Page images
PDF
EPUB

gane de M. Cools, la première demande : mais elle ne pensa pas qu'il y eût lieu, quant à présent, de faire cesser le cours légal des pièces en circulation. Elle refusa également d'adhérer à une disposition en vertu de laquelle toutes les monnaies d'or étrangères cesseraient immédiatement d'avoir cours légal en Belgique ; mais elle proposait d'autoriser le Gouvernement à mettre hors de cours, par arrêté royal, les monnaies décimales d'or françai ses, si le système français venait à être modifié.

En 1847, le Gouvernement belge avait voulu, lui aussi, avoir sa monnaie d'or nationale. Dans le but d'empêcher l'exportation et par dérogation à la loi monétaire de 1832, qui assimilait exactement les monnaies belges au système français, il fit des pièces de 10 fr. et de 25 fr., au poids réduit de 2 pour 010, de sorte que la pièce marquée 25 fr. ne valait intrinsèquement que 24 fr. 25 c., valeur intrinsèque inférieure à celle des guillaumes de Hollande et des souverains anglais, qu'on démonétisait.

Bien que la loi du 31 mars 1847 autorisât le Gouvernement belge à l'émission d'une somme de 20 millions de ces pièces, il n'en fut frappé que pour 14 millions 646,025 fr. Aujourd'hui il était devenu nécessaire de retirer ces pièces de la circulation. Mais ce qui l'était moins, c'était de prendre les deux autres mesures que désapprouvait la commission, et que le ministère parvint à faire voter par les deux Chambres. Les raisons sur lesquelles il appuyait ses propositions disparurent presqu'en même temps que la loi était promulguée. La baisse excessive du change sur Londres avait amené à Paris une importation considérable de souverains, et leur transformation en pièces de 20 fr. avait fait disparaître la prime qui existait sur ces dernières. Mais ce n'était là qu'un accident et le cours du change ne tarderait pas à se relever. La loi sur l'or, votée le 24 décembre à la Chambre des représentants, le 28 au Sénat, fut promulguée le 29 (voyez le texte à l'Appendice).

Parmi les lois secondaires votées dans la session, il faut citer encore une loi soumettant les faillites à un contrôle légal que ne garantissait pas suffisamment la loi de 1807; une loi sur l'exercice de la médecine vétérinaire; une loi sur le régime des aliénés.

Mais l'intérêt réel de la session fut dans les développements constitutionnels de la loi d'enseignement votée l'année précédente.

Tandis qu'en France l'expérience des progressions logiques.de l'esprit révolutionnaire éloigne chaque jour davantage les hommes les plus vraiment libéraux de l'athéisme gouvernemental, la Belgique tend de plus en plus à quitter cette belle et forte position qu'elle avait prise à la tête des nations catholiques. L'esprit révolutionnaire s'y introduit sourdement et on peut le reconnaître déjà dans la direction nouvelle imprimée à l'enseignement public. A l'esprit de liberté, succède l'esprit de privilége: à la doctrine bienfaisante et religieuse, la doctrine dissolvante et impie, patronée par le Gouvernement lui-même. Tous les efforts de l'esprit prétendu libéral sont tournés vers la création d'une Université. L'État se fait instituteur laïque, en attendant qu'il devienne, comme ailleurs, instituteur athée.

Dans la dernière session, sous la pression des événements du dehors, la réforme électorale et la réforme parlementaire avaient servi de soupape au bouillonnement des ferments démocratiques. Le libéralisme constitutionnel, ce préparateur naturel des institutions révolutionnaires, ne devait pas tarder à commencer l'attaque. Il s'en prit, comme partout, à la base même des institutions conservatrices, à l'enseignement. Jusque-là la Belgique avait eu le rare bonheur de conserver la foi religieuse : il fallait lui enlever le bouclier qui la couvrait contre les coups de la démagogie. Le ministère libéral se chargea de cette tâche. Il fut décidé que les jurys chargés de la collation des grades académiques seraient désormais composés en nombre égal de professeurs de l'enseignement privé et de professeurs de l'enseignement officiel. ll fallait abattre cette Université catholique de Louvain qui fait la gloire de la Belgique on accorda aux deux Universités de l'Etat et à l'Université libre de Bruxelles le privilége de la jouissance exclusive de soixante bourses. Cette loi fut votée à la Chambre des représentants, par 62 voix contre 22; au Sénat, par 23 contre 18.

L'organisation définitive des colléges soutenus par PEtat fut proposée, dans la session de 1850, dans un projet sur l'enseigne

ment moyen (14 février). Le projet établissait des écoles moyennes supérieures, au nombre de dix, sous le nom d'Athénées royaux; il y en aurait deux dans le Hainaut et une dans chacune des autres provinces de plus, le Gouvernement serait autorisé à fonder cinquante écoles moyennes inférieures, dans lesquelles seraient comprises les écoles primaires supérieures ainsi que les écoles connues actuellement sous la dénomination d'Ecoles industrielles, et commerciales. Le projet n'oubliait pas la pépinière ordinaire des professeurs de l'Etat, l'Ecole normale, avec vingt bourses spéciales, destinée à l'enseignement pédagogique. La haine de l'influence religieuse perçait dans chacune des dispositions de ce projet. On n'osait pas tout demander d'abord : c'était un premier pas et il fallait pouvoir le faire sans soulever l'opinion publique. Ainsi, le projet (art. 8) contenait cette disposition dérisoire : « Les ministres des cultes seront invités à donner ou à surveiller l'enseignement religieux. »

En vain le clergé réclama contre cette trahison des véritables intérêts du pays, en vain un pétitionnement nombreux des populations catholiques protesta contre cette expérience, faite pour démoraliser le pays, en vain les évêques réunis à Bruges adressèrent au Sénat une déclaration collective contre la loi, la Chambre des représentants vota le projet à la majorité de 72. voix. contre 25 (4 mai), et le Sénat l'adopta définitivement par 32 voix contre 19 (30 mai). La loi nouvelle fut promulguée le 1er juin.

La lutte n'était pas terminée le 11 juin elle recommença plus vive. Les comices électoraux procédaient au renouvellement de la moitié de la Chambre. Tous les moyens furent mis en jeu par le libéralisme au pouvoir pour empêcher l'élection des représentants du parti catholique. Le ministère eut la majorité par les villes. En somme, il reçut un échec moral. Le parti catholique revint plus fort de cinq voix. Alors on employa l'arme or dinaire des révolutions, la calomnie. C'est ainsi qu'on réussit à faire annuler l'élection de M. Desmaizières, représentant du parti catholique à Dixmude.

Dans l'intervalle des deux sessions, un argument nouveau était venu s'ajouter à ceux qui militaient déjà contre la loi. Dans une allocution prononcée par le saint-père dans le consistoire secret

du 20 mai, on avait remarqué ces conseils donnés au royaume de Belgique :

« Nous ne pouvons nous défendre, dans notre sollicitude paternelle envers l'illustre nation des Belges, qui s'est toujours fait remarquer par son zèle pour la religion catholique, de témoigner publiquement notre douleur à la vue des périls qui menacent chez elle la religion catholique. Nous avons la confiance que désormais son roi sérénissime, et tous ceux qui, dans ce royaume, tiennent le timon des affaires, réfléchiront dans leur sagesse combien l'Église catholique et sa doctrine servent à la tranquillité et à la prospérité temporelle des peuples; qu'ils voudront conserver dans son intégrité la force salutaire de cette même Église, et considérer comme leur tâche la plus importante celle de protéger et de défendre les saints prélats et les ministres de l'Église. »

Auteur et patron de la loi athée, le cabinet belge crut devoir répondre. Il adressa à son chargé d'affaires à Rome une dépêcche protestant de son respect pour la religion. En même temps il faisait paraître au Moniteur cette déclaration d'une contestable con

venance:

« Ce n'est pas la première fois que la cour de Rome a été induite en erreur au sujet des choses et des hommes de ce pays. En le regrettant profondément, on ne peut maîtriser un sentiment de réprobation contre ceux qui ont à ce point trompé le saint-siége. Cette fois encore, nous en appelons au saint-père mieux informé; nous en appelons aussi au bon sens et à la justice de tous ceux qui sont témoins du véritable état des choses en Belgique.

>> Existe-t-il un pays, dans le monde chrétien, où le clergé jouisse d'une indépendance et d'une liberté plus grande, où sa position, sous le rapport moral et matériel, soit plus forte et mieux garantie? Où sont les périls que court la religion? Contre qui le clergé a-t-il besoin d'être défendu et protégé? Si la religion avait des dangers à courir, ce serait de la part de ceux qui abusent de son nom pour satisfaire des rancunes politiques. Si le clergé avait besoin d'être défendu, ce serait contre l'imprudence de ceux qui se couvrent de son autorité pour la faire servir à des calculs de parti. >>

Où est le péril, demandait M. Rogier? Le pays ne le saurait que trop tôt si on devait le retenir longtemps encore dans cette voie qui conduit à l'anéantissement de tout respect et de toute croyance. On remarqua, à cette occasion, la naïveté avec laquelle on avouait que l'opposition politique n'est qu'un calcul d'ambition ou la satisfaction d'une rancune. Ceux-là pouvaient-ils, en effet, s'imaginer qu'on défende la religion pour elle-même, qui n'avaient fait du libéralisme qu'un moyen, qu'un marchepied pour atteindre au pouvoir ? Pour ces hommes, toute opposition, si respectable qu'elle soit, n'est qu'une compétition de portefeuille.

A l'ouverture de la nouvelle session législative, le parti catholique introduisit dans la discussion de l'adresse un amendement désapprouvant la conduite du ministère dans l'affaire de l'allocution papale c'était un devoir à remplir sans espérance de succès. Un ordre du jour motivé approuva l'administration.

Une crise ministérielle éclata, au mois de juillet, sur une question assez secondaire.

Après la révolution de Février, le Gouvernement avait cru devoir réorganiser la garde civique, institution qui n'a jamais été prise au sérieux en Belgique (loi du 17 avril 1848). Le seul avantage qu'on vit dans cette organisation fut l'espérance d'une économie notable dans le budget de la Guerre. Cette espérance peu fondée fut entretenue par une brochure qui proposait de réduire à 20 millions le budget de l'armée, au moyen de certaines combinaisons où venait figurer la garde civique. La brochure était due à un sous-lieutenant, M. Van Cupen. Le ministre de la Guerre punit, par une mise en non-activité, cette intervention blâmable d'un officier dans des questions de cette nature. Il se trouva un représentant pour donner tort au ministre mais la Chambre passa à l'ordre du jour. Mais quelque temps après un certain major Alvin publiait, à son tour, une brochure dans laquelle, après avoir traité assez cavalièrement la garde civique, il ajoutait avec plus de justesse que de convenance: « Elle trompe le peuple en lui faisant croire à l'existence d'une force publique qui ne coûte rien; elle tire trop vite parce qu'elle a peur. » Ces aménités s'adressaient, en fin de compte, à une institution constitutionnelle. La punition du sous-lieutenant fit réfléchir à l'impunité du major. Des plaintes furent adressées au ministre de la Guerre par le général de la garde civique de Bruxelles. Le ministre désapprouva la brochure, mais répondit avec quelque apparence de raison qu'elle n'intéressait pas la discipline de l'armée. Ces explications furent trouvées insuffisantes, et la vanité civique offensée se répandit en rumeurs, en protestations. Fatigué de tout ce bruit, M. Chazal donna sa démission (9 juillet).

De là, une crise ministérielle qui se termina, le 12 août, par un remaniement ministériel. M. Chazal fut remplacé à la Guerre par M. le lieutenant-général Brialmont, commandant de Vanloo

« PreviousContinue »