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102. M. le docteur Pailloux se multipliait auprès des blessés qui tombaient sous le feu meurtrier des assaillans à la porte Saint-Denis, rue Bourbon-VilleNeuve et rue de Cléry.

103. Un jeune homme, nommé Désiré Fréman, âgé de 17 ans, apprenti horloger aux Batignoles, parti de Paris le 31 juillet avec le détachement qui s'est porté à Saint-Cloud, a été victime de son dévouement à la cause de la liberté, dans la charge qui s'est effectuée vis-à-vis le pont de Sèvres ; il reçut deux coups de feu; un lancier, voyant qu'il respirait encore, lui porta un coup de lance; recueilli par le propriétaire de l'hôtel du Nord, et ensuite transporté à l'hospice de Saint-Cloud, il y est mort le même jour, à huit heures du soir. Ce jeune homme, la seule victime qu'on ait à déplorer à l'attaque de Sèvres, laisse une mère veuve sans fortune, dont il était l'unique appui.

104. M. Augustin Thomas, manufacturier du faubourg Saint-Martin, est un des jeunes Parisiens qui ont montré le plus de dévouement à la patrie. Dans la journée du 27, il resta presque toujours embusqué derrière la seconde barricade de la rue Saint-Denis. Deux autres jeunes gens, qui franchissaient avec

lui la barricade de la rue Sainte-Foi, furent tués à bout portant. M. Thomas les vengea à l'instant même, et étendit morts les deux soldats qui, il faut le dire, foulaient aux pieds leurs victimes après les avoir dépouillées. Pendant toute la journée du 28, M. Thomas, à la tête d'environ cent cinquante jeunes intrépides comme lui et criant comme lui: mort ou liberté s'est signalé contre les cuirassiers postés sur le boulevard Saint-Martin; lui et les siens n'avaient plus de cartouches : ils les attaquèrent à l'arme blanche, en renversèrent une partie de leurs chevaux, et mirent le reste en déroute. Après la victoire, un de ces cuirassiers sauvé de la fureur du peuple par M. Thomas, reçoit encore aujourd'hui les soins les plus empressés dans sa maison.

105. Le jeune Auguste Rigaux, voyageur de Reims, s'est distingué dans ces journées. Sur huit coups de fusil, il a tué sept Suisses. Il est entré l'un des premiers au Louvre et aux Tuileries.

106. Le jeune Hillot-Pierret se trouvant dans la mêlée, rue Saint-Martin, reçut d'un officier supérieur un fusil double. Il rallia aussitôt plusieurs ouvriers, se mit à leur tête, et au coin de la rue AuxOurs, leur décharge fit reculer l'ennemi. Près de la porte Saint-Martin, voyant un officier qui venait de

tuer un enfant, il s'avança sur lui, le renversa mort, et s'opposa à ce qu'on le dépouillât, en disant aux braves qui l'avaient suivi de leur propre gré: « Ne souillez point votre belle conduite; la patrie a besoin de votre bras! en avant!

107. M. Bernard Gailliat, mécanicien-horloger, s'était posté rue d'Agivilliers pour repousser les Suisses du Louvre. Armé d'un fusil de munition, il a fait un feu tellement actif pendant plus de trois heures, que son arme a crevé entre ses mains. Heureusement il n'a point été blessé ; mais l'explosion l'a renversé. Le fusil est déposé au Constitutionnel.

108. Tandis qu'on se battait dans la rue SaintHonoré, un ancien officier de cavalerie distribuait du pain à quelques citoyens qui n'avaient rien pris depuis la veille. Au moment où il donnait un pain à un ouvrier armé d'un sabre et d'un pistolet, un garde royal fait feu, et s'élance ensuite sur l'officier qu'il allait percer de sa baïonnette, lorsque ce brave et reconnaissant ouvrier relève l'arme avec son sabre et brûle la cervelle au soldat.

109. Un corps nombreux, composé de sapeurspompiers et d'autres citoyens des communes envi

ronnant Paris, tous bien armés, le drapeau tricolore en tête, s'est rendu sur le terrain du Louvre. Là ils ont salué les mânes des défenseurs morts pour la liberté, et qui reposent sur cette terre désormais sacrée. Ils se sont transportés ensuite sur la place du marché des Innocens, pour remplir les mêmes devoirs sur la tombe des braves qui y sont inhumés.

110. Un citoyen, se laissant emporter par son courage, s'avance jusqu'au milieu du pont de la Grève, et tombe percé de balles. Un de ses amis s'élance à son secours, le trouve mort, plante à ses côtés un étendard tricolore, arme son fusil et venge la mort de son ami; puis, saisissant à la fois le drapeau et le corps du brave, il regagne, malgré la fusillade, les rangs des citoyens, qui le reçoivent avec admiration.

111. Parmi les maisons que l'on considère comme ayant le plus souffert dans les journées des 27, 28 et 29 juillet, on peut principalement remarquer celle située grande rue du faubourg Saint-Antoine, en face celle Charonne, et portant les numéros 78, 80

et 82.

La chute de trois officiers supérieurs tués devant cette maison fut probablement la cause de l'exaspération des artilleurs, qui de suite, firent feu sur elle avec une batterie de douze et deux obusiers de. vingt-quatre.

Le premier coup de canon rasa au niveau du toit une grande mansarde; le second enleva le faîte d'une autre mansarde, et un troisième traversa un mur qui soutenait un gros corps de cheminées.

D'après un pareil succès ils espérèrent probablement mettre bas la maison, en pointant aussitôt un des obusiers sur le corps de cheminées appuyé sur le mur. Le premier obus prit ce mur par un des angles, y fit une brèche considérable, retomba sur le toit, y fit son explosion et en enfonça une grande partie. Le deuxième obus, dirigé sur le milieu du mur, traversa trois cheminées, et en crevant une de ces cheminées, descendit jusqu'au premier étage, où il éclata ; une glace fut cassée, une cloison renversée, les armoires brisées : les deux fenêtres furent enfoncées et jetées dans la rue, entraînant avec elles jusqu'aux rideaux.

Pour éviter les accidens qui auraient pu suivre un tel désastre, le propriétaire a cru devoir y mettre de suite les ouvriers.

Un particulier a été tué à l'une des croisées de la dite maison.

112. Les citoyens du quartier des halles ont creusé, au coin de la rue de la Cordonnerie, un tombeau provisoire qu'ils ont orné de fleurs, de lauriers et d'éloges funèbres en l'honneur de ceux de leurs voisins qui ont trouvé là une mort honorable en défendant la patrie.

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