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sur l'appel de la partie lésée. Pourquoi ne pas reconnaître franchement le droit du Préfet, c'est-à-dire du pouvoir central, de l'Etat, en cette matière ? Les demi-mesures sont généralement mauvaises. Ici, il serait particulièrement dangereux d'attendre la réclamation d'un particulier pour annuler une délibération illégale ou abusive. Et, à supposer que la réclamation n'intervienne qu'après l'exécution, on comprendra facilement le discrédit dans lequel de pareils procédés feraient rapidement tomber l'administration.

Mais la conséquence précédente, que Henrion de Pansey tire lui-même de sa théorie, est trop logique pour qu'il soit possible de l'écarter, sans repousser la thèse du pouvoir municipal propre.

Quelle est donc la nature des attributions de police de la commune et comment concilier notre théorie avec la distinction établie par le décret du 14 décembre 1789 ?

Pour nous, l'Etat est seul souverain et les pouvoirs législatif, exécutifet judiciaire sont les seuls qui existent parce qu'en dehors d'eux on ne rencontrerait que des pouvoirs rivaux, incompatibles avec la notion de la souveraineté. Les attributions exercées par la commune constituent de simples fonctions déléguées par l'Etat qui peut y apporter les restrictions ou l'extension qu'il juge utiles. A plus forte raison, les attributions de police ne représentent-elles qu'une concession du pouvoir central qui ne peut se dessaisir définitivement d'un service public. Nous nous séparons donc complètement de Henrion

de Pansey sur la nature des pouvoirs de la commune et nous leur contestons le caractère de droits naturels.

Quant à la distinction du décret du 14 décembre 1789, nous avons montré le peu d'importance qu'il convient d'y attacher et nous croyons que le législateur a voulu simplement accentuer les convenances, l'utilité pratique de la répartition des devoirs des communes envers la chose publique.

Mais ces considérations ne nous empêchent pas de soutenir logiquement que l'Etat doit faire aux communes une part très large dans l'administration. Nous disions plus haut que le caractère des rapports de l'Etat, vis-àvis des communes s'était beaucoup modifié depuis la constitution des premières municipalités. Au début, en effet, il s'est agi pour l'Etat de faire peser lourdement sur elles le poids de son autorité mal affermie. Mais, peu à peu, la véritable nature des pouvoirs respectifs de l'Etat et de la commune a été dégagée. Lorsque le pouvoir central n'a plus eu à redouter, avec les prétentions d'autonomie municipale, les tentatives de sédition et de révolte, il a pu s'occuper activement d'organiser de son mieux l'administration.

Différents systèmes étaient en présence. On a pensé, non sans raison, que la centralisation avait l'inconvénient. de priver de toute initiation à la vie publique un grand nombre de citoyens et qu'il était nécessaire d'y joindre un correctif en plaçant le plus près possible des intéressés, des délégués du pouvoir central que leur double ca

ractère de représentants de l'Etat et de délégués chargés de veiller aux intérêts des populations rendait particulièrement aptes à concilier les besoins des groupements locaux avec l'intérêt plus général de l'Etat. C'est le système de la déconcentration. Il a le double avantage de permettre à l'Etat d'utiliser les services des corps municipaux qui fournissent gratuitement les auxiliaires les mieux renseignés et de rappeler, au besoin, à ces mêmes agents qu'ils ne sont investis que d'une autorité déléguée, ou, pour nous servir d'une expression allemande, d'un de ces droits reflets» dont parle Ihering et qui n'ont de raison d'être que leur concordance avec l'intérêt de l'Etat. Il faut donc décharger l'Etat le plus possible au profit de la commune. Mais il faut aussi que celle-ci sache bien qu'elle ne fait que la besogne de l'Etat et qu'elle doit lui en rendre compte.

C'est cette théorie qui s'est dégagée du mouvement d'idées qui s'est produit pendant ce siècle. Nous allons voir par un exposé historique rapide que, malgré l'expression de pouvoir propre qui fut un mot malheureux échappé de la plume du rédacteur du décret de 1789, la préoccupation constante du législateur a été d'établir que les attributions de police exercées par les communes ne font pas obstacle au droit qu'a l'Etat de les ressaisir, au besoin, ou, tout au moins, d'en contrôler constamment la régulière application.

B) Historique des rapports des municipalités et du pouvoir central, en matière de police, depuis le décret du 14 décembre 1789 jusqu'à la loi du 5 avril 1884 préoccupation constante du pouvoir central de retenir certains pouvoirs de police ou de contrôler les autorités qui en sont chargées.

A l'appui de la thèse que nous venons d'énoncer d'après laquelle la commune n'a pas de pouvoir propre, nous ferons remarquer qu'à toute époque, aussi bien sous la monarchie absolue que sous la monarchie tempérée, ou sous les différents régimes que la France a successivement expérimentés depuis 1789, les représentants de l'Etat se sont crus autorisés à fixer à la commune la limite de ses attributions comme la limite de son territoire.

En matière de police, si la distinction de la police générale et de la police locale est apparue de bonne heure, il importe d'observer que le pouvoir central, tout en laissant aux localités le soin de pourvoir elles-mêmes à leur sécurité, s'est toujours réservé, vis-à-vis d'elles, un droit de contrôle et de surveillance. Ce qui démontre bien le caractère de délégation des attributions exercées par les groupements municipaux.

Nous n'étudierons pas les rapports des municipalités avec le pouvoir central sous l'ancien régime. Car il est

hors de doute que l'indépendance des communes était, à cette époque, bien moindre que celle qui résulta pour elles de la situation où les plaça la Révolution. Avant 1789, en effet, la police générale n'était confiée qu'aux officiers ou gens du roi. C'était le Parlement qui avait ce qu'on appelait la Grande Police. Les officiers municipaux ne participaient qu'à l'exercice de la police locale, de cette surveillance qui intéressait l'ordre, la paix et la sûreté des villes. Mais, sauf quelques exceptions qui tenaient aux privilèges, les fonctions de police des anciens magistrats municipaux avaient bien moins d'importance et d'étendue que celle des municipalités de nos jours. Les maires font aujourd'hui ou rappellent les réglements particuliers qui n'émanaient autrefois que des sénéchaussées, des bailliages ou des lieutenants généraux de police, ou même des justices seigneuriales. Ils ont la police réglementaire de la petite voirie dont la partie essentielle, le droit d'alignement, appartenait aux trésoriers des finances. Ce sont aussi les corps municipaux qui règlent aujourd'hui la police des vendanges, de la dépaissance communale, du parcours, de la vaine pâture, et, quant à la juridiction, celle que les maires et les adjoints exercent aujourd'hui, en remplacement des commissaires de police, peut être considérée comme l'équivalent de ce qui n'était jadis qu'un privilège pour le plus petit nombre des communautés d'habitants.

La police municipale, sous l'ancien régime, se trou

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