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C'est ce système qu'a fait prévaloir la Chambre des députés, malgré les résistances du Sénat, qui voulait conserver l'ancien droit d'option de la loi de 1851, avec les modifications introduites par la loi de 1874.

Le législateur de 1889 a été dominé par cette considération que beaucoup d'étrangers se fixaient en France, où ils jouissaient en fait de presque tous les avantages attachés à la qualité de Français et excipaient de leur extranéité pour se soustraire aux charges, notamment au service militaire (1).

4° Tout individu né en France d'un étranger (qui n'y est pas né), si cet individu est domicilié en France à l'époque de sa majorité, « à moins que (nouvel art. 8, 4°), dans » l'année qui suit sa majorité, telle qu'elle est réglée » par la loi française, il n'ait décliné la qualité de » Français et prouvé qu'il a conservé la nationalité » de ses parents par une attestation en due forme de » son gouvernement, laquelle demeure annexée à la » déclaration, et qu'il n'ait en outre produit, s'il y a » lieu (2), un certificat constatant qu'il a répondu à » l'appel sous les drapeaux, conformément à la lot » militaire de son pays sauf les exceptions prévues » aux traités ».

En d'autres termes, d'après la nouvelle loi, les enfants nés en France d'étrangers qui n'y sont pas nés sont traités, quand ils habitent la France au moment de leur majorité, comme étaient traités d'après les lois de

(1) Il est bien évident que les individus dont nous nous occupons ici, c'est à dire les enfants nés en France d'un étranger qui lui-même y est né, peuvent se présenter aux écoles du Gouvernement. Ils n'ont même plus à faire la déclaration qu'exigeait d'eux la loi de 1874 de renoncer au droit de réclamer leur qualité d'étranger, puisqu'ils ne peuvent plus la réclamer. - Du reste ils sont soumis au service militaire au même titre que tous les Français (Art. 11 de la loi du 15 juillet 1889 sur le recrutement).

(2) La loi dit: S'il y a lieu, car il y a des pays comme l'Angleterre, par exemple, où le service militaire n'est pas obligatoire.

1851 et 1874 les enfants nés en France d'étrangers, qui eux-mêmes y étaient nés (1).

II. FRANÇAIS PAR LE BIENFAIT DE LA LOI.

Nous venons de voir dans quel cas un enfant naît Français. Il nous reste à parler des individus qui, sans être nés Français, peuvent le devenir.

Remarquons tout d'abord qu'il ne faut pas confondre le bienfait de la loi avec la naturalisation. Quand on devient Français par le bienfait de la loi, on se prévaut d'un droit; on devient Français même malgré le gouvernement, on use d'une faculté légale.

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(1) Il nous paraît évident que les enfants dont il est question dans le 4o de l'art. 8 peuvent se présenter aux écoles du Gouvernement et renoncer, dès leur minorité, au droit de réclamer leur qualité d'étranger. Il nous paraît également évident que s'ils prennent part aux opérations de recrutement, sans décliner leur qualité de Français, ils sont définitivement Français. Nous ne comprendrions pas que les 2 derniers paragraphes de l'art. 9 ne s'appliquassent pas à notre hypothèse, alors qu'ils s'appliquent à des individus bien plus éloignés de la nationalité française que ceux dont nous nous occupons. C'est aussi l'avis de M. Cogordan (p. 97). · Du reste, il ne faudrait pas trop tenir compte de l'art. 11 de la loi du 15 juillet 1889, sur le recrutement de l'armée. Le législateur du 15 juillet 1889 a oublié qu'il avait fait une loi du 26 juin 1887 sur la nationalité.

Les enfants nés d'étrangers en France et qui n'y habitent pas pendant leur minorité, auront peut-être leur domicile en France à leur majorité. Leur condition est donc en suspens. Mais s'ils habitent la France au moment de leur majorité, nous les considérerons comme Français rétroactivement. En attendant on les regardera comme non Français au point de vue du service militaire, sauf à les y soumettre ensuite. Ceci est conforme au texte de la nouvelle loi sur le recrutement de l'armée (art. 11). · Quant aux enfants nés d'étrangers en France et qui y sont domiciliés pendant leur minorité, nous les considérons comme ayant toujours été étrangers s'ils sont domiciliés à l'étranger au moment de leur majorité. Il est donc logique d'attendre, pour les porter sur le tableau de recensement, qu'ils soient parvenus à leur vingt-et-unième année. Il parait qu'on procède ainsi, dans la pratique.

Quand on devient Français par la naturalisation, on sollicite une faveur du gouvernement qui est libre de l'accorder ou de la refuser.

Passons en revue les cas dans lesquels on devient Français par le bienfait de la loi :

1er Cas. Il s'agit de l'enfant né en France d'un étranger (qui n'y est pas né), lequel enfant, du reste, n'est pas domicilié en France dans l'année de sa majorité, car s'il y est domicilié, il est Français de plein droit, ainsi que nous venons de le voir.

Voici comment s'exprime sur ce point le nouvel art. 9: « Tout individu né en France d'un étranger » qui n'y est pas domicilié à l'époque de sa majorité » pourra, jusqu'à l'âge de 22 ans accomplis, faire » sa soumission de fixer en France son domicile et, » s'il l'y établit dans l'année à compter de l'acte de » soumission, réclamer la qualité de Français par » une déclaration, qui sera enregistrée au ministère » de la justice. »

A la différence de l'ancien art. 9, la nouvelle loi ne dit pas que cette déclaration doive être faite dans un certain délai. Aussi pourrait-on soutenir qu'elle peut être faite à toute époque. Tel n'est pourtant pas notre avis. Nous pensons qu'il y a là simplement un vice de rédaction. Très probablement, le législateur a voulu accorder un délai d'un an et pour établir le domicile et pour réclamer la qualité de Français. Sinon, l'intéressé pourrait, en réclamant tardivement la qualité de Français, se soustraire à l'obligation du service militaire, résultat qui n'était évidemment pas dans la pensée du législateur en 1889.

Remarquons aussi que le nouveau texte en disant jusqu'à l'âge de 22 ans a fait cesser la controverse à laquelle donnait lieu l'ancienne rédaction dans l'année qui suivra sa majorité, disait l'ancien art. 9. Ces expressions pouvaient s'entendre ou de la majorité

française ou de la majorité étrangère, d'où la controverse (1).

La seconde partie du nouvel article 9 s'occupe du mineur. D'après l'ancien texte, la faculté de réclamer la qualité de Français ne pouvait pas être exercée avant la majorité. Aujourd'hui, elle pourra être exercée même avant la majorité, et ceci peut être intéressant pour un mineur qui désire se présenter aux écoles du gouver

nement.

Si l'individu né en France d'un étranger « est âgé » de moins de 21 ans, dit le nouvel article 9, la » déclaration sera faite en son nom par son père, » en cas de décès par sa mère, en cas de décès du » père et de la mère ou de leur exclusion de la » tutelle, ou dans les cas prévus par les articles 141, » 142 et 143 du Code civil, par le tuteur autorisé » par délibération du conseil de famille. Il devient » également Français si, ayant été porté sur le » tableau de recensement, il prend part aux opéra» tions de recrutement sans opposer son extranéité. »

« Le Sénat, a dit M. Delsol dans son rapport du 3 juin 1889, a pensé que le fait de prendre part aux opérations du recrutement sans exciper de son extranéité, équivaut à une déclaration par laquelle on réclamerait la qualité de Français, et, en conséquence, a déclaré que tout individu placé dans cette situation devient Français. »

Mais il n'en est pas moins étonnant qu'un mineur, ainsi que le fait remarquer M. Gogardan (2), puisse devenir Français sans autorisation et même malgré toute volonté contraire manifestée par ses parents.

2e Cas. Il est prévu par le nouvel art. 10, qui est ainsi conçu « Tout individu né en France ou à

(1) Des conflits pourront s'élever quand la majorité étrangère sera plus tardive que la majorité française.

(2) La nationalité, page 97.

» l'étranger de parents dont l'un (1) a perdu la qualité de Français, pourra réclamer cette qualité » à tout âge, aux conditions fixées par l'art. 9, à » moins que, domicilié en France et appelé sous les » drapeaux, lors de sa majorité, il n'ait revendiqué » la qualité d'étranger. » (2)

3o Cas. Il est réglé par le nouvel art. 12: « L'é» trangère qui aura épousé un Français suivra la » condition de son mari. »

On admet généralement (3) que la nationalité du mari au moment du mariage s'impose à la femme qui manifesterait en vain une volonté contraire, mais qu'un changement de nationalité survenu au mari pendant le mariage est sans effet par rapport à la femme.

Que faudrait-il décider dans le cas où la femme, d'après la loi de son pays n'acquerrait pas, par le mariage, la nationalité de son mari? Cette femme devrait être considérée comme Française au point de vue de la loi française et comme étrangère au point de vue de la loi étrangère.

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4 Cas. La femme mariée à un étranger qui se fait naturaliser Français, dit le nouvel art. 12, pourra, si elle le demande, obtenir la qualité de Française, sans condition de stage, soit par le décret qui confère cette

(1) Ajoutons ou tous deux, car il y a là un a fortiori, qui s'impose. Du reste, ceci résulte formellement du rapport de M. Delsol au Sénat.

Remarquons aussi que l'ancien art. 10 avait fait naître une difficulté qui ne saurait plus exister certains auteurs prétendaient que le bénéfice de l'art. 10 ne devait pas être accordé aussi bien aux enfants de l'ex-Française qu'aux enfants de l'ex-Français. Une telle opinion ne pourrait plus être soutenue en présence de la rédaction nouvelle.

(2) Nous déciderions aussi qu'il pourra se présenter aux écoles du Gouvernement par analogie de ce que dit l'art. 9.

(3) Pourtant l'opinion contraire a été soutenue, mais il nous semble qu'elle pourrait difficilement être enseignée aujourd'hui sous l'empire de la loi nouvelle dont la tendance marquée est d'assurer l'unité de la famille.

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