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héros des deux mondes fut porté en triomphe jusqu'à l'Hôtel-de-Ville; le duc de Choiseul ne tarda pas à le suivre, et le général Gérard monta à cheval. On se dirigea vers l'Hôtel-de-Ville, où l'on trouva la commission établie et composée comme déjà nous avons eu l'occasion de le dire, elle s'était spécialement consacrée à l'exigence du moment et à la direction du mouvement populaire.

Bientôt une nouvelle commission municipale est nommée; elle est chargée particulièrement de veiller à la sûreté des citoyens : elle se compose de MM. Mauguin, Odilon-Barrot, Lobau, Audry-dePuyraveau, Schonen.

Leurs actes sont contre-signés par le général Lafayette, qui prend le titre de général en chef. Voici comment il s'exprimait dans la première proclamation qu'il adressa aux Parisiens :

Paris, 29 juillet 1830.

PROCLAMATION.

Mes chers concitoyens et braves camarades! La confiance du peuple de Paris m'appelle encore une fois au commandement de sa force publique. de déclarer que jamais je n'ai fait partie du gouvernement provisoire, que jamais la proposition ne m'en fut faite. J'ai accepté en silence tous les dangers à l'heure du combat, je dois hommage à la vérité à l'heure de la victoire.

Le duc de CHOISEUL,

Pair de France, ancien colonel de la re légion, et majorgénéral de la garde nationale parisienne.

J'ai accepté avec dévouement et avec joie les devoirs qui me sont confiés, et, de même qu'en 1789, je me sens fort de l'approbation de mes honorables collègues aujourd'hui réunis à Paris. Je ne ferai point de profession de foi: mes sentimens sont connus. La conduite de la population parisienne, dans ces derniers jours d'épreuve, me rend plus que jamais fier d'être à sa tête. La liberté triomphera, ou nous périrons ensemble.

Vive la liberté! vive la patrie!

LAFAYETTE.

Cet ordre de choses s'établissait, donnait des garanties de sécurité, et calmait les craintes de ceux qui croyaient voir la révolution de 1793 ressuscitée avec toutes les horreurs de l'anarchie.

Le peuple cependant se préparait à de nouveaux combats, et se disposait à attaquer le Louvre, les Tuileries et le Palais-Royal, positions encore au pouvoir des troupes royales.

L'attaque du Louvre est celle qui a véritablement décidé du sort de Paris. Aussi le peuple et ceux qu'il s'était choisi pour chefs dans ces glorieuses journées, sentirent qu'il fallait, outre le courage, mettre de la prudence à une entreprise qui devait avoir un résultat si important.

On ne parut point effrayé des positions formidables qu'occupaient la garde royale et les Suisses, et

qui pouvaient, sous plus d'un rapport, faire douter du succès. En effet, lorsqu'on examine les localités, on ne peut concevoir que les Suisses et la garde n'aient pas pu conserver ces postes importans, qui semblaient présenter une fortification naturelle. Mais le courage national, qui ne connaît pas d'obstacles, devait surmonter toutes ces difficultés.

Il n'est pas inutile de faire remarquer l'ensemble et l'impétuosité avec laquelle a été conduite l'attaque du Louvre ; une partie des citoyens qui avaient enlevé, non sans péril et sans de grands efforts, la caserne de la rue de Babylone, s'y trouvaient réunis.

La résistance fut opiniâtre, on sentait bien que c'était là le dernier boulevard de la monarchie.

Si la défense présentait quelque facilité à cause de la position vraiment forte, résultat de la situation naturelle des lieux, elle devenait pénible par la nécessité où se trouvaient les troupes qui la défendaient de soutenir l'attaque par trois endroits différens.

En effet, les postes de la rue du Coq, de la Colonnade et du pont des Arts furent attaqués presque en même temps, par l'élève de l'école polytechnique nommé Maduel, du côté de la rue du Coq, et par le général Gérard, du côté qui regarde l'Institut.

De ce côté la défense fut opiniâtre ; des bourgeois postés aux Quatre - Nations répondaient au feu de l'ennemi par un feu non moins soutenu.

Dès les premiers momens on vit avec un étonnement mêlé d'admiration un homme s'avancer jusqu'au milieu du pont des Arts, et là ajuster et renverser un Suisse: au même instant, il essuie une décharge générale; victime de son dévouement, il ' reçoit une balle à la jambe. La douleur cruelle qu'il ressentit ne l'empêcha pas de faire un effort sur luimême et de regagner les siens.

Pendant cette scène, les citoyens, ayant à leur tête le jeune Maduel, élève de l'école polythecnique, attaquent le côté du Louvre qui fait face à la rue du Coq.

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C'est là qu'au premier rang, parmi les combattans, on vit le jeune Boussange, âgé de 15 ans, qui se distingua par une valeur prématurée.

Depuis quelques instans un feu très vif devenait funeste aux deux partis, et n'amenait aucun résultat définitif. Un seul homme vêtu d'une blouse eut l'audace de braver le feu des combattans de s'avancér le pistolet au poing jusqu'à la portée de ceux qui défendaient la grille d'entrée : Je vous somme, leur dit-il, d'ouvrir; et la grille s'ouvrit au moment même où des gens du peuple ayant escaladé en se faisant la courte échelle, venaient ouvrir eux-mêmes une autre porte à leurs compagnons. Ce brave se nomme Garaud, il exerce la profession de sculpteur.

Alors ils pénètrent dans l'intérieur, poursuivent les Suisses qui se réfugient aux Tuileries, en laissant la terre jonchée de leurs morts. On ne tarda pas à

les suivre dans ce dernier asile qui leur fut bientôt enlevé.

Ce fut un jeune homme de 16 ans, nommé Charles Petit-Père, qui le premier entra au Louvre, et en ouvrit les portes au peuple: armé d'un fusil à deux coups et de deux pistolets, il a bravé des dangers inouïs; criblé de blessures, on l'a porté en triomphe à l'église Saint-Germain-l'Auxerrois, où on avait établi une ambulance.

de pistolet

Le jeune Bourgeois, qui d'un coup renverse une sentinelle, est lui-même renversé un coup de feu qui lui casse la jambe.

par

Malgré la rapidité avec laquelle furent exécutées l'attaque et la prise du Louvre, durant ce peu de temps, les Suisses le défendirent avec tant d'acharnement qu'ils firent un grand nombre de victimes dans les rangs du peuple.

Il ne vit pas sans une mortelle douleur tant de braves camarades étendus sur la poussière. Une idée religieuse trouva place dans ces cœurs altérés de vengeance et ne respirant que le carnage. On désira rendre à ces dépouilles mortelles les derniers devoirs; en conséquence un prêtre de SaintGermain-l'Auxerrois (M. Paravey) fut mandé; il vint, il consentit sans peine à bénir un terrain attenant à la colonnade du Louvre, où furent déposés les restes de ces braves citoyens qui ont trouvé la mort dans cette attaque.

La place où gisent ces victimes du plus héroïque

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