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décapité aussitôt après sa destitution. Le duc de Saldanha réclamait donc d'être traduit devant un conseil de guerre. Le comte de Thomar fit répondre au duc, par le ministre de la Guerre, qu'il n'existait aucune charge contre lui, mais que la reine, comme les simples particuliers, avait le droit de renvoyer ceux de ses domestiques qui n'avaient plus sa confiance. Le duc de Saldahna fit imprimer la correspondance échangée entre le ministre et lui, en y ajoutant une préface dans laquelle il rappelait tous ses services, accusait le comte de Thomar de corruption et de vénalité, et annonçait l'intention de demander aux Chambres sa mise en accusation. Le comte de Thomar répondit à ce pamphlet en faisant retirer au duc ses fonctions de membre du tribunal militaire suprême et de chef de l'état-major du mari de la reine.

Pour comprendre la hardiesse de cette conduite du comte de Thomar, il faut se rappeler que, depuis quinze ans, le Portugal est à la merci de trois ou quatre chefs militaires auxquels il a toujours suffi de se coaliser pour renverser le Gouvernement. Un ministère n'a de chances de durée que lorsqu'il a l'appui d'un ou deux de ces condottieri. Le comte de Thomar avait déjà été chassé une fois du Portugal pour avoir essayé de lutter contre le despotisme militaire. Il recommençait aujourd'hui cette entreprise périlleuse, sans qu'il fût possible de savoir si elle avait cette fois plus de chances de succès.

Le lendemain de sa destitution, le duc de Saldanha, en grand uniforme, et suivi de son aide-de-camp, se promena à cheval dans Lisbonne, passant et repassant devant les casernes dans l'espoir de décider une manifestation militaire en sa faveur. Mais le Gouvernement était sur ses gardes, et plusieurs colonels suspects avaient été remplacés par des hommes dévoués au comte de Thomar. Le commandement militaire de Lisbonne avait été enlevé au vicomte de Fonte-Nova, et avait été confié au duc de Terceire, autre chef militaire influent, qui refusait son appui à la coalition. Les troupes reştèrent, pour cette fois, calmes et fidèles.

La seule loi importante votée dans la session est une loi répressive des abus de la presse. Elle fut approuvée à la Chambre des députés par 68 voix contre 18.

Les relations extérieures du Portugal commençaient à se mul

tiplier et le Cabinet Thomar suivait l'exemple des administrations voisines, curieuses d'établir entre elles des rapports plus fréquents et plus avantageux. Vers la fin de l'année précédente avait été signé, avec le Danemark, un traité portant que le pavillon portugais serait considéré, dans les eaux du Sund, comme celui de la nation la plus favorisée, le pavillon danois devant jouir des mêmes avantages dans les ports du Portugal. Par une autre convention avec la Russie, le Gouvernement portugais avait obtenu què les marchandises importées dans les ports de la Russie sous pavillon portugais, fussent exemptées du droit de 50 p. 010, que fixait le tarif général des douanes, et que les navires portugais fussent affranchis du droit différentiel qu'ils payaient dans les ports de cet Empire à titre de tonnage. La réciprocité était accordée au Gouvernement russe.

Le 22 juin 1850, une convention postale fut signée entre le Portugal et l'Espagne. Désormais les lettres ordinaires, les journaux, gazettes, prospectus, catalogues, annonces et avis imprimés et lithographiés, et les cartes d'échantillons, envoyés respectivement d'Espagne et des îles Baléares et Canaries, en Portugal, aux Açores et à Madère, ou de ces pays en Espagne et aux îles précitées, seraient expédiés sans affranchissement préalable, et payeraient le port en entrant dans les bureaux de la nation où ils seraient adressés. Le port des lettres ordinaires dont le poids n'excéderait pas un quart d'once espagnole, ou deux huitièmes. d'once portugaise serait de 1 réal de vellon en Espagne et de 45 reïs en Portugal. Celles qui excéderaient ce poids sans dépasser une demi-once espagnole ou quatre huitièmes d'once portugaise, payeraient 2 réaux de vellon en Espagne et 90 reïs en Portugal. Celles qui excéderaient ce poids sans dépasser une demi-once espagnole ou quatre huitièmes d'once portugaise, payeraient réaux de vellon en Espagne et 90 reïs en Portugal, et ainsi de suite, en ajoutant 1 réal de plus en Espagne et 45 reïs en Portugal, par chaque quart d'once espagnole et chaque deux-huitièmes d'once en Portugal.

Une difficulté peu sérieuse au fond était, depuis longtemps, pendante entre le Portugal et les États-Unis. Au mois de septembre 1814, un corsaire américain, le General-Armstrong, avait

été brûlé par les Anglais, sous les murs de Fayal, port neutre appartenant au Portugal, et possédant un fort, mais démantelé et incapable de résistance. Ce vieux grief avait été maintes fois rappelé par le commandant du corsaire américain, et, en 1814, le gouvernement des États-Unis avait eu la loyauté de se refuser à toute intervention pour ce motif. Mais l'exemple donné en Grèce par l'Angleterre venait de montrer aux États-Unis le parti qu'on peut tirer des vieilles créances. Aussi, le gouvernement de l'Union adressa-t-il, tout à coup, au gouvernement portugais une sommation, avec ultimatum, d'avoir à payer environ 2 millions d'indemnité au commandant du General-Amstrong. On pouvait espérer que le gouvernement de l'Union américaine ne pousserait pas jusqu'à des hostilités sérieuses cette réclamation bizarre. L'affaire fut remise à l'arbitrage de S. M. le roi de Suède.

Le différend plus grave qui, l'année dernière, avait fait couler le sang à Macao, se termina d'une façon pacifique. A la suite du meurtre du gouverneur de Macao, M. Do Amaral (voyez l'Annuaire précédent, p. 645), les Portugais avaient capturé trois soldats chinois qu'ils refusaient de délivrer avant que les autorités chinoises eussent restitué la tête et la main que les meurtriers avaient séparées du corps de l'infortuné gouverneur. De leur côté, les mandarins déclaraient qu'ils ne consentiraient pas à la restitution demandée, avant la délivrance des trois prisonniers. Cette situation aurait pu, comme on pense, se prolonger fort longtemps, et on sait que les Chinois sont, de leur nature, très-patients. L'échange eut lieu pourtant le 16 janvier. Le commissaire impérial de Canton transmit au conseil de Macao les documents constatant que les auteurs du meurtre de M. Amaral avaient été découverts par la police et qu'ils avaient reçu leur châtiment.

CHAPITRE X.

Politique intérieure ·

Situation générale, prospérité croissante, ex cédant financier; moyen de l'employer, propositions ministérielles, réclamations nombreuses; les partis politiques, échecs du ministère, dégrèvements; attentat contre la reine, mort de sir Robert Peel. Réforme électorale, motion

Hume.

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- Protectionistes et free-traders, motions Cobden et Drummond. Réforme des lois de navigation.

Politique extérieure. - Vote, à la Chambre des lords, d'une motion de blâme contre le ministère, échec moral à la Chambre des communes; le free-trade et la politique agressive.

Questions religieuses. Bulle papale établissant la hiérarchie catholique, le cardinal Wiseman et lord John Russell, fanatisme anglican, désordres à Birkenhead. Admission des juifs dans le parlement, question tournée et remise.

Irlande.

Facilités accordées à la propriété, extension de la franchise électorale, agitation religieuse, l'éducation mixte.

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CHINE.-Mort de l'empereur Tao-Kwang, avénement de l'empereur Yih-Tchou. Révoltes dans les provinces.

GRANDE-BRETAGNE.

Tandis que pour la plupart des États européens, les expériences révolutionnaires aboutissaient à d'énormes déficits, l'Angleterre présentait le spectacle unique d'une nation diminuant toutes les taxes qui pèsent sur les objets de consommation populaire, ouvrant ses ports et ses lignes de douane aux produits du monde entier. On la voyait, en Irlande, remanier les lois qui régissent la

propriété, et intervenir en toute sécurité dans les conventions entre le propriétaire et le fermier.

L'année financière présenta un résultat magnifique.

En résumé, les dépenses de cette année étaient restées de 1,600,000 livres sterling au-dessous des estimations ministérielles, et les recettes avaient dépassé toutes les prévisions. Il en résultait que l'année finissant le 5 avril 1850, se solderait par un excédant de recettes de plus de 50 millions. A quelle industrie, à quel grand intérêt profiterait cette situation: De toutes parts on réclamait des dégrèvements. L'agriculture demandait l'abolition des droits sur la drêche, les journalistes et les libraires celle du timbre, les armateurs celle du droit sur les bois de construction; d'autres voulaient faire disparaître les droits sur le thé, ou ceux sur les fenêtres, ou la taxe sur les professions de médecin et d'avocat.

Le chancelier de l'échiquier repoussa, par une fin de non recevoir, toutes les suppressions d'impôts qui auraient eu pour effet de dépasser l'excédant actuel ou l'excédant futur; il avait entrepris de faire une part à tous les intérêts. Il commençait par affecter 50 millions à faire en Angleterre et en Écosse des avances à l'agriculture pour répandre la pratique des asséchements (drainages), et multiplier les défrichements; 25 millions recevraient le même emploi en Irlande, savoir : huit dixièmes en asséchements et les deux autres dixièmes en améliorations diverses. Voilà la part de l'agriculture. Voici celle de la propriété. On diminuerait considérablement les droits de timbre qui grevaient le transfert de la propriété immobilière pour toute propriété n'excédant pas 1,000 liv. st. Le but de cette mesure était de faciliter aux classes inférieures l'acquisition de la propriété. La taxe serait égalisée pour les propriétés d'une valeur plus considérable. Le même principe serait appliqué au droit de timbre qui grevait l'enregistrement des baux et des hypothèques. Enfin, dans l'intérêt des classes laborieuses, on supprimerait complétement le droit sur les briques, qui rendait plus coûteuses les habitations destinées au peuple, et obligeait une partie de la population à se contenter de maisons bâties en crépi, et bientôt humides et insalubres. Ces réductions et ces suppressions d'impôts absorberaient une moitié

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