Page images
PDF
EPUB

perçoit que la corniche d'un des pilastres de l'Hôtelde-Ville va tomber et peut écraser plusieurs de nos braves défenseurs; aussitôt il va chercher du plâtre, rescelle la corniche, et se retire avec autant de sangfroid que s'il eût fait cet ouvrage en pleine paix.

7. Le nommé Levy, Abraham, israélite, demeurant rue des Vieilles-Audriettes-Saint-Martin, n° 9, sort sans armes au premier bruit du canon, saisit l'arme d'un lancier, et entre le cinquième dans le Louvre.

Après avoir combattu long-temps, il rapporte un morceau du drapeau des Suisses. Ce brave homme, avant de retourner à ses travaux, a voulu déposer sa lance à la mairie du septième arrondissement; là des secours lui ayant été offerts, il les a d'abord refusés, en disant qu'il ne s'était pas battu pour de l'argent. Pressé d'accepter dix francs, pour subvenir à ses premiers besoins, il a enfin consenti à les recevoir en disant: «Puisque vous voulez absolument que je les accepte, je les prends, mais sous la condition que je vous les remettrai à l'instant à vousmême pour que vous en disposiez en faveur des orphelins.

[ocr errors]

8. Le citoyen Charles Gautier, apprenti ouvrier, demeurant rue Saint-Avoye, n° 58, s'est battu aux Tuileries avec le plus grand courage. Vainqueur, il

est parvenu un des premiers dans les appartemens ; il a trouvé, sous des fauteuils, des bijoux, des bracelets et d'autres objets d'une très grande valeur, et il s'est empressé de les remettre aussitôt à la mairie du septième arrondissement.

9. Stéphanie Pillaud, ouvrière, a également déposé une robe de grande valeur.

10. Un garde national, que sa femme alarmée avait renfermé sous plusieurs clefs et verroux, entendant sonner le rappel, a sauté par la croisée d'un premier étage, après avoir préalablement descendu ses armes à l'aide d'une corde.

[ocr errors]

11. Un ouvrier dont la mise annonçait le peu d'aisance, et qui, dans la journée de mercredi, avait coopéré depuis cinq heures du matin à l'enlèvement de plusieurs postes, n'avait encore rien pris à trois heures du soir. Un jeune homme lui offre cent sous, mais le brave répond: «Je ne me suis pas battu pour de l'argent, monsieur, mais j'accepte dix

sous. »

12. Un ecclésiastique âgé, passant dans la rue de Sèvres, parut effrayé de l'approche de deux hom

mes qui venaient près de lui le sabre à la main, mais ces hommes lui dirent aussitôt: Ne craignez rien, nous ne vous voulons pas de mal;» et comme il paraissait se soutenir difficilement sur ses jambes, ils ajoutèrent: «Eh bien! nous allons vous reconduire chez vous, quand ce ne serait que pour vous rassurer. » En effet, ils le reconduisirent avec beaucoup d'égards jusqu'à la porte de sa maison.

13. C'est mademoiselle Clara Levieux, du magasin de la rue Saint-Denis, no 293, qui a arboré je premier drapeau tricolore sur les barricades de cette rue; c'est encore un fait à consigner en l'honneur des dames.

14. On a vu un jeune étudiant en médecine, M. Laroulandie, s'exposer plusieurs fois dans la place du Palais-Royal pendant le feu roulant des Suisses pour en arracher nos blessés, ensuite les panser.

15. M. Cartewith, Anglais, fut remarqué dans le quartier du Petit-Carreau, qu'il habite, animant les citoyens à la défense, et secourant les blessés. Sa jeune fille s'est occupée trois jours à faire de la charpie.

16. Parmi les braves qui ont péri victimes de la liberté, se trouve Jean-Marie Marquet, filateur de laine, ancien sous-officier et garde national. Il laisse une veuve sans fortune avec trois enfans en bas âge.

17. M. Fossé, cité dans plusieurs journaux, nonseulement pour avoir fabriqué et fourni un nombre considérable de cartouches, mais encore pour avoir, dans les nuits et journées des 29, 30 et 31 juillet, préservé l'établissement national de la Bourse des plus grands dangers, avait été placé à ce poste important par les colonels Pailhès et Dulac, deux des plus braves officiers de l'ancienne armée ; il croit de son devoir de citer au nombre des personnes qui l'ont secondé avec autant de dévouement que de courage le sieur Chèvre, employé à la Bourse, qui désarma un individu suspect qui, après avoir pénétré dans la Bourse, tenait une espingole sur la poitrine de M. Fossé pour le forcer à lui livrer passage à son magasin.

18. M. Plée, botaniste, a concouru activement à la répression de la révolte des prisons. Il a arrêté lui-même un des voleurs échappés de Sainte-Pélagie, et a rendu M. Magallon à la liberté.

[ocr errors]

19. Au Rédacteur de LA TRIBUNE DEs Départemens.

Monsieur,

Mercredi 28, vers les six heures du soir, un jeune chirurgien breton, M. Papu, mon ami intime, a été mitraillé sur le quai Lepelletier, près de la Grève, au plus fort du combat. Sa mère et ses sœurs habitent Rennes. Un affreux désespoir va s'emparer de sa famille. Vous pouvez porter dans son sein quelque consolation en lui apprenant que le nom d'un fils, d'un frère, mort en héros, sera honoré tant que le patriotisme, le courage et la philantropie ne cesseront pas d'être des vertus parmi les hommes. Armé de son fusik, et à la tête d'un petit nombre de braves, Papu se multipliait pour ainsi dire, soit en tirant sur les soldats du digne émule de Charles IX, soit en pansant ses camarades que le feu ennemi avait atteints. Il portait les secours de son art à un des blessés, lorsqu'il fut criblé de coups. Transporté chez la portière du n° 32, où il reçut les soins les plus touchans, il a encore vécu quatre heures, formant des voeux pour le triomphe de la liberté. Son ardent patriotisme imposait silence à ses douleurs physiques; quelques instans avant d'expirer, il s'est écrié : « Faites savoir à ma famille que je meurs content, car je sens que la victoire ne saurait nous

« PreviousContinue »