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L'aubain (celui qui vient d'un pays étranger) doit également s'avouer l'homme du Seigneur. Mais, si son aveu est refusé, il tombe dans la condition servile la plus dure.

Du reste, peu à peu le pouvoir royal revendiqua pour l'étranger le droit de faire son aveu au roi, de se reclamer de lui. Mais l'étranger restait toujours l'aubain : il pouvait acquérir et disposer entre vifs, mais il restait incapable de recueillir et de transmettre par testament ou par succession ab intestat. Le droit d'aubaine, au lieu de s'exercer au profit du Seigneur, s'exerçait désormais au profit du roi.

C'est aussi le roi qui, par des lettres de naturalité, délivrées en grande chancellerie, accordait à l'étranger la qualité de Français.

Avec la Révolution, l'homme n'est plus la chose de son père, pas plus qu'il n'est l'accessoire de la terre; il est, pour ainsi dire, le citoyen du monde. C'est le moment où l'on déclame l'antienne de la fraternité des peuples, en même temps que l'on décrète la loi des suspects,

Ces idées se traduisent dans la législation par la suppression du droit d'aubaine et par une très grande facilité accordée à l'étranger pour devenir Français.

Est admis à l'exercice des droits de citoyen français « tout étranger âgé de vingt et un ans accomplis qui, » domicilié en France depuis une année, y vit de son » travail, ou acquiert une propriété, ou épouse une » Française, ou adopte un enfant, ou nourrit un » vieillard, tout étranger enfin qui sera jugé par le » corps législatif, avoir bien mérité de l'humanité. »

Le législateur de 1804, sans méconnaitre ce qu'il y avait de généreux dans certaines idées de la Révolution, chercha à leur donner une portée pratique en écartant ce qui touchait au rêve et à l'utopie.

L'homme, sans redevenir la chose de son père ou

l'accessoire de la terre, cesse d'être le citoyen du monde : il est simplement l'être libre en qui s'affirme la personnalité humaine et dont la nationalité se détermine d'après l'affinité présumée de ses sentiments.

L'enfant reçoit en naissant la nationalité de ses auteurs, car il est censé avoir pour leur patrie la même affection, le même attachement qu'eux.

La naissance sur le sol français est aussi un élément dont tient compte le législateur de 1804. Sans doute le fait de naître accidentellement sur le sol français ne peut exercer aucune influence sur les sentiments de l'enfant. Mais il est rare que l'enfant naisse au cours d'un voyage; habituellement il naît là où sont établis ses parents, là où ils ont le centre de leurs intérêts et de leurs affections. Et qui ne sait que de tous les sentiments qui nous font aimer la Patrie, un des plus puissants est l'amour du sol natal? Aussi les rédacteurs du Code civil ont-ils facilité à l'enfant né en France l'acquisition de la qualité de Français.

Quant aux étrangers ordinaires, ils peuvent devenir Français, mais ils ont besoin pour cela d'un stage de 10 ans et d'un décret du chef de l'Etat (décret de 1809) : l'intervention gouvernementale est exigée. C'est un retour en arrière sur la législation de la période révolutionnaire.

La condition de l'étranger est aussi modifiée : il continue à pouvoir transmettre par succession et par testament, mais il ne peut recevoir ni par succession, ni par testament, ni même par donation, à moins que dans son pays la faculté de recueillir à ces divers titres ne soit accordée aux Français.

Le législateur de 1819, pour des raisons d'un ordre économique, crut devoir accorder à l'étranger d'une façon absolue le droit de recueillir par succession, donation ou legs.

La situation de l'étranger résidant en France fut dès lors pour beaucoup une situation très enviable.

Les étrangers fixés chez nous jouissaient de presque tous les avantages accordés aux Français au point de vue du droit civil. Quant aux droits politiques, s'ils en étaient privés, cette privation ne leur était pas toujours sensible et se trouvait pour ceux qui n'étaient pas chau vins largement compensée par la dispense du service militaire.

Un tel état de choses blessait le sentiment égalitaire, si profondément développé en France, et du reste aurait pu être pour nous au point de vue militaire une cause d'infériorité vis à vis de l'étranger à cette époque d'armées nationales, alors surtout que l'augmentation de la population en France suit une progression presque nulle comparée à l'accroissement rapide qui se produit chez nos puissants voisins.

C'est ce que comprirent le législateur de 1851, et plus tard celui de 1874 et enfin celui de 1889.

C'est toujours d'apres l'affinité présumée des sentiments que se détermine la nationalité des individus; mais à ceux chez qui ces sentiments ne sont pas assez développés pour les décider à faire choix d'une patrie, la loi leur en impose une, en même temps qu'elle réalise l'unité de la famille, en donnant autant que possible à tous ses membres la même patrie et qu'elle facilite å ceux qui n'ont pas d'attache avec la France l'accès de la nationalité française.

La loi du 26 juin 1889 nous paraîtrait à peu près parfaite, si elle avait été rédigée en une forme un peu mieux étudiée. Le législateur moderne s'est placé au vrai point de vue pour fixer la nationalité : l'homme a désormais une patrie conforme à ses sentiments ou à tout le moins aux sentiments qu'il devrait avoir.

DE LA NATIONALITÉ

PREMIÈRE PARTIE

LÉGISLATION FRANÇAISE (1)

Cette première partie comprendra deux chapitres : dans le premier, nous parlerons de l'acquisition de la qualité de Français; dans le deuxième, de la perte de cette qualité.

CHAPITRE I

ACQUISITION DE LA QUALITÉ DE FRANÇAIS

On est Français :

1o Par la naissance;

2o Par le bienfait de la loi ;

3 Par la naturalisation;

Par l'annexion à la France d'un territoire étranger.

(1) Cette première partie de notre travail s'adresse aux étudiants en droit de 1re et de 30 année; ainsi que nous l'avons dit dans notre préface.

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