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quatre feux, le matin on n'en comptait pas au-delà de deux cents. Les rues qu'ils avaient barricadées étaient aisément parcourues par les troupes, et il n'y avait plus à éteindre que la rare fusillade qui venait des maisons. Celles-ci furent fouillées du haut en bas, dans tous les étages; on se saisit d'un grand nombre de sectionnaires, avec leur drapeau, leurs instructions, leur signe de ralliement. A midi, tout était terminé, et l'on put compter les morts et soigner les blessés; sans être considérables, ces pertes étaient douloureuses; de dignes officiers étaient tombés sous les balles; un colonel de la garde nationale, estimé de tous les partis, était grièvement blessé; un jeune homme plein d'espérance, M. Baillot, avait été tué raide; et cela jetait un profond désir de vengeance même au sein de la bourgeoisie.

Dans cette lutte douloureuse, il n'y avait pas eu un moment péril sérieux pour le pouvoir; les insurgés étaient en trop petit nombre pour réussir; la bourgeoisie les considérait comme une troupe de forcenés, de voleurs qui troublaient Paris; de là nul secours, nul appui aux sectionnaires; la désorganisation la plus complète dans leurs rangs. S'il y eut parmi eux du courage individuel, une bravoure incontestable, les insurgés montrèrent qu'ils n'avaient pas de forces suffisantes pour être redoutables, que les intérêts des masses ne répondaient pas à leurs propres passions. Le soir Paris fut calme, on ne parla que des tristes scènes dont la capitale avait été le théâtre et des moyens de les éteindre à jamais. La guerre civile avait pris un caractère affreux d'assassinat, qui explique les plus terribles époques de l'histoire; les in

surgés avaient tiré à bout portant sur de braves officiers, et les troupes avaient massacré les rebelles de sang froid. Ces terribles scènes devraient porter avec elles-mêmes leur enseignement: chaque génération a ce reproche de sang et de douleur qu'elle porte comme un stigmate sur son front, et chose triste à dire nous n'en profitons pas; les passions changent d'objet, mais elles n'éclatent pas moins affreuses; et voilà pourquoi les âmes honnêtes se rattachent à tout système de calme, de modération et d'humanité.

Le résultat politique de cette terrible émeute, ce fut d'avoir porté un coup résolu à ce vaste réseau d'associations qui publiquement se substituait au pouvoir établi était-il supportable qu'à côté du gouvernement, il y en eût un autre qui s'intitulât république, en proclamant les principes d'anarchie de la Convention et du Comité de salut public? Pour devenir loi stable, exécutée, le système du gouvernement contre les associations devait trouver cette résistance, car ce n'était qu'à coups de danger et de lutte qu'on pouvait arriver à un principede justice et de force dans le pouvoir. Le parti actif de la Révolution de Juillet succombait dans le combat; les associations ne pouvaient désormais opposer aucune résistance, parce que leur grand réseau était rompu aux centres comme à leur extrémité. A Paris et à Lyon, la bataille était donnée; elle n'avait été qu'essayée à Saint-Etienne, à Grenoble, à Marseille, à Châlons et à Clermont-Ferrand. Restait maintenant à développer législativement les conséquences de la victoire, et il faut rendre cette justice à M. Persil, qu'en cette occasion il montra une modération, une tempé

rance de moyens qui font honneur à son caractère et à son esprit.

Tout le monde s'attendait à des lois de colère. Soit que le conseil s'y refusåt, soit que M. Persil vît que ce serait un profit trop immédiatement tiré de circonstances malheureuses, on se borna à présenter à la Chambre un projet de loi contre les détenteurs d'armes et de projectiles de guerre, simple mesure de police que les circonstances expliquaient suffisamment('). En même temps, le conseil arrêta qu'on préparerait un vaste procès politique, embrassant tout le système des associations, procès déféré à la Chambre des pairs, comme cour suprême de justice. On y trouvait cet avantage d'enlever au jury un procès où trop de passions se mêlaient à une appréciation impartiale; puis on mettait aux mains des esprits politiques, calmes et supérieurs, l'examen de ce vaste réseau d'associations qui embrassait non-seulement la France, mais l'Europe entière. On voulait en préparer l'histoire, en faire connaître les incidens, afin de constater tous les périls auxquels la société avait échappé, car l'organisation des Droits de l'homme n'en voulait pas seule

(') L'exposé des motifs de M. Persil était grave, et voici en quels termes il s'exprimait : «< De grands malheurs, de grands crimes, viennent d'affliger, de consterner le pays. Le sang français a coulé, en même temps, à Lyon, à SaintEtienne, à Paris, dans d'autres villes encore ; et ce sont des mains françaises qui l'ont répandu! La guerre civile dans ce qu'elle a de plus hideux s'est trouvé tout-àcoup organisée. Non-seulement

des factieux ont offert, commencé et soutenu le combat, mais des assassins armés ont parcouru les rues et donné la mort à des citoyens inoffensifs et isolés. En définitive, les pouvoirs réguliers ont triomphé de ces criminelles attaques. Mais après cette victoire le gouvernement a d'impérieux devoirs à remplir. Des révélations faites à la tribune de cette Chambre vous ont appris que les factieux, membres ou non des associations, s'étaient

ment au pouvoir politique, mais encore à la propriété, à la famille, à tout ce qui fonde le bonheur public et privé. Le gouvernement avait un grand intérêt à constater que dans cette lutte il ne s'agissait pas seulement de sa propre existence, mais de la société tout entière profondément ébranlée. Désormais ce n'était donc plus une question d'égoïsme pour le pouvoir, mais de prévoyance et de précaution pour tous. On confiait l'examen de ce procès à la Chambre des pairs, parce qu'il n'y avait pas au monde une réunion d'hommes plus sérieux, plus modérés, plus capables de comprendre la grandeur de la question sociale. C'était une tâche difficile, immense que d'embrasser dans un seul procés tant d'accusés, que de juger des questions si difficiles; néanmoins la Cour des pairs accepta cette mission et le procès des accusés d'avril devait devenir un des épisodes le plus pénible et le plus honorable dans cette longue histoire des services rendus par la Chambre des pairs.

procuré des armes et des munitions de guerre. Nous vous proposons donc de remplir la lacune qui existe dans la loi, à ce sujet. Par le projet que nous vous apportons, il serait défendu d'avoir chez

soi des armes et des munitions de guerre, à moins d'une autorisation spéciale ou d'une destination légitime.»

(Chambre des députés, séance du 15 avril.)

FIN DU SEPTIÈME VOLUME.

TABLE

DES CHAPITRES DU TOME SEPTIÈME.

CHAPITRE PREMIER.

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Page 1.

Situation des pouvoirs à la session de 1833.

Le ministère après la dictature de l'état de siége.

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Ouverture de la session.
Attentat du Pont-Royal. — Discours de la couronne. — Esprit de la Cham-
brejdes députés. — Elémens de la majorité. — Les premiers conservateurs.
– Banc de la jeune doctrine. — Rapprochement avec M. Dupin. — Puis-
sance du tiers parti. Il est maître des bureaux et de l'adresse.-Minorité et
faute du compte-rendu. — Projets de lois. — Financiers. Administratifs.

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— Propositious individuelles. · Caractère des votes du tiers parti. — Peti-
tesse de ses résolutious en matière religieuse, morale et politique. - Votes
d'indu'geuce pour M. Laffitte ; d'injustice pour M. de Montbel. Néces-
sité d'une discipline dans la majorité. —Destitution de M. Baude et de M. Du-
bois. Accusation du tiers parti contre les doctrinaires.

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Attitude du parti républicain. - Ses fractionnemens. - Les fils des vieux ja-
cobins. Les mutuellistes. Les démocrates élégans. — L'école américaine.
La société des Droits de l'homme. Ses manifestes. - Ses organes à Paris et
dans les provinces. · Les légitimistes. — Leur situation politique depuis l'ar-
restation de madame la duchesse de Berri. - Protestations. - Brochures.
M. de Kergorlay. — M. de Châteaubriand. — Dévoûment chevaleresque pour
Madame. Heurtement de partis.— Les duels. — Histoire de la captivité de
Le général Bugeaud, Inquiétude sur la santé de Madame, —

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Blaye.
Première déclaration. — Négociations difficiles.
Correspondance avec Naples,

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La question du mariage.
Publicité de la déclaration. — Effet qu'elle

produit, — Paris dans l'hiver de 1833. — Les bals. — Les soirées politiques. -

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