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Ils auraient une part dans le produit de l'octroi de mer et une part dans le produit de l'impôt arabe.

La propriété privée avait été l'objet d'une vive sollicitude de la part de la commission. Attribuant au régime d'exception établi en Algérie l'instabilité de la propriété privée, la commission avait voulu placer celle-ci sous la protection du droit commun; chaque propriétaire pourrait jouir et disposer de sa propriété de la manière la plus absolue en se conformant aux prescriptions du Code civil. En donnant ainsi aux propriétaires la faculté de créer des hypothèques sérieuses et réelles, et en leur ménageant de puissants moyens de crédit, la commission espérait assurer à la propriété immobilière les meilleures et les plus solides conditions de prospérité. Néanmoins la commission était d'avis que les droits. de propriété et de jouissance appartenant aux indigènes individuellement, ou collectivement aux tribus, ne pussent être aliénés au profit de personnes étrangères à la tribu.

En même temps qu'elle préparait la sanction de ces projets, la Chambre se préoccupait encore d'un essai de colonisation factice tenté après l'issue de la guerre sociale de juin 1848. (Voyez les deux Annuaires précédents.)

On se rappelle les colonies agricoles créées par le décret du 19 septembre 1848. Ce décret leur avait affecté une dotation de 50 millions et avait ouvert provisoirement un crédit de 15 millions, savoir, 5 millions sur l'exercice de 1848 et 10 millions sur l'exercice de 1849.

L'article 20 d'une loi du 19 mai 1849, relative à la fixation du budget de l'exercice, porta que, par anticipation du crédit de 50 millions destiné aux colonies agricoles de l'Algérie, une somme de 5 millions serait affectée à l'envoi de six mille nouveaux colons.

Toutefois, ce crédit ne devait être définitif qu'après que l'Assemblée aurait reçu un rapport circonstancié sur l'état des colonies algériennes. Une commission fut donc envoyée en Afrique, et, à son retour, l'un des membres, M. Louis Reybaud, déposa un rapport qui renfermait les plus tristes et les plus sérieux enseignements.

Ce rapport constatait, en effet, l'impuissance de l'État lorsqu'il

veut pourvoir à tous les besoins, le vice radical des nouvelles colonies, les mauvais éléments dont elles étaient composées, et la nécessité, tout en remplissant les engagements contractés par l'État envers les émigrants, de s'arrêter dans une voie dont la situation politique ne faisait plus un devoir. Placées dans les circonstances les plus favorables, ces colonies factices n'avaient pas répondu aux espérances enthousiastes de la Constituante. La plupart des ouvriers honnêtes et actifs qui les composaient avaient préféré retourner en France, dès que le travail y était redevenu possible. La grande majorité de ceux qui étaient restés en Algérie vivaient sans travailler sérieusement, sur les subventions de la métropole.

Aussi paraissait-il naturel que le crédit de 5 millions fût annulé. Toutefois, M. le ministre de la Guerre demanda que le crédit fût transformé et rendu définitif. La commission, par l'organe de M. Louis Reybaud, admit en partie la demande. Réglant la part du passé, refusant d'engager l'avenir, elle réduisit le crédit à 3 millions 500,000 fr. applicables, non à des dépenses à faire, mais à des dépenses faites. Ces dépenses se résumaient ainsi 2 millions pour préparatifs d'établissements commencés sur douze nouveaux points; 1 million 500,000 fr. pour crédits dépassés sur les 15 millions alloués pour les années 1848 et 1849.

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Selon la commission, le ministre avait dû voir dans le vote de l'Assemblée la pensée de ne point laisser l'année s'écouler sans qu'il fût donné un gage de plus à l'œuvre de la colonisation algérienne. Le ministre devait donc veiller à ne point être pris au dépourvu, et les travaux des centres nouveaux, ordonnés, avec réserve pourtant, et sur douze points seulement, n'avaient pas été entrepris dans un autre but.

Quant aux 1,500,000 francs de crédits dépassés sur les exercices 1848 et 1849, cet excédant provenait d'une plus grande impulsion donnée aux travaux d'habitation, des améliorations dans 'alimentation des enfants et le sort des colons; impulsion et améliorations demandées par la première commission d'examen.

Mais si le ministre, engagé par un vote conditionnel de l'Assemblée, avait cru devoir, ce en quoi la commission l'approuvait, se tenir prêt à toutes les éventualités, la commission, elle aussi,

avait cru devoir séparer complétement le passé de l'avenir et refuser tout crédit ayant pour but la fondation de nouveaux villages. L'expérience lui semblait déjà assez coûteuse, et en ce moment, la seule chose à faire, c'était de chercher à tirer le meilleur parti possible des quarante-deux villages fondés par la loi du 19 septembre 1848. L'expérience était assez coûteuse. Au bout de trois ans de tutelle, en effet, les quarante-deux établissements reviendraient à 23,603,194 fr. pour 4,502 familles ou 13,608 individus : ce qui faisait par village, 562, 051 fr. 25 c.; par famille, 5,242, fr. 90 c.; par individu, 1,731 fr. 90. Devant une dépense aussi élevée et un résultat si minime, la commission ne pouvait songer à persévérer dans un système semblable: elle devait seulement chercher à tirer le meilleur parti possible des faits accomplis.

Dans ce but, la commission avait pensé qu'au lieu d'envois en masse, il ne devait plus y avoir que des envois partiels pour les colonies où se trouveraient des vacances. L'élément des ouvriers déclassés était en trop grand nombre dans les nouveaux villages, l'élément agricole manquait. La commission engageait l'administation à persévérer dans la voie où elle était entrée, et à combler tous les vides par des agriculteurs ou des soldats libérés du service. D'après le projet, article 2, les colons destinés à compléter la population des villages fondés en 1848 seraient choisis sur les désignations faites par les conseils de préfecture, dans l'ordre suivant : 1° les soldats libérés du service ou ayant servi en Algérie; les cultivateurs d'Algérie, mariés; 3° les cultivateurs de France, mariés. L'article 5 portait que les colons admis ne seraient à la charge de l'État qu'à partir du jour de leur embarquement. Ces diverses dispositions furent votées sans contestations, après un excellent discours du rapporteur, M. Louis Reybaud.

L'article 4 était ainsi conçu: « Les colonies agricoles continueront à être placées sous la direction des autorités militaires jusqu'à l'expiration des trois années pendant lesquelles elles ont à recevoir les subventions de l'État. » Ce fut en vain que les dispositions subséquentes adoucissaient les termes de ce paragraphe, en laissant au pouvoir exécutif la faculté d'établir le

régime municipal et judiciaire dans les colonies où l'application Jui en paraîtrait opportune, en y rattachant dès à présent toutes les mesures d'ordre et d'administration intéressant la communauté. Toutes ces garanties, toutes ces concessions faites à l'opinion qui voudrait prématurément établir en Algérie, au milieu d'un peuple à peine conquis et toujours hostile, les institutions civiles de la France, ne suffisaient pas encore à M. Emile Barrault, et il présenta, de concert avec ses deux collègues de députation, un amendement ayant pour objet de faire décider que le régime civil serait établi dans toutes les colonies agricoles à l'expiration de la deuxième année de leur établissement.

M. Louis Reybaud n'eut pas de peine à démontrer l'impossibilité d'une semblable législation. Pour que des institutions municipales aient une valeur, il faut qu'elles trouvent des intérêts, des besoins qui leur correspondent. Y avait-il quelque chose de semblable dans les colonies agricoles? Où trouver une commune dans une réunion d'hommes qui attendaient tout de l'État, qui n'avaient d'intérêt que ceux que l'État leur avait créés? L'Assemblée rejeta la proposition de M. Barrault (4 juillet).

Après avoir ainsi liquidé le passé, l'Assemblée prépara l'avenir en discutant, en approuvant, dans son principe, une réforme bien autrement sérieuse que toutes celles dont elle s'occupait depuis longtemps, la réforme de la législation commerciale de l'Algérie.

Disons, en peu de mots, en quoi consistait le régime qu'il importait de réviser. Les droits applicables, en Algérie, aux marchandises françaises et étrangères avaient été fixés en dernier lieu par l'ordonnance du 16 décembre 1843. En vertu de cette ordonnance, les produits français importés en Algérie (les sucres exceptés) étaient affranchis de tous droits. La franchise existait, en outre, pour certaines marchandises étrangères, de première nécessité, telles que bestiaux, céréales, bois, métaux, etc. Les autres marchandises étrangères étaient soumises à des droits qui correspondaient, en général, au tiers des taxes inscrites au tarif de la métropole. Les tissus de coton et de laine étaient frappés de droits qui égalaient 30 020. Le pavillon français était exempt de tout droit de tonnage dans les ports de l'Algérie. Ce

droit était de 4 fr. par tonneau pour les navires étrangers, sauf pour les navires sardes, qui ne payaient que 2 fr.

L'ordonnance du 16 décembre 1843 avait eu pour but de protéger le pavillon national et de développer le placement, en Algérie, des produits industriels de la métropole. Ce double but avait-il été atteint? Oui, disaient les partisans de la protection. Dans l'intercourse entre l'Algérie et la France, notre pavillon est dem euré presque exclusivement maître des transports. Il a chargé, en 1847, 200,000 tonneaux (contre 1,800 seulement sous pavillon étranger). Quant au commerce, nos exportations, qui n'étaient, en 1842, que de 33 millions, se sont élevées, en 1847, à 83 millions. Les tissus de coton, notamment, en faveur desquels l'ordonnance de 1843 avait renforcé le droit protecteur, ont profité du nouveau débouché qui leur était offert 200,000 kilogrammes en 1842, leur exportation est montée, en 1847, à près de 2 millions de kilogrammes. On réclamait donc le maintien de la protection accordée au pavillon national et à l'industrie métropolitaine.

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Mais le régime des produits algériens, à leur entrée en France, exigeait de graves modifications.

Jusqu'ici, en vertu d'une ordonnance datée du 16 décembre 1843, et confirmée par la loi de douanes du 9 juin 1845, certains produits, tels que l'huile d'olive, le suif, les fruits, etc., provenant d'Algérie, étaient admis, en France, moyennant le paiement de la moitié des droits du tarif métropolitain mais un grand nombre d'autres articles, notamment les bestiaux et les céréales, demeuraient soumis à l'intégralité des droits du tarif. L'Algérie n'était pas plus favorisée que l'étranger. Depuis longtemps, la colonie réclamait contre cet état de choses. Elle demandait l'assimilation douanière avec la métropole, c'est-à-dire l'introduction libre, en France, de tous ses produits naturels.

Le 19 décembre, un projet fut livré aux délibérations parlementaires, qui formulait ce vou, auquel s'était associé le conseil général de l'agriculture, des manufactures et du commerce. Dans la première discussion, les orateurs se renfermèrent dans des généralités surannées ou inutiles. Les uns, sans oser exprimer ouvertement leur opinion, penchaient vers l'abandon : les autres

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