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conviction elle condamne comme une désertion de l'étendard du Christ l'erreur qui se dresse contre elle, elle ne prononce pas sur l'individu; mais, de même qu'auprès du baptême de l'eau elle reconnaît un baptême de désir (e), elle laisse au jugement de Dieu à admettre dans la communion des saints ou Eglise triomphante ceux qui, dans la mesure de leurs forces, ont aspiré vers la vérité et sont restés innocemment dans l'erreur.

$12.B) Rapport à l'Église invisible.

A titre de communauté extérieure et visible, l'Eglise comprend tous ceux qui par certains actes extérieurs se déclarent ses membres. Toutefois son être ne réside pas dans cette manifestation matérielle; elle a un côté invisible et tourné vers Dieu dont ladite manifestation n'est que l'enveloppe extérieure. Les vrais et parfaits membres de l'Eglise sont donc uniquement ceux qui, outre l'association extérieure, lui sont unis du fond du cœur. Sous le point de vue humain elle comprend pourtant les méchants même aussi longtemps qu'ils restent extérieurement attachés à la communauté; vice versa il peut y avoir des membres qui ne lui soient unis que d'esprit sans aucun signe extérieur (f). Les membres que compte l'Eglise visible peuvent donc être différents de ceux qui le sont véritablement devant Dieu. Mais, en ce qui concerne l'action de l'Eglise ici-bas, cette distinction est sans importance, parcequ'en vertu des promesses du Christ et malgré le mélange de membres faux ou purement apparents, elle reste toujours dans son intégralité l'Eglise vra e et dépositaire des vrais moyens de salut (g).

répandre une véritable conviction, repose sur cette persuasion de la nécessité et de la force salutaire de ce qu'on tient pour vrai. Autrement, en effet, quelle différence y aurait il entre le vrai et l'erreur, et de quel droit s'aviseraît-on de la combattre? (e) C. 34. 149. D. IV. de cons. (Augustin. e. a. 412.)

(ƒ) Bellarmin. de ecelesia militante lib. III. cap. 2. Notandum autem est ex Augustino in breviculo collationis eollat. II., ecclesiam esse corpus vivum, in quo est anima et corpus. Et quidem anima sunt interna dona spiritus sancti, fides, spes, caritas; corpus sunt externa, professio fidei, et communicatio sacramentorum. Ex quo fit, ut quidam sint de anima et corpore ecclesiæ, et proinde uniti Chisto capiti interius et exterius; et tales sunt perfectissime de ecclesia; sunt enim quasi membra viva in corpore, quamvis etiam inter istos aliqui magis, aliqui minus vitam participent, et aliqui etiam solum initium vitæ habeant, et quasi sensum, sed non motum, ut qui habent solam fidem sine caritate. Rursum aliqui sint de anima, et non de corpore, ut catechumeni, vel excommunicati, si fidem et caritatem habeant, quod fieri potest. Denique aliqui sint de corpore, et non de anima, ut qui nullam habent internam virtutem, et tamen spe aut timore aliquo temporali profitentur fidem et in sacramentis communicant sub regimine pastorum.

(g) Bellarmin. de ecclesia militante lib. III. cap. 9. Dico igitur, episcopum malum, presbyterum malum, doctorem malum, esse membra mortua, et proinde non vera,

§ 13.-III. Du pouvoir dans l'Église.

De l'essence et du but de l'Eglise dérive une triple attribution: l'administration des sacrements institués par le Christ, la prédication de sa doctrine, la fixation et le maintien de la discipline. Ces attributions constituent le pouvoir de l'Eglise qui se divise par conséquent en trois branches: la dispensation des sacrements, l'enseignement de la doctrine, et le pouvoir administratif et juridictionnel (h).

§ 14. IV. Exercice du pouvoir de l'Église. A) Administration des
sacrements.

A l'égard de l'administration des sacrements, les institutions de l'Eglise dans les premiers temps présentent une triple distinction: I. La dispensation de certains sacrements, notamment le droit d'ordination (i), n'appartient qu'aux évêques (k), et ce pouvoir spécial leur est conféré par le sacre. II. D'autres sacrements, particulièrement le sacrifice du corps et du sang de Jésus-Christ conformément à ce qu'il a prescrit dans la célébration de la cène, peuvent être administrés par de simples prêtres. A ce sacrifice que l'Eglise révère comme le plus sublime de ses sacrements, se rapporte le

corporis Christi, quantum attinet ad rationem membri, ut est pars quædam vivi corporis tamen esse verissima membra in ratione instrumenti, id est papam et episcopos esse vera capita, doctores veros oculos, seu veram linguam hujus corporis. Et ratio est, quia membra constituuntur viva per caritatem, qua impii carent at instrumenta operativa constituuntur per potestatem sive ordinis, sive jurisdictionis, quæ etiam sine gratia esse potest. Nam etsi in corpore naturali non possit membrum mortuum esse verum instrumentum operationis, tamen in corpore mystico potest. In corpore enim naturali opera pendent ex bonitate instrumenti, quia anima non potest bene operari, nisi per bona instrumenta, nec opera vitæ exercere, nisi per instrumenta viva : at in corpore mystico opera non pendent ex bonitate aut vita instrumenti. Anima enim hujus corporis, id est Spiritus Sanctus, æque hene operatur per instrumenta bona et mala, viva et mortua.

(h) Ces distinctions sont dans la nature des choses; ce n'est pourtant qu'au moyen age qu'elles deviennent l'objet d'une division systématique. S. Thomas d'Aquin divise dans plusieurs passages la spiritualis potestas en potestas sacramentalis et jurisdictionalis. C'est de là que provient la division en potestas ordinis ou ministerii et potestas jurisdictionis, généralement adoptée dans les traités modernes. Le pouvoir de doctrine potestas magisterii y est expressément ou tacitement compris dans la potestas ordinis. C'est pourtant une erreur; car les deux pouvoirs sont entièrement distincts et par leur objet, et par le mode de leur action.

(i) Chrysostom. († 407) homil. XI. in epist. ad Timoth. I. cap. 3. Sola enim imDositione manuum superiores sunt episcopi, et hoc uno videntur antecellere resbyteris.

(4) Conc. Trid. Sess. XXIII. cap. 4. de ordine.

sacerdoce prêtrise de la nouvelle alliance (4), et ici les évêques et les prêtres ont égalité de pouvoir (m). Ce sacerdoce est, d'après l'exemple des apôtres, conféré par les évêques au moyen de l'ordination qui elle-même, à raison des dons extraordinaires qu'elle communique, est regardée comme un sacrement (n). III. Pour l'assistance dans l'administration des sacrements et autres fonctions ecclésiastiques, on a institué outre les diacres, des sous-diacres, des acolythes, des exorcistes, des lecteurs et des portiers, et chacun de ces grades a été lié à une ordination plus ou moins solennelle (0). La hiérarchie se compose donc des évêques, des prêtres et des ministrants (p). Les offices inférieurs il est vrai ont en partie disparu; néanmoins les ordinations qui les conféraient ont été conservées comme grades préparatoires au sacerdoce, de sorte qu'on y parvient par sept ordinations actuellement nommées hiérarchie de l'ordre.

$15.

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B) De l'enseignement. 1) Organisation de ce pouvoir.

Jésus-Christ donna aux apôtres la mission solennelle d'enseigner toutes les nations (q) et y joignit la promesse de l'assistance du SaintEsprit jusqu'à la fin des temps (r); par là il institua pour son Eglise un pouvoir d'enseignement nécessairement général, infaillible et de tous les temps. Ce pouvoir se continue dans le corps des évêques comme successeurs des apôtres. Ce corps devant essentiellement être un (s), et l'unité ne subsistant que par l'accord de chacun des membres avec le centre commun, le siége apostolique de Rome apparaît comme la tête de tout le corps enseignant, et hors l'union avec lui, il n'y a ni légitimité d'enseignement, ni sûreté de doctrine.

$162) Moyens de tradition de la doctrine.

Jésus initia ses disciples à leur mission dans un commerce intime de plusieurs années, mais ne leur fit rien consigner par écrit

(7) Cyprian. († 258) epist. LXIII., Idem adv. Judæos lib. I. c. 16. 17., Conc. Trid. Sess. XXIII. cap. 1. de ordine.

(m) Cyprian. epist. LVIII. Cum episcopo presbyteri sacerdotali honore conjuncti. Eichorn, Kirchenrecht I. 19. 25. 465. 470-473., n'a pas saisi le caractère propre du sacerdoce, ni sa relation exclusive au sacrifice; l'égalité des évéques et des prêtres dans le sacerdoce lui fait tirer faussement la conséquence que primitivement elle devait exister aussi à l'égard des autres actes sacramentaux.

(n) Conc. Trid. Sess. XXIII. cap. 3. de ordine.

(0) Conc. Trid. Sess. XXIII. cap. 2. de ordine.

(p) Conc. Trid. Sess. XXIII. can. 2. de sacram, ordin.

(9) Matth. XXVIII. 19. 20., Marc. XVI. 15-20.

(r) Joann. XIV. 16. 17. 26. XV. 26. XVI. 13. Act. I. 8. (s) V. §. II. Notes t. u. v.

soit sur sa doctrine soit sur sa vie. Les témoignages sur lui ne reposèrent donc à sa mort que sur la tradition orale des apôtres et des disciples. Ce ne fut que peu à peu que ses disciples et d'autres rédigèrent de simples récits d'après cette tradition; et ce qui depuis son ascension s'était passé parmi les apôtres fut décrit de la même manière. Quant à la doctrine, elle fut développée par les apôtres soit dans des instructions orales, soit dans des épîtres (t) qu'ils adressaient à leurs disciples ou à diverses communes. Tous ces écrits circulèrent d'abord isolément, mais ils furent successivement recueillis, et après nombre de recherches scrupuleuses, distingués de faux écrits qui s'étaient pareillement répandus (u). L'Ecriture sainte n'est donc ni la seule ni la plus ancienne voie de tradition de la doctrine du Christ. Bien plus, c'est à la tradition orale et à l'enseignement vivant qu'elle doit son existence, son inspiration et son authenticité; et c'est à leur témoignage et à leur interprétation qu'elle reste subordonnée en cas d'insuffisance du texte (v).

$ 17. C) Du gouvernement de l'Église.

Avec la mission de fonder le royaume de Dieu sur la terre par la conversion des peuples à la doctrine du Christ, les apôtres avaient reçu le pouvoir de fixer et maintenir dans les communes chrétiennes l'ordre convenable à ce but. Dans la conscience de ce pouvoir, ils créèrent les emplois nécessaires (w), nommèrent les anciens (x), établirent les règles de la discipline ecclésiastique (y) et châtièrent les récalcitrants par de sévères remontrances ou une exclusion totale (z). Ils investirent de la même puissance leurs représentants et successeurs (a), et dotèrent ainsi les évêques de cette branche du ministère apostolique. Mais comme Pierre avait été choisi entre les apòtres pour être la base et le centre de l'Eglise, il se trouva par là revêtu, ainsi que ses successeurs, d'une autorité spéciale répondant à ce but, et dont le temps amena les développements. En outre le désir de resserrer les liens et de faciliter l'administration fit naître peu à peu entre le primat du siége de Rome et les évêques plusieurs degrés intermédiaires auxquels furent départis des droits déterminés

(t, II. Thess. II. 15.

(u) Je renvoie sur ce point à Hug: Introduction aux écrits du nouveau Testament. (Hors de l'Eglise, dit à ce sujet Möhler dans son ouvrage sur l'unité de l'Eglise, l'Ecriture sainte et la tradition ne peuvent se comprendre. Bien plus, un parti en dehors de l'Eglise, qui invoque la lettre de l'Evangile catholique, n'a rien qui lui garantisse qu'e le est bien celle des évangiles authentiques et que ceux-ci précisément n'ont pas été rejetés par l'Eglise.

(w) Act. VI. 1.-6.

(x) Act. XIV. 23.

(y) 1. Tim. III. 2-12.

(2) 1. Cor. V. 1-7., I. Tim. 1. 20.

(a) 1. Tim. V. 19. 20., H. Tim. IV. 2., Tit. I. 5. II. 15.

dans le gouvernement de l'Eglise. De même les évêques, pour satisfaire à toutes les exigences de leur charge, s'attachèrent des fonctionnaires permanents. Cette chaîne de pouvoirs est maintenant nommée la hiérarchie de juridiction. Elle comprend les évêques avec leurs assistants et délégués, les archevêques ou métropolitains, les primats, exarques et patriarches en tant qu'il en existe encore, et enfin le pape.

$18.

- V. Rapport des clercs aux laïcs. A) Des clercs.

D'après ce qui précède, le pouvoir dans l'Eglise n'a pas ainsi que dans la société civile purement surgi comme fait et comme œuvre du temps; il n'a pas été non plus placé dans la commune, mais conféré par le Christ aux apôtres et à leurs successeurs. Il y a donc dans l'Eglise selon sa loi fondamentale un état spécial où le pouvoir se maintient et se continue dans une succession non interrompue. Cet état n'est pourtant ni exclusif ni héréditaire; il est accessible à tous ceux qu'y appelle une vocation reconnue. La vocation se révèle par la voix intérieure, se confirme par le témoignage des supérieurs (b) et de la commune (c), et s'accomplit par l'ordination. Les personnes honorées de cette vocation spéciale ont été dès les premiers temps comprises sous le nom de clercs (d), dont l'origine est diversement expliquée. Les uns, s'appuyant sur ce que Matthias, le premier institué par les apôtres, fut désigné par le sort (pos) (c), pensent que ce nom a passé de là aux personnes revêtues de l'ordre (f). D'autres le font dér ver de la tribu sacerdotale de Lévi chez

(b) C'estan témoignage des supérieurs qu'on attache le plus d'importance, parceque tous les rapports de la position qu'ils occupent, contribuent à leur procurer une connaissance plus exacte du fond des choses. C'est ainsi que dans tous les points de la constitution de TEglise il a été admirablement pourvu à ce que l'esprit commun eût tout le jeu nécessaire pour exercer son activité, et en même temps, à ce que la prépondérance n'appartint pas à la simple majorité numérique, mais bien à l'intelligence et à la sagesse.

(c) Ainsi que le montreront les développements ultérieurs, cet élément n'a jamais été négligé seulement il s'e t manifesté sous des formes diverses selon l'esprit et la constitation de chaque époqne; par exemple, par acclamation de la commune, conférence de l'Eglise avec le souverain, présentation du patron, publication au prône du nom de l'ordinand. L'idée mère est toujours la même.

aux

(d) Ceux qui nient la distinction primitive entre clercs et laïcs se tiennent uniquement textes où zànρoç s'entend de tous les fidèles, Ephes. I. 11. 14., Col. I. 12, I. Petr. V. 3. Mais on peut y opposer les Act. I. 17., où ce mot sert à indiquer la vocation spéciale, et surtout les témoignages des temps les plus anciens du christianisme, tels que les épitres de S. Clément (101) et S. Ignace (110), où le nom et la chose sont déterminés de la manière la plus précise. Aussi Mosheim lui-même dit Comment. de reb. Christian. p. 131: Ego quidem ad eorum accedo sententiam, qui (has appellationes) perantiquas et ipsis pæne Christianarum rerum initiis æquales esse putant. (e) Act. 1.-26.

(ƒ) Augustin. († 430) in Psalm. LXVII. Cleros et clericos hinc appellatos puto — quia

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