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du type des artistes du xv et du xvI° siècle. M. Schoeffer exposa sa Marguerite à la messe, M. Johannot son tableau de l'Entrée de mademoiselle de Montpensier à Orléans, un peu fantastique comme une scène de l'Arioste ('). MM. Steuben, Eug. Devéria avaient jeté quelques fresques; M. Ingres, un portrait, celui de M. Bertin l'aîné, le directeur du journal des Débats; il n'était pas jusqu'au vieux comte de Forbin, artiste jusqu'à son lit de mort, qui ne crayonnât une vue d'un bazar souterrain au Caire. La sculpture avait donné le pécheur napolitain de M. Duret, un peu grimaçant; le Caïn de M. Etex, dont le type était trop moderne pour un des fils de la première création; le Sybarite de M. Pradier, œuvre de mérite un peu maniérée, avec un amour trop grand de la forme et de la chair. La foi des artistes n'était pas assez vive pour produire de grandes choses; beaucoup avaient du talent et peu avaient la croyance qui distinguait les artistes du xvi° siècle : et pourtant ils en singeaient les manières ou les mœurs. Combien d'entre eux étudiaient les mémoires de Benvenuto Cellini pour copier les costumes de la vie artistique? Ils se drapaient à l'italienne, ils avaient des scopètes, des poignards, mais au demeurant tous soupiraient après une douce et tranquille position !

Les négociations de bourse et d'affaires n'étaient-elles pas le type de l'époque? Cet égoïsme avait son bon côté, sa conséquence prosaïque mais conservatrice; il devait amener par la force des choses un calme, un attiédissement dans toutes les passions énergiques, de manière à préparer la paix des masses en rattachant tous les inté

(1) En effet ce tableau ressemblait à une vignette destinée à illustrer

l'Orlando furioso; je crois qu'il est au musée de Versailles.

rêts à l'ordre. On commençait les premiers essais des chemins de fer; l'esprit d'association faisait des progrès; on s'occupait de caisses d'épargnes, de compagnies d'assurances, d'un mutuel appui à se prêter dans les pertes et les bouleversemens de fortunes. De là devaient résulter une nouvelle tendance sociale et des garanties pour l'avenir; quand tous les intérêts seraient liés aux fonds publics, aux caisses de prévoyance, il se ferait dans les esprits un besoin général de repos et de quiétude qui seconderait la force passive du gouvernement. Un peuple peut bien vivre quelques années avec des poèmes épiques, il les compose et se les récite à lui-même: mais ces époques, nécessairement exceptionnelles et qui absorbent pour long-temps les forces vitales d'une nation, cèdent bientôt devant les intérêts matériels, garantie du calme et du repos pour les gouvernemens et les peuples.

CHAPITRE III.

LA DIPLOMATIE.

QUESTIONS D'ORIENT, DE LA GRÈCE, DE LA BELGIQUE, DU PORTUGAL ET DE L'ESPAGNE.

(JANVIER A JUILLET 1833.)

Caractère diplomatique du duc de Broglie.

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rapports avec les cours. - Véritable portée de la question d'Orient. Les civilisations égyptienne et turque. Intrigues du pacha. Le divan. - Appel des Russes par le sultan. M. de Varennes à Constantinople. Mission du comte Mourawieff près du sultan et à Alexandrie. — Politique de la France. - Mission de l'amiral Roussin. - Son attitude à Constantinople. -Traité proposé au pacha.-M. Mimaut à Alexandrie. — Refus de Mehemet-Ali. La flotte et l'armée russes. - Mouvement de la diplomatie. Lord Ponsonby. — M. d'Ottenfels, internonce d'Autriche. — L'amiral Roussin. -Satisfaction au pacha. —Evacuation des Russes. - Traité d'Unkiar-Skelessi. - Clauses secrètes. - Développement de la question grecque. Royauté du prince Othon. - L'emprunt et les garanties. — Affaiblissement de la question belge et de la conférence de Londres. Mission de M. Dedel à Londres. — Blocus et traité définitif. — La flotte française et l'amiral de Mackau. -— Portugal. - Dom Miguel. Les emprunts. EsLa cause de dom Pedro.. pagne. Situation de la reine Christine et du parti de l'infant don Carlos. - Protestation Ministère de M. Zea Bermudez. - Tendance modérée.

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Le duc de Broglie gardait la direction responsable des affaires étrangères depuis la formation du cabinet du 11 octobre. Avec la probité la plus haute, la loyauté la plus incontestée, de fortes études, une connaissance profonde du droit public européen, M. de Broglie avait peut-être l'esprit le moins capable d'habile

ment conduire la politique extérieure du pays. Très supérieur dans toutes les questions spéciales, le noble duc n'avait ni assez de ménagement ni assez de souplesse pour passer à travers les accidens dont la diplomatie est semée; nul n'avait des formes plus polies, et pourtant nul n'était plus antipathique, plus insupportable au corps diplomatique; les ambassadeurs aiment à s'informer, à s'enquérir, à causer sur les affaires générales, afin de se composer une opinion qu'ils transmettent ensuite à leurs cours, et M. de Broglie était silencieux, toujours grave, sans liant pour les hommes et pour les choses. A chaque ambassadeur il répondait nettement sur la question spéciale qui faisait l'objet d'une négociation, mais toutes les fois que celui-ci voulait causer sur la généralité des affaires de France, sur cet aspect des choses qui forme le fond des dépêches des ambassadeurs, M. de Broglie s'obstinait au silence, et l'on prenait pour du pédantisme ce qui n'était au fond qu'un sentiment de l'orgueil national peut-être exagéré, lequel rendait impossible toute communication amicale et confidentielle (').

A part ce défaut de caractère dont la source demeurait honorable, M. de Broglie était parfait pour toutes les grandes affaires; il s'entendait avec une profonde délicatesse sur le choix des personnes, et sa première liste d'ambassades ne laissait rien à désirer (3). Le comte de Saint-Aulaire passait de Rome à Vienne, les ques

(1) Je crois que le corps diplomatique exagérait les défauts du duc de Broglie: pour lui ce n'était pas un homme commode.

(2) Voici quelles étaient ces nominations:

M. le comte de Saint-Aulaire, ambassadeur à Vienne. - M. le

tions d'Italie étaient tellement dominantes et se liaient si parfaitement à l'Autriche, que ce n'était pas en quelque sorte un changement. M. de Saint-Aulaire plairait au prince de Metternich, parce qu'il était bien né, convenable, poli; dans sa mission de Rome il avait montré un esprit très modéré, très calme, quand la situation était si délicate, surtout après l'occupation d'Ancône. A Vienne, ces mêmes questions devaient se reproduire; M. de Saint-Aulaire y remplaçait le maréchal Maison, désigné pour Pétersbourg.

Le maréchal Maison n'avait point réussi à la cour d'Autriche; trop rude soldat pour répondre à la politique tempérée de M. de Metternich, compromis par sa correspondance avec le général Guilleminot, il ne pouvait plus s'occuper de la question d'Orient, alors capitale. Si l'on envoyait le maréchal Maison à Pétersbourg, c'est que d'anciennes liaisons l'unissaient à la politique russe et au système de la vieille alliance; dans les ambassades, les antécédens sont beaucoup : or le marquis Maison avait été nommé gouverneur de Paris sous l'influence de l'empereur Alexandre, lors de l'occupation des alliés en 1814; élève de l'école de Moreau, il s'était montré alors fort zélé pour la Res

M. le comte Alexis de St.-Priest, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire à Rio-Janeiro. M. le baron de Talleyrand, ministre résident à Florence. - M. Bellocq, ministre résident près des villes anséatiques.-M. le comte de Mornay, ministre résident à Carlsruhe.-M. Edmond de Bussières chargé d'affaires à Darmstadt.

maréchal marquis Maison, ambas- plénipotentiaire à Copenhague. — sadeur à St.-Pétersbourg. - M. le baron Durand de Mareuil, ambassadeur à Naples.-M. le marquis Fay de Latour Maubourg, ambassadeur à Rome.-M. Ch. Bresson, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire à Berlin. - M. le comte de Vaudreuil, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire à Munich.-M. le duc de Montebello, envoyé extraordinaire et ministre

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