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cent millions de piastres altérées qui sont encore en circulation. La seconde réforme se lie étroitement à celle que nous venons d'indiquer, c'est la réforme du budget. Le gouvernement turc, pour déraciner les habitudes de concussion chez les fonctionnaires, habitués à vivre tous de leur office, leur a attribué des traitements considérables. La nécessité d'entretenir une armée nombreuse et le salaire des employés, ont donc élevé le chiffre du budget mais l'accroissement des ressources est venu compenser cette augmentation de dépenses. Le budget se solde donc à peu près en équilibre, à raison de 730 millions de piastres par an. L'obligation où la guerre de Hongrie a mis la Porte de former une armée d'observation sur le Danube, a entraîné seulement pour l'année 1849 un déficit de 110 millions de piastres. Comme la Turquie n'a point de dette, sa situation financière n'a rien d'alarmant. Mais le gouvernement turc comprend la nécessité de créer des routes dans un empire où il n'y a pas dix lieues de routes carrossables, de réparer des canaux depuis longtemps obstrués, de canaliser quelques rivières, afin d'ouvrir des débouchés aux nombreuses productions agricoles de ses provinces centrales. Les forêts et les mines du gouvernement demeurent aujourd'hui complétement improductives, faute de routes et faute de rivières navigables. Ce sont là des dépenses utiles et fécondes. auxquelles ses ressources actuelles ne lui permettent pas de pourvoir.

En second lieu le produit des impôts, avec leur assiette actuelle, est fort irrégulier. Une année ou de disette ou de crise commerciale peut mettre le trésor impérial en déficit. Pour s'assurer une recette régulière et sûre en rapport avec ses dépenses, le gouvernement turc se propose de substituer à la dîme et aux autres impôts sur le revenu, un impôt sur les propriétés, et en même temps de remplacer le système de l'affermage par celui de la perception directe. Ce changement de système doit augmenter le revenu d'environ 150 millions de piastres.

Pour couper court aux dépréciations successives de sa monnaie et régler le cours des changes avec l'Europe, la Porte institua, le 28 octobre, à Constantinople, sous la direction de deux négociants de cette place, une banque d'escompte au capital de 25 mil

lions de piastres, chargée de fournir au commerce toutes les lettres de change sur l'Europe, au taux de 110 piastres pour la livre sterling, sous la garantie du gouvernement turc.

Enfin, la nouvelle administration de la douane de Constantinople entra en exercice avec l'année financière : le gouvernement trouverait à cet établissement un bénéfice net de 23 à 24 millions de piastres turques. Ce système serait plus tard généralisé et appliqué à toutes les échelles.

Principautés danubiennes. L'empressement de la Russie à évacuer les Principautés, dès que tout danger de complications graves eut disparu en Europe, montra que son protectorat n'est pas pour elle un prétexte pour peser sur l'administration de ces provinces. Les choses étaient donc rentrées, à la fin de l'année, dans l'état où elles étaient avant l'agitation révolutionnaire de 1848, et toute occupation avait cessé, sauf les conditions provisoires dans lesquelles étaient placées les principautés, d'après les clauses du traité de Balta-Liman.

L'administration valaque fut modifiée à la fin de septembre. Le nouveau ministère choisi par le prince Stirbey se composait de MM. Chcresco, aux Finances; Argyropoulo, à la Justice; Jean Mano, secrétaire d'Etat ; Jean Otétéléchano, contrôleur général, et Georges Philippesco, au ministère de l'Intérieur. Ces choix furent favorablement accueillis par l'opinion publique.

Le divan général de Valachie poursuivait régulièrement le cours de ses travaux; il adopta une loi qui, complétant les dispositions du règlement organique, régularisait les conditions des commerçants, les partages en diverses classes ou catégories distinctes qui paieraient annuellement un droit proportionnel de patente, et jouiraient de quelques-unes des prérogatives des boyards. Cette Assemblée s'occupait de le discussion du Code criminel, dont le projet, élaboré par nne commission spéciale, avait été soumis par le gouvernement à ses délibérations. Ce Code, à l'instar du Code de commerce en vigueur en Valachie, était calqué sur le Code français, dont il avait été traduit avec les modifications voulues. La création d'un nouveau département, celui des Travaux publics, qui formait jusqu'à présent une section relevant du ministère de l'Intérieur, et la nouvelle organisation de l'enseignement public for

maient l'objet de l'attention du gouvernement, et seraient bientôt soumises aussi à l'Assemblée.

L'ouverture du divan général de Moldavie eut lieu sous la présidence de M. le grand logothète Constantin Stourdza, ministre de l'Intérieur. Ce divan servit de base à celui de la Valachie.

ÉGYPTE.

Ce sont encore les conséquences du hatti-chérif de Gul-Hané, qui constituent, pour l'Egypte, la question politique la plus grave. Le divan insiste pour l'application du tanzimat à l'Egypte : AbbasPacha, attaché aux anciennes coutumes, objecte, avec quelque apparence de raison, qu'une révolution aussi complète dans les mœurs politiques du pays qu'il gouverne ne pourrait se faire sans péril. Il est juste de reconnaître que le divan n'insiste pas pour une application radicale des principes nouveaux.

Des réformes nombreuses ont été tentées, depuis la mort d'Ibrahim-Pacha, par son successeur, le vice-roi actuel, Abbas-Pacha, pour diminuer, en Egypte, les misères et les charges des fellahs (cultivateurs), et pour rendre la vie meilleur marché. C'est ainsi que le ferdé, imposition personnelle, a été dégrevé de 6 millions de francs, que les droits des terrains, ceux sur la viande et les objets de première nécessité ont été sensiblement abaissés.

C'est à ces changements dans le système suivi jusqu'alors qu'il faut attribuer un remaniement assez important dans l'administration. Artin-Bey, à la fois ministre du Commerce et des Affaires étrangères, fut enlevé au premier de ces deux postes. Au mépris des traités de commerce avec les puissances étrangères, il s'efforçait de rétablir, au profit de quelques-uns, l'ancien monopole aboli au profit de tous; les enchères des produits du sol appartenant à l'Etat, les adjudications des travaux à entreprendre et des fournitures de toute espèce à faire exécuter en Europe, avaient cessé d'être libres; c'était un coup porté au commerce entier d'Alexandrie et du Caire. L'opposition d'Artin-Bey survécut à la mesure qui l'atteignait le vice-roi dut lui retirer également les Affaires étrangères. Stephan-Bey, ancien directeur de l'Ecole égyptienne à Paris, fut appelé aux Affaires étrangères, et Edhem

Pacha au Commerce. Ce dernier avait été ministre de l'Instruction publique sous Mehemet-Ali.

Une tranquillité profonde régnait, du reste, en Egypte : la situation générale s'améliorait légèrement; les valeurs émises par le Gouvernement étaient frappées d'un discrédit moins sensible; elles perdaient naguère jusqu'à 25 et 28 p. 010, et trouvaient maintenant des preneurs de 8 à 10. L'agriculture aussi était dans une position meilleure. Malheureusement, cette année, les eaux du Nil, quoique ayant atteint une assez grande hauteur, avaient baissé rapidement, et il était à craindre que beaucoup de terres n'eussent pas été suffisamment fertilisés.

CHAPITRE VI.

Agression anglaise, l'amiral Parker à Athènes, demandes d'indemnités, réclamations et exigences inouïes; mesures coercitives, blocus; protestations du ministre de France; demande d'explications à Londres, acceptation des bons offices de la France, retard calculé d'un courrier; continuation des violences, honorable attitude du peuple grec; note russe; M. le baron Gros à Athènes, négociations inutiles; convention couclue à Londres; redoublement de rigueurs à Athènes, menace de bombardement, acceptation de l'ultimatum; maintien de la convention d'Athènes, rappel de l'ambassadeur français; retour à la convention de Londres; résultats de la politique anglaise. ministérielle, projet de loi de régence, ouverture des Chambres.

Crise

GRÈCE.

Toute l'histoire de ce pays est dans l'agression inouïe tentée par une puissance de premier ordre, la Grande-Bretagne, contre une nation incapable de résister, qui n'a été fondée, qui ne vit que par l'appui de l'Europe.

Le 16 janvier, le vice-amiral anglais Parker, arrivé depuis la veille dans le port d'Athènes avec une flotte qui comptait quinze bâtiments, présenta, de concert avec le ministre d'Angleterre, M. Wyse, à M. Londos, ministre grec pour les relations extérieures, une série de réclamations pour lesquelles il exigeait une satisfaction complète dans les vingt-quatre heures. Si on n'y faisait pas droit, une fois le délai expiré « on commencerait à agir, et les conséquences de ces actes seraient très-graves pour la Grèce. » Il s'agissait de payer une première indemnité de 44,000 drachmes à un certain Finlay, ancien propriétaire exproprié du terrain sur lequel avait été construit le palais du roi.

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