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vier 1835, ayant conservé jusque dans les derniers temps une grande partie de sa beauté. »

Sa tombe eut à gémir d'un procès débattu entre ses nombreux enfans. Trois d'entre eux, dont deux nés pendant son mariage avec Tallien, et le troisième conçu avant le divorce, demandèrent la rectification de leur acte de naissance, où ils n'étaient portés que sous le nom de Cabarrus, fils de mademoiselle Cabarrus non mariée, s'étant abstenus, sans doute pour ne pas affliger leur mère, de réclamer de son vivant. Mais les trois jeunes princes de Chimay, leurs frères utérins, intervinrent avec leur père, le comte Joseph, pour s'opposer à cette rectification, sous le prétexte que ce n'était, pour les premiers, qu'un moyen de se créer des successibilités futures et des parentés exploitables. De telles imputations furent vivement repoussées par le ministère public, dont l'énergique réquisitoire censura les trois jeunes princes; et le jugement du 27 septembre 1835 les flétrit pour avoir formé une demande dont le succès aurait eu pour résultat de déshonorer la mémoire de leur - mère; et, attendu que Tallien était mort sans avoir désavoué les enfans dont il s'agit, et qu'il était établi officiellement par le Moniteur que, pendant l'expédition d'Égypte, il avait fait plusieurs voyages en Europe, et qu'ainsi le rapprochement des époux avait été possible, le tribunal ordonne la

rectification. Tel fut le procès des sept enfans d'une femme célèbre, dont l'histoire de notre temps s'empare, non pas sous les titres fastueux de marquise de Fontenay, ou de princesse de Chimay, mais bien sous le nom beaucoup plus national de madame Tallien, qui lui reste en dépit des décisions de Loyola, et dont elle n'a pu elle-même effacer l'indélébile popularité.

NOTE.

Madame de Fontenay aimait beaucoup à faire des harangues. Une autre fois, s'il faut en croire madame d'Abrantès, elle s'amusa à composer un sermon sur des matières abstraites, qu'elle récita dans l'église des Récollets à Bordeaux, en habit d'amazone, gros bleu, boutons jaunes, collet et paremens de velours ronge, ses beaux cheveux noirs coupés à la Titus, et bouclés tout autour de la tête, bonnet en velours écarlate, bordé de fourrure et un peu de côté. Elle était ravissante. Selon la même narration, deux généraux se battirent pour elle, et la chance tourna en faveur du vaincu. La blessure qui n'avait fait qu'effleurer le cœur du beau Lam...th traversa celui de sa belle idole. Il fut heureux. Son rival, qui avait brûlé de feux illicites (les mêmes que ceux de la sœur de Réné), alla se faire tuer à l'armée. (Mém., t. II, p. 45 et 46.)

ASPASIE CARLEMIGELLI.

Aspasie n'est qu'une transparence d'impressions révolutionnaires, une fibre qu'on fit mouvoir, un clavier qui rendit les sons; elle ne fut rien par elle-même; elle fut quelque chose comme jouet d'un souffle ou reflet d'un incendie.

Elle naquit à Paris en 1778, fille d'un coureur de la maison du prince de Condé. Ses premières années furent exaspérées par les mauvais traitemens que lui infligea sa mère, et qui lui inspirèrent contre elle une telle aversion, qu'elle n'en parlait jamais qu'avec des mouvemens convulsifs.

Elle eut une existence affreuse. Ses parens, dès

l'enfance, l'abandonnèrent. Réduite pour vivre à l'état de domesticité, elle conçut de bonne heure une passion tellement violente, que sa raison en fut troublée, et qu'elle en fit une maladie mortelle. On la crut folle, et les médicamens qu'on lui donna `achevérent de jeter le désordre dans ses idées. Une sorte d'esprit de vertige dont on dit que toutes les actions de sa vie furent empreintes s'empara d'elle; elle fut renfermée à l'hospice des aliénées. Voilà comment les abords de la vie se montrèrent à cette misérable fille.

Quelquefois une malheureuse s'exhale en plaintes si amères contre l'excès des maux qui l'accablent, et se révolte avec tant de fureur, à la vue des misères dont le sort la menace, qu'on lui croit le cerveau dérangé, et qu'on ne daigne pas prendre la peine de vérifier si c'est douleur ou démence.

Les symptômes chez Aspasies, dit l'auteur des Procès fameux, se montrèrent rarement, et n'inspirèrent aucune crainte. Dans les plus fortes crises, elle conservait une espèce de bon sens, et les médecins qui la traitaient furent tellement rassurés, qu'ils lui confièrent la garde des autres aliénées. Cela touche de bien près à l'état de raison.

Il paraît qu'elle obtint sa liberté; mais ce fut pour la perdre de nouveau, en 1793, convaincue d'avoir tenu des propos inciviques. Elle fut bientôt relâchée; mais on lui avait volé le portefeuille où

se trouvait le peu qu'elle possédait. Lasse d'une vie qui lui était odieuse, elle alla par les rues dans la nuit en poussant les cris de vive le roi! Elle ne put réussir à se faire condamner; elle fut acquittée à la chambre du conseil.

Dénuée de tout secours, n'en pouvant obtenir aucun de sa mère, ce fut contre celle-ci que se tourna sa rage aveugle; elle la dénonça comme contre-révolutionnaire, au risque des suites terribles qui pouvaient en résulter; mais, après des visites et des perquisitions, il fut reconnu que rien n'était fondé, et qu'Aspasie n'avait été poussée le sentiment d'une atroce vengeance. Cette que par fois au moins, ces terribles juges ne se rendirent pas complices d'un crime affreux, et, grâce à leur mansuétude, la vie d'Aspasie n'en fut pas souillée. On a de fortes raisons de croire que, dès lors, elle se rejeta avec frénésie du côté des chefs du terrorisme, qui semblaient ne lui offrir que douceur, défense et protection, tandis qu'elle n'avait trouvé dans la société, et parmi sa propre famille, que persécution et que haine. Elle devint, à n'en pas douter, fanatique de Robespierre, dont la chute laissa dans son esprit des traces qui devaient, plus tard, faire explosion. Suivons les événemens jusqu'à sa réapparition au milieu des scènes révolutionnaires.

Ceux qui firent le 9 thermidor n'avaient certes

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