nobles têtes appelaient un avenir désiré depuis l'année sanglante qui avait vu les désastres de Leipsick, la bataille des nations! La presse allemande, quoique fortement censurée, servait cet ardent esprit; secondée par les journaux français des bords du Rhin, la génération libérale appelait dans les gouvernemens de ses princes le

aux souverains allemands le soin de traiter à leur gré les démagogues et les perturbateurs insensés dans leurs États, s'ils devaient n'être jugés que d'après les prétendues lois françaises, on ne fera qu'augmenter ainsi la faiblesse des gouvernemens et les forces subversives du parti révolutionnaire au-dedans comme au-dehors de l'Allemagne... La sûreté de l'État, basée sur les principes de la morale, est le devoir le plus impor

tant pour les gouvernemens; elle n'est garantie nulle part par les formes et les assemblées représentatives; au contraire, ce sont elles qui l'exposent partout à des abus et à des dangers. Si les institutions constitutionnelles allemandes, qui accordent aux représentans du peuple le droit de refus des impôts et un pouvoir au-dessus de celui du souverain, si ces institutions ne peuvent être ramenées à des comités d'Etat à voix

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