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ils s'étaient aperçus que la main puissante qui comprimait l'esprit de faction et conservait la paix au monde, c'était celle du prince. Dès-lors ils s'attaquent moins à son gouvernement qu'à lui-même; ils savent qu'à sa vie se rattache une destinée, une mission: la guerre a commencé dans la presse, le roi est désigné incessamment comme la cause première de l'ordre et de la paix (crime irrémissible aux yeux des turbulens), et c'est pour cela qu'il est attaqué; les factions n'espèrent ni la confusion ni l'anarchie tant que le roi tiendra le sceptre. Terrible hommage donc que ces attentats à la sagesse, à la prévoyance qui veille et préserve la société; ils disent les services et les fatales épreuves de la royauté nouvelle.

Dans la Chambre, le roi fut accueilli avec un vif enthousiasme; tous les députés, même ceux de l'opposition ardente, avaient présent à la pensée le danger auquel la société venait d'échapper: toujours calme et grave, le prince ne laissa paraître sur son visage aucune marque de crainte; appelé à développer le système ministériel sur les affaires intérieures et extérieures, le roi s'exprima en ces termes (1): « Je me félicite, messieurs, de retrouver après une longue séparation vos lumières et

de très près un coup de pistolet. A en juger par la détonnation entendue, l'arme était fortement chargée. Le pistolet a été aussitôt ramassé par M. Gabriel Delessert qui a sauté à bas de son cheval. Quelques sergens de ville se sont aussitôt précipités pour arrêter l'assassin, mais un groupe qui l'entourait n'a pas permis de le saisir. On a arrêté cependant quel

ques personnes qui paraissent innocentes. Au moment où l'explosion du coup de feu s'est fait entendre, un aide-de-camp a dit au roi : << Sire, on vient de tirer un coup de fusil sur vous! - Non, lui a répondu le roi avec sang-froid, c'est un coup de pistolet, je l'ai vu. »

(') Le ministère crut nécessaire de rassurer les départemens, et une dépêche télégraphique ainsi conçue

votre appui. Dans cet intervalle, mon gouvernement a été exposé à de graves épreuves. Il les a surmontées par sa propre force; il a triomphé des factions. Trompées par la générosité de nos institutions, par notre respect pour les garanties des libertés publiques, elles ont méconnu la force d'une politique légale et modérée. Dans Paris, au nom de la république; dans l'ouest, au nom de la contre-révolution, elles ont attenté par les armes à l'ordre établi. La république et la contre-révolution ont été vaincues. Les journées des 5 et 6 juin ont fait éclater la perversité et l'impuissance des fauteurs de l'anarchie. Elles ont révélé combien serait dangereuse toute politique qui ménagerait les passions subversives au lieu de les réprimer. La monarchie constitutionnelle a reconnu ses vrais amis et ses vrais défenseurs dans cette généreuse population de Paris, dans cette intrépide garde nationale, dans cette brave et fidèle armée, qui ont si énergiquement repoussé de tels attentats. J'ai été assez heureux pour que ma présence, en encourageant les bons citoyens, hâtât le terme de la sédition ('). On a vu quelle force trouve, dans l'appui de

fut aussitôt expédiée aux préfets.

Paris, 19 novembre 1832 à 4 h. du soir.

«La séance royale s'est très bien passée. Le roi a été accueilli avec transport. Un coup de pistolet avait été tiré sur Sa Majesté dans le trajet, sans l'atteindre. Paris jouit de la plus parfaite tranquillité. Les acclamations de la population ont vengé le roi de cet attentat.

(') Le roi disait encore, et peutêtre ce discours du trône était-il un peu long :

« C'est en persistant dans les voies de modération et de justice que nous nous montrerons fidèles aux principes de notre glorieuse révolution. C'est là le système que nous avons affermi par votre concours, et qu'a soutenu avec tant de constance le ministre habile et courageux dont nous déplorons la perte. Déjà les heureux effets de ce système se font partout ressentir. Au- dedans, la confiance renaît. Le commerce et l'industrie ont re

la nation, un roi constitutionnel contraint de recourir aux armes pour défendre la couronne qu'il a été appelé à porter et les institutions qu'il a juré de maintenir. Nous avons eu à déplorer dans l'ouest des soulèvemens et des crimes odieux. La masse de la population n'y a point pris part; et partout où la rébellion a éclaté, elle a été rapidement vaincue. Que les coupables auteurs de la guerre civile qui a tant de fois désolé ces contrées, perdent donc tout espoir d'une contre-révolution impossible à mes yeux comme aux vôtres; car elle nous trouverait unanimes pour la combattre, toujours fidèles à nos sermens et prêts à confondre nos destinées avec celles de la patrie.

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Ici venaient deux questions graves, sérieuses, l'arrestation de la duchesse de Berri et l'ordonnance pour l'état de siége; sur la première mesure, le gouvernement s'exprimait d'une manière détournée : « Un événement récent et décisif pour la paix publique, disait-il, détruira les dernières illusions de ce parti. » Expressions vagues mais qui devenaient plus explicites sur l'état de siége. « A Paris, comme dans l'ouest, mon gouvernement a dû emprunter à la législation existante toute l'éner

pris leur essor; la providence a versé ses trésors sur nos campagnes; le fléau qui nous a si cruellement désolés s'est éloigné de nous, et tout nous promet la prompte réparation des maux dont nous avons eu à gémir... Je désire que notre législation fondamentale soit promptement complétée. Les lois annoncées par l'art. 69 de la Charte vous seront présentées dans le cours de cette session. Vous aurez à délibérer sur la responsabi

lité des ministres, sur les administrations départementales et municipales, sur l'organisation de l'instruction publique et sur l'état des officiers. Plusieurs autres lois de moindre importance politique, mais d'un grand intérêt pour les affaires du pays, vous seront également présentées. Je regrette de ne pouvoir vous proposer dès à présent, la réduction des charges publiques : nos devoirs envers la France, et les circonstances où

gie compatible avec la justice. Pour des crimes pareils, il fallait la même répression; il fallait aussi que, dans ces jours de crise, les défenseurs de l'ordre public et de la liberté trouvassent dans la ferme résolution du pouvoir l'appui qu'ils en réclamaient. Vous aurez à examiner si notre législation à cet égard n'a pas besoin d'être revue et complétée, et par quelles mesures peuvent être garanties à-la-fois la sûreté de l'État et la liberté de tous. >>

Le conseil des ministres avait porté toute son application aux affaires intérieures, si graves dans les journées des 5 et 6 juin, où l'existence de la société tout entière avait été mise en question. Au-dehors, au contraire, l'intérêt avait diminué; les affaires s'étaient améliorées, bien que l'attitude de la Prusse fût menaçante. Le roi disait donc : « J'ai tout lieu de compter sur les dispositions pacifiques des puissances étrangères et sur les assurances que j'en reçois chaque jour. L'union intime qui vient de se resserrer entre la France et la Grande-Bretagne sera, pour les deux nations, une source féconde de bien-être et de force, et pour l'Europe entière, une nouvelle garantie de paix. Une question pouvait entretenir encore en

nous sommes placés, nous imposent encore de pesans sacrifices; mais l'arrangement prochain des affaires générales de l'Europe nous permet d'en entrevoir le terme. L'avenir s'offre à nous sous des auspices favorables; le crédit se maintient et se fortifie, et des signes certains attestent les progrès de la richesse nationale. Encore quelques efforts, et les dernières traces des inquiétudes insépara

bles d'une grande révolution seront effacées. Le sentiment de la stabilité rentrera dans tous les esprits, la France prendra une entière confiance dans son avenir, et alors se réalisera le plus cher de mes vœux, celui de voir ma patrie s'élever à toute la prospérité qu'elle a droit de prétendre, et de pouvoir me dire que mes efforts n'ont pas été inutiles à l'accomplissement de ses destinées. >>

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Europe quelque inquiétude. Malgré les efforts de mon gouvernement, le traité de 15 novembre 1831, qui devait consommer la séparation de la Belgique et de la Hollande, demeurait sans exécution : les moyens de conciliation semblaient épuisés; le but n'était pas atteint. J'ai cru qu'un pareil état de choses ne pouvait se prolonger sans compromettre la dignité et les intérêts de la France. Le moment était venu de pourvoir à l'exécution des traités et de remplir les engagemens contractés envers la Belgique. Le roi de la Grande-Bretagne a partagé mon sentiment. Nos deux pavillons flottent ensemble à l'embouchure de l'Escaut. En donnant au roi des Belges ma fille chérie, j'ai fortifié par un lien nouveau l'intimité des deux peuples. L'acte qui a consacré cette union solennelle sera mis sous vos yeux. J'ai donné ordre également à mes ministres de vous communiquer le traité conclu, le 4 juillet 1831, entre mon gouvernement et celui des États-Unis d'Amérique : cette transaction met un terme aux réclamations réciproques des deux pays. Vous prendrez aussi connaissance du traité par lequel le prince Othon de Bavière est appelé au trône de la Grèce. J'aurai à vous demander les moyens de garantir, solidairement avec mes alliés, un emprunt indispensable à l'affermissement du nouvel État fondé par nos soins et notre concours. »

Tel était l'aperçu fidèle des relations extérieures du pays: cette situation était rassurante et le discours fut silencieusement écouté; l'esprit de la Chambre, ainsi que j'ai eu déjà l'occasion de le signaler, n'avait point subi de changemens notables à travers les événemens les plus graves de la situation même. Il y avait

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