Page images
PDF
EPUB

CHAPITRE IX.

FINANCES, TRAVAUX PUBLICS, COMMERCE.

[ocr errors]

FINANCES. Douzièmes provisoires, retard du budget. Lois, propositions et mesures financières, projet de réforme hypothécaire, projet relatif aux établissements de crédit foncier, ajournement. - Timbre du commerce, discussion, rejet du droit de timbre sur les rentes après un premier vote favorable, MM. Ducos, Berryer, Fould, vote du projet. · Fin du régime exceptionnel de la Banque de France, abrogation du cours forcé. Budgets. Budget de 1847. Comptes définitifs de 1848, rapport de la Cour des comptes, ce que coûte une surprise. Budget de 1850, dépenses, ancien projet de M. H. Passy, projet de M. Fould, projet de la commission, les économies de M. de Lamoricière, les conditions de l'armée; le budget rouge, M. Pelletier; la dette flottante, optimisme et réalité; détail des services, vote. Recettes, évaluations diverses, ressources nouvelles, vote, balance générale. Budget de 1851, exposé de situation, vote, balance générale, activité louable. Dernier coup d'oeil sur la situation financière.

[ocr errors]

TRAVAUX PUBLICS. Le vaincu de Février, budget des travaux publics, réductions croissantes. Chemins de fer, système nouveau, du temps au lieu d'argent; situation des compagnies. Ligne de Lyon, historique, projet Lacrosse, système de la concentration; l'Assemblée adopte le système de concessions séparées, vote d'un crédit provisoire; statu quo ruineux. Tours à Nantes, Orléans à Bordeaux, état des travaux, mécomptes, nécessité d'un secours immédiat, prolongation de la durée des concessions. Sections nouvelles ouvertes dans l'année.

[merged small][ocr errors]

Strasbourg. Sous-comptoir des chemins

Télégraphie privée, restrictions fâcheuses. Police des chemins
Ingénieurs des ponts et chaussées, admission des conducteurs,

COMMERCE. Situation générale de la production, impôts et revenus indirects.— Commerce extérieur, la protection et la liberté. Relations internationales, traité de commerce avec les États sardes, convention de poste; traité de commerce avec le Chili; traité de commerce et de navigation avec la Belgique.

FINANCES. L'année financière avait, en réalité, commencé le 3 août 1849, par le dépôt du budget de 1850 fait par M. Passy, alors ministre des Finances. Le 4 novembre suivant, M. A. Fould,

qui avait remplacé M. Passy, avait fait devant l'Assemblée l'exposé de ses doctrines financières (voyez l'Annuaire précédent, p. 383 et 437). Mais déjà, à la fin de 1849, on s'apercevait que les études immenses nécessitées par les projets de budget ne permettraient pas de sitôt le vote de l'exercice 1850. Aussi, le 21 décembre 1849, l'Assemblée dut voter une loi autorisant la perception des impôts indirects jusqu'au 1er avril 1850, et ouvrant aux ministres un crédit provisoire de 570 millions.

:

Le 22 mars seulement, près de huit mois après la présentation du budget de 1850, la discussion s'ouvrit sur le crédit de cet exercice. Le 1er avril approchait il était impossible de penser à discuter et à voter le budget en huit jours. Il fallut donc reculer jusqu'au 1er juin l'autorisation de percevoir les impôts indirects, et augmenter de 171 millions le crédit provisoire déjà accordé (15 mars).

Aussi ne s'étonnera-t-on pas si les questions de Finances et d'économie furent soulevées plus d'une fois avant la discussion de ce budget attardé. Nous rassemblons donc, quelle que soit leur date, toutes les lois, propositions ou mesures financières, et nous les plaçons avant le budget lui-même.

Lois, propositions et mesures financières. Notons d'abord un projet de réforme hypothécaire abordé, mais non voté par la Chambre. Ce projet, présenté le 4 avril, par M. le ministre de la Justice, avait pour but de modifier entièrement notre régime hypothécaire. Cette mesure grave était commandée par l'unanimité des jurisconsultes, par l'expérience et surtout par la nécessité reconnue d'asseoir le crédit foncier sur des bases solides. Sans priver le propriétaire de sa propriété, un bon système hypothécaire permet de faire de l'immeuble un gage efficace pour le prêt des valeurs mobilières, de communiquer aux capitaux empruntés quelque chose de la stabilité du sol, de les attirer par la sécurité, de les mettre abondamment, et par conséquent à bas prix, au service de l'agriculture. Or, tandis que l'industrie, tandis que la Banque, tandis que l'Etat, même au lendemain d'une crise révolutionnaire, trouvaient encore des capitaux considérables à un taux modéré en France, la propriété, c'est-à-dire la France même, était contrainte de payer pour les capitaux qu'elle empruntait

une rente d'au moins le double du revenu qu'elle peut produire. De pareils emprunts attestent le discrédit; ils sont mortels : aussi l'agriculture était-elle ruinée tout à la fois par les capitaux qui lui manquaient et par les capitaux qu'on lui prêtait. Cela tenait en grande partie aux erreurs de la législation. Sans doute il y a des inconvénients qui procédent même de la nature des choses. Pour consolider et publier l'hypothèque, il faudra toujours des formalités et par conséquent des frais. La transformation du gage immobilier en valeurs métalliques exigera toujours les lenteurs protectrices de la vente judiciaire mais on peut diminuer les frais, améliorer les formes, compenser les difficultés de l'expropriation par les facilités du transport. On peut surtout augmenter, compléter la sûreté. Crédit est synonyme de confiance, le crédit foncier doit donc reposer sur la sécurité. Rendez infaillible le gage hypothécaire et tous les inconvénients s'atténueront.

Pour trouver les meilleurs moyens d'arriver à ce but, un des ministres du dernier Gouvernement avait consulté toutes les cours de France et toutes les facultés de droit. Par arrêté du 15 juin 1849, le président de la République, reprenant l'œuvre interrompue, avait réuni autour du ministre de la Justice des économistes, des magistrats, des jurisconsultes. Cette commission de la réforme hypothécaire prépara un projet reconstruisant, article par article, le 18e titre du Code civil. C'est ce projet qui fut soumis aux délibérations de l'Assemblée, après avoir été préalablement étudié par le conseil d'Etat, en vertu d'un décret du 27 décembre 1849.

Il ne semblait pas, d'après les débats assez confus que souleva le projet, que l'Assemblée eût une opinion arrêtée sur la question, ni qu'on pût espérer de sitôt cette importante réforme. Nous retrouverons le projet en 1851.

L'Assemblée avait été saisie d'un autre projet relatif aux établissements de crédit foncier. La discussion n'en fut pas même entamée. Dans un moment où le pays avait besoin de toutes ses ressources, le Gouvernement pensa qu'il devait appeler l'attention du législateur sur les lois de taxes et de produits financiers. Il fallait reconnaître que, malgré la vigilance de l'administration, les lois sur le timbre ne recevaient pas leur exécution,

parce qu'elles manquaient de sanction suffisante. Le relâchement qui existait dans le recouvrement de l'impôt sur le timbre était, non-seulement préjudiciable au Trésor, mais encore injuste et immoral injuste, parce qu'il faisait peser exclusivement sur les hommes de bonne foi un impôt qui doit être réparti sur tous, et qu'il surchargeait la propriété foncière en ne faisant pas supporter à la richesse mobilière la part que la loi lui attribue; immoral, parce qu'il plaçait les citoyens qui respectent la loi dans une condition de concurrence désavantageuse vis-à-vis de ceux qui la violent. Pénétré de cette pensée, que le devoir d'un Gouvernement, quel qu'il soit, est de faire supporter à chacun, d'une manière égale, sa part des charges communes; de ne pas souffrir que la loi, consciencieusement exécutée par les uns, soit impunément violée par les autres, le Gouvernement présenta un projet relatif au timbre du commerce. C'était un des fragments du plan financier de M. H. Passy. La commission nommée formula un ensemble de dispositions qui devait mettre un terme aux abus signalés, rétablir l'égalité dans la répartition de l'impôt du timbre, et procurer environ 12 millions de plus au Trésor.

Le projet, modifié et augmenté par la commission, se divisait en cinq titres : le premier, relatif aux effets et aux bordereaux de commerce; le deuxième, aux actions dans les sociétés et entreprises, ainsi qu'aux obligations négociables des départements, communes, établissements publics et compagnies; le troisième, aux rentes sur l'Etat et aux effets publics; le quatrième, aux polices d'assurances; le cinquième comprenait les dispositions générales. Pour atteindre les effets qui échappaient à l'impôt, le projet proposait deux ordres de mesures, les unes destinées à faciliter l'exécution de la loi, les autres à punir sévèrement les infractions dont elle pourrait être encore l'objet. Parmi les avantages accordés au commerce, il faut citer d'abord l'abaissement de l'impôt à 5 et à 10 centimes pour les effets de 100 et de 200 fr., qui payaient actuellement 15 centimes. Ce n'était pas tout. On donnait au bénéficiaire, ou premier endosseur, recevant un billet non timbré, la faculté d'y faire apposer, dans un délai convenable, un visa pour timbre. Le droit de visa, plus élevé d'ailleurs que le droit de timbre, s'ajouterait au montant de l'effet, nonobstant

toute stipulation contraire. Ainsi, toute facilité était ouverte au bénéficiaire pour régulariser sa position. Ces facilités, une fois données au commerce pour exécuter les prescriptions de la loi, le projet ne se contentait pas de maintenir les amendes portées contre le souscripteur, l'accepteur et le bénéficiaire d'un effet non timbré, amendes qui s'élevaient à 6 010 contre chacun d'eux; il demandait à un moyen tout à fait nouveau l'efficacité qu'on n'avait pu trouver dans l'application d'amendes considérables. En Angleterre, tout titre ne peut être produit en justice et reconnu valable, s'il n'est revêtu du timbre. Le projet n'allait pas aussi loin; il repoussait la loi anglaise comme favorable au débiteur de mauvaise foi, comme antipathique à nos mœurs, et comme devant, par cela même, rencontrer chez nous d'invincibles obstacles dans l'application; ce qu'il proposait, c'était que le porteur d'une lettre de change non timbrée n'eût d'action que contre le tireur en cas de non acceptation, ou contre l'accepteur et le tireur en cas d'acceptation, et qu'il perdît son recours contre les endosseurs. Cette mesure, quoique moins rigoureuse que celle qui est appliquée en Angleterre, avait cependant beaucoup de gravité. Les adversaires du projet objectaient que, dans un intérêt fiscal, le législateur ne pouvait pas porter atteinte à des conventions particulières, et que pour assurer les recouvrements du Trésor, il n'avait pas le droit de dégager les uns des obligations qu'ils avaient contractées envers les autres. La commission pensa que si, jusqu'alors, l'accepteur et les endosseurs avaient été solidairement tenus au paiement de l'effet de commerce, c'était par une dérogation aux règles du droit commun; que, par exemple, le cédant, dans la loi civile, ne répond pas de la solvabilité du débiteur, à moins d'un engagement formel; que par conséquent le privilége spécial attribué à l'effet de commerce, par la loi commerciale, peut être subordonné à certaines conditions, et cesser du moment que ces conditions ne sont pas remplies. Le projet déjouait, en outre, un moyen de fraude fréquemment employé, en déclarant nulle toute convention ou mention de retour sans frais relative à des effets non timbrés. La délibération commença le 18 mars. Nous avons esquissé l'ensemble du projet entrons maintenant dans les détails.

« PreviousContinue »