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DE

L'AFFAIRE DREYFUS

I

LE FAUX HENRY

On se rappelle que Zola, à la suite de sa lettre : « J'accuse... » avait été poursuivi devant la Cour d'assises de la Seine.

Ala dixième audience du procès (17 février 1898), le général de Pellieux fit à la barre les déclarations suivantes (Procès Zola, II, p. 118):

<«< Au moment de l'interpellation Castelin, il s'est produit un fait que je tiens à signaler. On a eu au ministère de la Guerre et remarquez que je ne parle pas de l'affaire Dreyfus - la preuve absolue de la culpabilité de Dreyfus, absolue! Et

cette preuve, je l'ai vue! Au moment de cette interpellation, il est arrivé au ministère de la Guerre un papier dont l'origine ne peut être contestée qui dit - je vous dirai ce qu'il y a dedans : « Il «va se produire une interpellation sur l'affaire <«< Dreyfus. Ne dites jamais les relations que nous << avons eues avec ce juif.

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Et, messieurs, la note est signée! Elle n'est pas signée d'un nom connu, mais elle est appuyée d'une carte de visite, et, au dos de cette carte de visite, il y a un rendez-vous insignifiant, signé d'un nom de convention, qui est le même que celui qui est porté sur la pièce, et la carte de visite porte le nom de la personne.

<< J'en appelle à M. le général de Boisdeffre appuyer ma déposition.

pour

A la séance suivante (18 février) le lieutenantcolonel Picquart déposa comme il suit : (Procès Zola, II, p. 141) :

...

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y

a telles de ces pièces dont il serait bon de vérifier l'authenticité. Il y en a une notamment, qui est arrivée au ministère à un moment bien déterminé, au moment où le commandant Esterhazy avait besoin d'être défendu, où il était devenu nécessaire de bien prouver que l'auteur du bordereau était un autre que lui. Eh bien ! elle est arrivée à point, paraît-il. On ne me l'a jamais montrée, mais on m'en a parlé, tout en ne voulant jamais

me dire d'où elle venait. Mais je trouve que cette pièce, étant donné le moment où elle apparaissait, étant donnés surtout les termes qui sont absolument invraisemblables, eh bien ! cette pièce, il y a lieu de la considérer comme un faux. >>

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Me LABORI. Est-ce que la pièce dont parle M. le colonel Picquart est celle dont on a parlé hier? M. LE COLONEL PICQUART. C'est celle dont a parlé M. le général de Pellieux ; s'il n'en avait pas parlé hier, je n'en aurais pas parlé aujourd'hui. C'est un faux !

Me LABORI.

Et c'est ce faux qu'on nous dit avoir été fait et apporté au ministère dans l'intérêt de M. le commandant Esterhazy! Que MM. les jurés apprécient ! »

Avant cette déposition, M. le général de Boisdeffre avait fait la déclaration suivante (Procès Zola, II, p. 127) :

« Je confirme de tous points la déposition de M. le général de Pellieux, comme exactitude et comme authenticité. Et maintenant, messieurs, permettezmoi, en terminant, de vous dire une chose: Vous êtes le jury, vous êtes la nation; si la nation n'a pas confiance dans les chefs de son armée, dans ceux qui ont la responsabilité de la défense nationale, ils sont prêts à laisser à d'autres cette lourde tâche; vous n'avez qu'à parler. Je ne dirai pas un mot de plus. »

Et après le colonel Picquart, le général Gonse,

parlant à son tour, dépose (Procès Zola, I, p. 142):

<< Monsieur le Président, je ne veux que compléter - non pas compléter, puisque je n'ai pas à compléter mais je ne veux que répéter la déclaration qui a été faite tout à l'heure par M. le général de Boisdeffre sur l'authenticité je ne dirai que ce mot-là - sur l'authenticité des pièces dont M. le général de Pellieux a parlé.

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C'est pour clore tous ces incidents qu'à la douzième séance (19 février), M. le général de Pellieux, en terminant une dernière déposition, disait (Procès Zola, I, p. 165) :

<«< Maintenant, j'ai un mot à ajouter, en présence du colonel Picquart. J'ai dit à une audience précédente que tout était étrange dans cette affaire; mais ce que je trouve encore plus étrange, et je le lui dis en face, c'est l'attitude d'un monsieur qui porte encore l'uniforme de l'armée française et qui est venu ici à la barre... (Bravo! bravo! dans l'auditoire.)

M. LE PRÉSIDENT, s'adressant à l'auditoire. — Je vais faire sortir tous ceux qui font du bruit ou qui crient.

...

M. LE GÉNÉRAL DE PEllieux. qui est venu ici à la barre accuser trois officiers généraux d'avoir fait un faux ou de s'en être servis. >>

A ces diverses parades, le colonel Picquart ripostait (Id., p. 166):

« Si j'ai dit hier que je croyais que ce document était un faux, je n'ai voulu en aucune façon, j'insiste là-dessus, suspecter la bonne foi de mes chefs, je le répète, en aucune façon. Il y a des faux qui sont parfaitement faits, qui sont si bien faits, qu'ils peuvent avoir l'apparence de documents vrais ; il y a bien eu, je crois, les papiers Norton : il n'est pas sans exemple que des personnes haut placées aient été trompées sur une apparence. »

Quand, à la fin du procès, M. l'avocat général se leva pour soutenir l'accusation, dans le silence de la salle et de M. le général de Pellicux, il développa ses conclusions sur cet incident (Procès Zola, II, p. 214):

« Ce n'est pas la seule fois que la défense, alliée à M. le lieutenant-colonel Picquart, a essayé de vous impressionner par l'allégation d'un faux. Il vous a été parlé ici d'un des documents qui con. firment la culpabilité du condamné de 1894, et MM. les généraux de Pellieux, Gonse et de Boisdeffre vous l'ont affirmé ; ils l'ont vu, ils le connaissent et ont pu l'apprécier. Sur cette pièce voici l'appréciation que, le lendemain, M. le lieutenant-colonel Picquart apportait à la barre :

« Je trouve que cette pièce, étant donné le moment où elle se produisait, étant donnés surtout les termes dans lesquels était conçue cette pièce, termes qui sont absolument invraisemblables, eh

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