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envers les femmes, et la reconnaissance que nous lui devons. Avant la révolution, nous étions restées dans l'oubli, réduites aux occupations de notre ménage et à l'éducation de nos enfans; nous étions privées des bienfaits des lois. Nous demeurions dans une avilissante obscurité, en supportant avec peine le sentiment de notre dégradation. Mirabeau fit connaître le bonheur de la liberté, et recouvra les droits de l'homme égarés. Au même instant, le bandeau qui nous cachait la vérité se leva. Nous sommes devenues, à la parole de ce grand homme, des citoyennes libres, etc. »

Mirabeau n'était cependant pas disposé à faire beaucoup en faveur des droits des femmes. Il était de ceux qui les veulent pour leur plaisir et leur utilité. Rien de plus. Il les confine, comme les autres, sous le toit paternel. « La femme, dit-il dans. son grand travail sur l'éducation publique (pages 39 et suivantes), doit régner dans l'intérieur de sa maison; mais elle ne doit régner que là. Sa juridiction n'en est pas pour cela moins étendue; son époux la considère autant qu'il la chérit ; il la consulte dans les occasions les plus difficiles; ses enfans ont pour elle la soumission la plus tendre et la plus religieuse; elle maintient la paix parmi ses proches et ses voisins; elle verse autour d'elle les avis salutaires avec les aumônes et les consolations, etc. Ainsi, en interdisant aux femmes l'entrée des assem

blées publiques,où leur présence occasionne des désordres de plus d'un genre, en les écartant des fonctions politiques qui ne leur conviennent sous aucun rapport, je regrette beaucoup qu'on ne les ait point admises au conseil de famille, dont elles me paraissaient devoir être l'âme, et que l'on n'ait pas saisi cette occasion pour établir les différences sociales des hommes et des femmes dans un ordre de choses conforme à l'admirable plan de l'auteur de l'univers...» Plus loin Mirabeau promet de nouvelles vues pour amalgamer et fondre plus rapidement les habitudes des deux sexes dans l'esprit des lois nouvelles, et pour diriger vers le patriotisme l'influence de celui des deux qui restera toujours, dit-il, en possession d'attacher un attrait puissant aux goûts qu'il inspire et qu'il partage. »

Mirabeau avait l'air, comme on voit, de faire une belle part aux femmes; mais le seigneur savait leur dorer la pilule, et tout en les flattant, comme dit un vieux poète grec :

Le Dieu leur retranchait la moitié de leur âme.

ROSE LACOMBE.

Encore une émule des Thalestris et des Penthésilée! un de ces noms qu'on ne prononce pas sans avoir en même temps devant les yeux quelque héroïne assise sur l'affût d'un canon, la pique ou le sabre à la main, quelque matamore femelle à dire aux tyrans, comme Thomyris au roi des Perses, en lui plongeant la tête dans une outre pleine de sang: Rassasie-toi, barbare! Une femme enfin qui certes aurait mérité pour elle-même le surnom d'Éorpates, c'est-à-dire avide du sang des hommes, qu'Hérodote prétend avoir été donné aux ama

zones.

De notre temps, qu'une femme se sente l'humeur tant soit peu guerroyante, à peine le préjugé lui permettra-t-il, comme à la comtesse de Saint-Balmont, de proposer un rendez-vous d'honneur sous le déguisement et sous le nom d'un cavalier, pour venger un outrage les armes à la main. Mais alors, de combien peu de chance une héroïne aurait été favorisée si elle n'eût pas trouvé sous sa main quelque bouche de canon à braquer, ou quelque bon coup d'estoc à distribuer ! Il est cer*tain que c'était une faculté de plus dont le champ s'ouvrait aux dames. Or, précisément, la liberté est en raison composée de celles qu'on peut déployer à loisir.

Rose Lacombe était fort jolie, assure un témoin oculaire (l'auteur de l'Histoire du Tribunal révolutionnaire, tome II, page 130). On ne sait quel fut son pays. Vouée au théâtre de bonne heure, elle s'était acquis dans les provinces une assez brillante réputation, lorsqu'elle vint à Paris, à peine âgée de vingt-deux ans, en 1789, au fort de la tourmente révolutionnaire. Notre jeune aventurière y fut saisie de l'apparition d'un drame réel, auquel nul de ceux où elle avait figuré n'était comparable, d'un drame où le souffle populaire détrônait les rois, renversait les châteaux forts, et faisait un décombre de priviléges, de titres et de préjugés, à ne plus s'y reconnaître. Là le peuple avait pour

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