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Ce ministère conciliateur, taxé de faiblesse et peutêtre de connivence avec la cause de la liberté fut bientôt remplacé par le ministère de Labourdonnaye, l'homme aux catégories, et cent jours après par des hommes inconnus, faibles, incapables ou proscrits par l'opinion, qui avait déjà flétri leur caractère privé ou politique; mais on se crut assez fort pour la braver. A leur tête était M. de Polignac, connu par une froide fermeté, qu'on reconnut plus tard n'être que l'entêtement de l'ignorance.

L'ordonnance du 8 août 1829 qui nommait ces ministres redoutés, répandit le deuil et l'affliction partout; l'opinion résista de toutes ses forces; l'accueil sinistre qu'on leur fit et auquel leurs antécédens devaient les préparer, en fit des ennemis de la France; ils méditèrent le triomphe de l'absolutisme; et comme déjà on pouvait remarquer à cette époque que la résistance était générale, on put dès lors prédire une grande commotion politique qui pouvait renverser le trône.

Soit faiblesse de l'âge, soit inexpérience des affaires du moment, qui, il le faut avouer, se compliquaient tous les jours davantage, Charles X se fit toujours illusion sur le vœu de la majorité des Français ; il prit pour révolte ce qui n'était que la libre et légale émission d'un vœu. Il crut, disons mieux, on lui persuada qu'il fallait recourir à la force pour commencer cette tardive régénération de l'opinion; c'était le cas de montrer une grande énergie, et

que

de faire voir à son peuple que comme roi il avait aussi sa volonté..

L'élection des 221 députés lui montra quelle était l'opinion de toute la France; il proscrivit et ces députés et l'adresse qu'ils lui avaient présentée en réponse au discours du trône; il se persuada que cette manifestation de l'opinion était factice, qu'elle était due à des intrigues habilement conduites; il cassa la chambre, ordonna de nouvelles élections, et il en appela ainsi de la nation à la nation; la victoire du peuple fut encore complète.

Dès lors tout se ressentit de la crise qui s'approchait et qui menaçait d'être violente. Les gens paisibles, tous ceux qui ont besoin de la tranquillité publique pour se livrer avec confiance au commerce, à l'étude ou aux arts, ne virent pas sans effroi s'engager une lutte décisive entre la royauté, affectant l'absolutisme, et les intérêts populaires. Les hommes d'état s'éloignèrent des affaires, quelques-uns prédirent la catastrophe, dont la venue subite frappa de stupéfaction tous les esprits. Le commerce, qui déjà languissait, ne fit plus que se traîner; une crainte vague et de tous les instans s'empara de tout le monde. On remarqua que la foule était moins empressée aux spectacles; et soit concurrence, soit mauvaise direction, soit plutôt encore indifférence du public, presque tous furent menacés d'une ruine complète et prochaine.

Des actes arbitraires vinrent ajouter au mécon

tentement général; plusieurs familles respectables, qui devaient leur existence aux secours que l'État

accorde à de longs services, s'en virent tout d'un coup privées par le bon plaisir du ministre1.

On sent bien que des ministres qui semblaient prendre à tâche d'accumuler sur eux toutes les haines, et qui s'irritaient chaque jour davantage de l'opinion qui se prononçait ouvertement, ne pouvaient que détruire un reste d'attachement qu'on portait encore au roi. On avait longtemps hésité à lui imputer les fautes des ministres. Mais le choix exprès qu'il en fit malgré l'opposition manifestée contre quelques-uns d'entre eux le rendit solidairement responsable de leurs fautes et plus tard de leurs

attentats.

Cependant le moment de commencer les nouvelles opérations électorales approche; ils veulent fortement distraire l'attention publique, qui épie leur conduite et discute leurs actes avec une persévérance importune. Ils imaginent une expédition contre Alger l'importance de l'entreprise, couronnée depuis du plus brillant succès, ne put imposer si

(1) M. Elias Pharaon, ancien consul général, a été privé sous le ministère Polignac d'une pension de 3000 francs. Depuis ce moment fatal, ce vieillard infirme et chargé de famille n'a pu obtenir une seule audience pour demander justice; plus de 25 lettres sont restées sans réponse, et toutes les démarches ont été inutiles. Espérons qu'une aussi criante injustice sera réparée et que M. Pharaon, qui n'a rien à se reprocher, rentrera dans ses droits; malgré le refus qu'oppose au nom de Polignac aujourd'hui 14 août 1830, M. GRENIER chef de division aux affaires étrangères.

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lence à la haine et porta même quelques esprits à prédire, à désirer le malheur de nos armes, plutôt que de voir des hommes odieux, qui perdaient le roi et la France, se perpétuer dans le pouvoir.

Pourtant, il était vrai de dire qu'ils avaient entrepris cette expédition sans autorisation, sans crédit préalable; ils avaient induit l'État dans une dépense énorme qui pouvait devenir inutile, et tourner contre la France. La fureur d'une mer peu connue de nos vaisseaux sembla longtemps protéger les pirates, qu'au nom de l'Europe nous allions punir. Enfin nous avons triomphé; mais cette victoire due à l'intrépidé de nos marins et de nos soldats, et à l'habileté des chefs, les ministres peuvent-ils la regarder comme leur ouvrage? Non : tout leur échappe, jusqu'au plan de cette belle expédition, dont le projet pourrait être revendiqué par l'homme extraordinaire qui porta si haut les destinées et la gloire de la France.

Les opérations électorales n'en furent pas un moment troublées, les ministres n'en devinrent pas plus populaires. La France nomma librement ses mandataires; son attention sut se partager entre ses devoirs et l'admiration due au courage de nos marins et de nos soldats : les élections furent toutes contraires au ministère. Les 221, dont la nomination avait motivé la dissolution de la Chambre, furent réélus. Qu'il soit encore permis de le dire, ce n'était point en haine du monarque, mais de ses mi

nistres sept hommes de moins au timon des affaires, et la France se réconciliait avec son roi!... et on ne l'a pas voulu !

Charles X est profondément blessé de cette réélection; toutes les défiances, toutes les craintes, tous les ressentimens assiègent son cœur. Comme roi, il se croit offensé : il lui faut une réparation. Les ministres sont attérés. Lóin d'avouer qu'ils ont méconnu le vœu de l'État, et qu'ils sont sans influence sur la très grande majorité des électeurs, ils protestent que la France est sous le joug d'une faction habile, persévérante, infatigable; que les élections ont été faussées; que la monarchie est en danger; que le corps social est prêt à se dissoudre, et que c'est le cas d'appliquer un violent remède à un mal extrême. Dans un préambule que nous allons faire connaître, ils rassurent la conscience du monarque qui reculait devant un coup d'autorité aussi hardi. Livré à leurs sophismes, n'écoutant que leurs avis, il se décide à dissoudre la Chambre des Députés une seconde fois, à annuler les élections et la loi qui les régit, à anéantir la liberté de la presse, et à briser ainsi les seuls nœuds qui l'attachent encore aux Français.

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Mais c'en est assez, et désormais nous allons porter comme pièces du procès terrible qui vient d'être jugé, les fatales ordonnances du 25 juillet 1830 avec le rapport dont elles sont précédées.

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