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bénit le pain et le vin, les leur partagea comme son corps et son sang, mystère qu'il leur ordonna de célébrer en mémoire de lui (q). Après sa résurrection, il apparut encore aux siens pendant quarante jours, où il dévoila aux onze disciples restés fidèles leur Vocation sublime(r), et leur déféra, avec le pouvoir de remettre les péchés (s), la mission solennel!e d'ouvrir à tous les peuples, par le baptême et la prédication de sa doctrine, le royaume des béatitudes (t); enfin il les quitta après une nouvelle promesse de la descente du Saint-Esprit sur eux (u) et de sa propre assistance jusqu'à la fin des temps (v).

$9.B) Les apôtres et les communes qu'ils fondèrent.

Les apôtres avaient complété par le choix de Matthias leur nombre primitif (w); l'Esprit saint descendu sur leurs têtes le jour de la Pentecôte avec une forme visible avait mis le sceau à leur divine mission (x); ils la commencèrent de suite au milieu des Juifs réunis de tous les points de la Judée à Jérusalem (y), et érigèrent dans la commune naissante la charge spéciale du soin des pauvres et de l'administration des biens pour s'adonner sans parlage au ministère de la parole divine. Sept diacres furent dès lors choisis dans la commune, et se virent imprimer par la prière et l'imposition des mains le caractère de leur charge (z). Les anciens de la commune (a), tout à la fois conseils et surveillants, avaient pour chef et supérieur l'apòtre Jacques, qui lors de la dispersion des autres apôtres était resté en cette qualité à Jérusalem (b). C'est d'après ce modèle que les apòtres et les compagnons de leurs travaux instituèrent les autres communes hors de la Palestine; ils placèrent à la tête de chacune d'elles plusieurs anciens (c) que leurs attributions faisaient aussi désigner sous le nom de surveillants (d), et auxquels étaient subordonnés les diacres (e). La direction sou

(7) Matth. XXVI. 26.-29., Marc. XIV. 22-26., Luc. XXII. 14-20

(r) Luc. XXIV. 46-48., Ac'. I. 8.

(5) Joann. XX. 21-23.

(t) Matth. XXVIII. 16-20., Marc. XVI. 14-18.

(u) Joann. XIV. 16-26., XV. 26. XVI. 13., Luc. XXIV. 49., Act. I. 4-8.

(v) Matth. XXVIII. 20.

(w) Act. I. 15-26.

(x) Act. II. 1-4.

(y) Act. II. 5-41.

(z) Act. VI. I-6.

(a) пpeσbútepol, Act. XI. 30. XV. 2. 4. 6. 22. 23. XVI. 4.

(b) Act. XXI. 18.

(c) Act. XIV. 23.

(d) Enioxoño, Act. XX. 17. 28., Tit. I. 5. 7., Clemens († 101) ad Corinth. I. 42, 44

(e) 1. Tim. III. 9-13.

veraine appartenait aux apôtres eux-mêmes, particulièrement à l'apôtre fondateur de la commune; ils les visitaient en personne, leur adressaient des instructions et exhortations, et y installaient çà et là pour les représenter à demeure (f) leurs disciples (g), qu'ils sacraient par l'imposition des mains (h); ceux-ci en sacraient d'autres par le même mode (i). Bientôt toutes les grandes communes furent dotées, soit par les apôtres eux-mêmes, soit par leurs disciples, d'un chef continuateur du ministère apostolique et désigné seul sous le nom d'Episcopus (k). L'organisation des com

(ƒ) Témoin les pouvoirs et instructions qu'ils recevaient des Apôtres. Tit. I. 5. II. 15., Tim. I. 3. 4. V. 19-22.

(g) C'est ainsi que S. Paul a laissé Timothée à Ephèse, Titus en Crète. I. Tim. 1. 3., Tit. I. 5., que S. Pierre et S. Jean ont sacré le premier Linus et Clément à Rome, le second Polycarpe à Smyrne. Irenæus (201) contra hæres. III. 3., Tertullian. (215) de præscript. hæretic. c. 32.

(h) II. Tim. I. 6.

(i) I. Tim. V. 22.

(k) L'Episcopat n'est donc pas sorti de la Prêtrise, mais bien du ministère des Apôtres et de leurs compagnons. Dès lors, il est vraiment d'origine divine et apostolique, et ce principe a même été très vivement défendu par les savants de l'Eglise épiscopale anglicane, Hammond, Pearson, Beveridge, Dodwell, Bingham et Usser. Les Presbytériens au contraire et la plupart des écrivains protestants de l'Allemagne, ne considèrent l'épiscopat que comme une institution émanée de l'Eglise. Premièrement, ils se fondent sur ce que d'après Act, XX.-17. 28. Eñɩtɣomoi et пpeσbúτepot auraient eu la même signification au temps des Apôtres et que d'après Philipp. I. I., Tim. III. 1. 8., Clemens ad Corinthios 1. 42. 44. les Communes n'auraient été confiées qu'à des επίσκοποι dans cette méme acception et à des διάκονοι. Mais ceci ne prouve rien quant à la question principale, parcequ'alors précisément le ministère épiscopal était encore exercé par les Apôtres eux-mêmes. Deuxièmement, de ce que les deux désignations étaient primitivement employées dans une acception commune, ils veulent conclure que l'épiscopat compris dans la prêtrise n'en aurait été distrait qu'avec le temps. Mais les mots ne prouvent rien ici sur l'état des choses. Il n'est pas en effet jusqu'aux Apôtres, eux dont le ministère était certes essentiellement différent de la Prêtrise, qu'on ne voie se donner plusieurs fois à eux-mêmes la simple qualification de pútapot. Troisièmement, on invoque Hieronym. ad Tit. I. 7. (dans Gratien. c. 5. D. XCV.) ad evangel. epist. 101. (c. 24. D. XCIII.), Isidor. Hispal. etymol. VII. 12. ( c. I. §. 12. D. XXI.); mais ces autorités méritent déjà le reproche de n'avoir pas su distinguer l'épiscopat exercé par les Apôtres eux-mêmes avant la consécration des Evêques et d'avoir attaché trop d'importance aux mots. Une suite de cette erreur capitale est de représenter les premiers Evêques platement et à la moderne comme de simples directeurs du Collège des Prêtres qui insensiblement et par une usurpation progressive se seraient élevés à une puissance supérieure. A cet égard on est dénué de preuves, et on se refuse à voir que dès les premiers temps l'épiscopat apparaît avec une force et une dignité particulières qui proviennent précisément de ce qu'on vénérait en lui la continuation du ministère apostolique Ignat. (110) ad Smyrn. c. 8. ad Ephes. c. 3. 4., ad Trallian. c, 2. 3,

munes reposait ainsi sur trois ordres de fonctions bien distincts, l'épiscopat, la prêtrise (1) et le diaconat (m).

$10. C) Pierre et sa vocation.

En révélant à ses disciples sa mission de Christ, fils de Dieu, et la fondation de son Eglise, Jésus désigna avec un accent particulier l'un d'eux comme pierre fondamentale de l'édifice (n) : il exprimait par là que l'Eglise pour conserver avec l'universalité son unité intérieure devait extérieurement reconnaître un centre visible. L'Eglise fut ainsi dans son principe constituée comme un corps unique, dont les membres étendus par les apôtres sur tous les peuples devaient par leur union avec Pierre et ses successeurs se maintenir dans l'unité (0). C'est à Rome que Pierre a fixé sa résidence et conquis la gloire du martyre (p); c'est donc sur le siége apostolique de Rome que repose l'unité de l'Eglise (q);

(7) On plaçait figurément la prêtrise vis-à-vis de l'Episcopat dans le rapport des Apôtres vis-à-vis du Christ. C'est ce que montrent les lettres de saint Ignace, citées note m. Sur cette image repose aussi le texte suivant à l'aide duquel on veut faussement établir que primitivement les prêtres même auraient été considérés comme successeurs des Apôtres Const. Apost. II. 28. -Presbyteris- seponatur dupla etiam portio in gratiam Apostolorum Christi, quorum locum tenent tanquam consiliarii episcopi et ecclesiæ

corona.

(m) Ignat. († 110) ad Smyrn. c. 8. Omnes episcopum sequimini, ut Jesus Christus Patrem; et Presbyterium ut Apostolos. Diaconos autem revereamini ut Dei mandatum. -Ad Magues. c. 6. Hoc sit vestrum studium in Dei concordia omnia agere, episcopo præsidente Dei loco et presbyteris loco senatus apostolici, et diaconis, quibus commissum est ministerium Jesu Christi. — ad Trallian. c. 3. Cuncti similiter revereantur diaconos, ut mandatum Jesu Christi, et episcopum ut Jesum Chr.stum, qui est filius patris; presbyteros autem ut concessum Dei, et ut conjunctionem Apostolorum. (n) Matth. XVI. 18. 19.

(o) Origenes († 234 in Rom. I. 5. 10. Petro cum summa rerum de pascendis ovibus traderetur et so per illum velut super terram fundaretur ecclesia, etc.-Cypriani († 258) epist.LXX Ecclesia una, a Christo domino supra Petrum origine unitatis et ratione fundata. — Idem de unitate ecclesiæ ( apud Gratian. c. 18. c. XXIV. q. 1. ) — Optat. Milev. (c. a. 350) adv. Parmen. VII. 3. Bono unitatis beatus Petrus - et præferri Apostolis omnibus meruit, et claves regni cœlorum communicandas cæteris solus accepit.

(P) Ce fait historique a été révoqué en doute malgré le témoignage des plus anciens Pères de l'Eglise, entre autres d'Irénée, mais par des motifs d'une si incroyable faiblesse qu'on peut y opposer les écrivains même les plus é udits du protestantisme, Blondel, Casaubon, Pearson, Cave, Basnage, Hammond, Hugo Grotius, Gieseler et autres. (9) Cyprian. († 258) epist. LV. Post ista adhuc insuper pseudoepiscopo sibi ab hæreticis constituto navigare audent et ad Petri cathedram atque ad ecclesiam principalem, unde unitas sacerdotalis exorta est, a schismaticis et profanis litteras ferre, nec cogitare eos esse Romanos quorum fides Apostolo prædicante laudata est, ad quos perfidia habere non possit accessum. -Optat Milev. (c. a. 350) adv. Parmen. II. 2. Igitur negare non potes, scire te in urbe Roma Petro primo cathedram episcopalem esse

c'est là que doivent se

rapporter tous ses membres (r).

$ 11. II. De l'Église dans son essence. A) Exposé général.

Si l'on réunit tous ces faits pour rechercher l'idée générale qui y réside, il en résulte que l'Eglise a été instituée par Jésus-Christ même comme une communauté visible, une, universelle, apostolique, vraie et sainte, nécessaire au salut. I. Elle est visible, parcequ'elle repose sur une base et un centre visibles, et parceque la doctrine et les sacrements qu'elle tient du Christ sont des signes visibles (s). II. Elle est une, parceque depuis son origine elle reconnaît comme loi fondamentale (t) une doctrine qui par son essence divine est une, immuable et indivisible (u) et que cette unité intérieure se produit extérieurement dans l'unité de l'épiscopat (v). L'unité et l'immutabilité ne doivent s'entendre que du dépôt sacré des révélations du Christ, non des dispositions que l'Eglise croit devoir prendre pour sa discipline (w), et qu'elle maintient ou mo

collatam, in qua sederit omnium Apostolorum caput Petrus; unde et Cephas appellatus est. c. 25. c. XXIV. q, I. ( Hieronym. c. a. 386.)-c. 35. c. II. q. 7. (August. c. a. 412.)

(r) Irenæus († 201) contra hæres. III. 3. Ad hanc enim (romanam) ecclesiam propter potiorem principalitatem necesse est omnem convenire ecclesiam. Pour atténuer le poids de ce texte, on a imaginé nombre d'explications qui en partie se contredisent elles-mêmes; une preuve en résulte, c'est qu'il y a dans le texte quelque chose qui inquiète vivement et dont on ne peut se défaire. Le dernier essai de cette sorte par Gieseler est réfuté par Döllinger, Kirchengeschichte. Th. I. § 33.

(s) Bellarmin. de ecclesia militante lib. III. cap. 12. Ecclesia enim est societas quædam, non angelorum, neque animarum, sed hominum. Non autem dici potest societas hominum, nisi in externis et visibilibus signis consistat. Nam non est societas, nisi se agno cant ii, qui dicuntur socii; non autem se possunt homines agnoscere, nisi societatis vincula sint externa et visibilia. — Unde Augustinus, libro XIX, contra Faustom, cap. II. in nullum, inquit, nomen religionis, seu verum, seu falsum, coagulari homines possunt, nisi aliquo signaculorum seu sacramentorum visibilium consortio colligentur.

(t) Ignat. († 110) ad Philadelph. c. 4. Operam igitur detis, ut una eucharistia utamini. Una enim est caro domini nostri Jesu Christi et unus calix in unitatem sanguinis ipsius; unum altare, sicut unus episcopus cum presbyterio et diaconis. Idem ad Magnes. c. 7. In unum convenientibus una sit oratio, una deprecatio, una mens, una spes, in caritate, in gaudio inculpato. Unus est Jesus Christus, quo nihil præstantins est. Omnes itaque velut in unum templum Dei concurrite, velut ad unum altare, velut ad unum Jesum Christum, qui ab uno patre prodiit, et in uno existit, in unum revertitur. -Cyprianus († 258) epist. LXX. Et baptisma unum sit, et Spiritus sanctus unus et ecclesia una, a Christo domino supra Petrum origine unitatis et ratione fundata. (n) 1. Cor. 12. 13, Ephes. IV. 4-6.

(v) Cypriani († 258) de unit, eccles. (apud Gratian, c. 18. c. XXIV. q. 1.)— Idem epist. LII. A Christo uno ecclesia per totum mundum in multa membra divisa, item episcopatus unus episcoporum multorum concordi numerositate diffusus.

(w) C. II. D. XII, (Augustin. a, 400), c. 2. D. XIV. (Leo I. c. a, 443).

difie selon les phases de la vie des peuples et le caractère de chaque époque (x). III. Elle est universelle (y), parceque la mission qu'elle a reçue du Christ embrasse tous les hommes et tous les temps, et qu'en vertu de cette mission elle étend ses membres sur tous les peuples (z). IV. Elle est apostolique, parcequ'elle conserve et perpétue dans la suite non interrompue des évêques, successeurs des apôtres, la puissance conférée à ceux-ci par le Christ, et par là se trouve toujours et partout en état de prouver la légitimité de son existence (a) V. Elle est vraie et sainte, parceque le Christ lui a promis la protection du Saint-Esprit et son assistance jusqu'à la fin des temps. VI. Enfin elle est nécessaire au salut (b), parceque la mission de Jésus-Christ a principalement pour objet la rédemption et la sanctification de l'homme, et que la doctrine et les sacrements par lui expressément institués dans ce but (c) ne se rencontrent purs et complets que dans la véritable Eglise. En se disant nécessaire l'Eglise n'exprime que la conviction intime de sa vérité (d) et du but que lui a imposé le Christ. Lorsque dans cette

(x) L'étude des diverses époques en fournit la preuve et montre notamment les formes d'administration ecclésiastique et civile toujours en état de corrélation et exerçant l'une sur l'autre une influence réciproque. Celui donc qui pénètre jusque dans ses détails la constitution du moyen âge et a l'intelligence de tels rapprochements, y trouve la clef de beaucoup de points de la discipline ecclésiastique que l'esprit prévenu de notre époque ne peut présenter que sous un jour odieux. La féodalité notamment a beaucoup influé sur l'esprit et les formes de l'administration ecclésiastique. C'est ce qu'on remarque particulièrement dans l'ancienne constitution de la Cour papale et de l'Etat de l'Eglise, dans le Système des Bénéfices, dans les levées de taxes par le Siége de Rome, et dans beaucoup d'anciens usages et formules en partie eucore usités. De même l'Histoire de la Juridiction ecclésiastique et des Exemptions ne peut être considérée en dehors des rapports politiques contemporains.

(y) L'expression xalohexn xxλncia se trouve déjà dans Ignat. († 110) ad Smyrn. c. 8. (z) Cyprian († 258 ) epist. LII. Una ecclesia per totum mundum in multa membra divisa.

(a) Tertullian. († 215) de præscript. hæreticor. c. 32. Edant ergo (hæretici ) origines ecclesiarum suarum; evolvant ordinem episcoporum suorum, ita per successiones ab initio decurrentem, ut primus ille episcopus aliquem ex Apostolis vel apostolicis viris, qui tamen cum Apostolis perseveraverint, habuerit auctorem et antecessorem. Hoc enim modo ecclesiæ apostolicæ census suos deferunt: sicut Smyrnææorum ecclesia Polycarpum a Joanne conlocatum refert: sicut Romanorum Clementem a Petro ordinatum edit. Perinde utique et ceteræ exhibent, quos ab Apostolis in episcopatum constitutos apostolici seminis traduces habeant.

(b) Ignat. († 110) ad Ephes. c. 5. Nemo erret: nisi quis intra altare sit, privatur pane Dei. Qui igitur non venit ad id ipsum, hic jam superbit et se ipsum judicavit. — Cyprian. († 258) de unit. eccles. Quisquis ab ecclesia segregatus adulteræ jungitur, a promissis ecclesiæ separatur, nec pervenit ad Christi præmia. — Augustin. († 430) de unit. eccles. c. 2. Utique manifestum est, eum qui non est in membris Christi, Christianam salutem habere non posse.

(c) Marc. XVI. 16., Joann. III. 36. XVII. 3.

(d) Toute croyance, toute Eglise, même le dévouement pour la science et le zele à

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