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saint-père et saint Barthélemy! mort aux Français!

En Angleterre, autant notre levée de boucliers contre les rois déplut au cabinet de Saint-James, autant elle fut applaudie par le parti de l'opposîtion. La société instituée en commémoration de la révolution de 1688, présidée par lord Stanhope, chargea son secrétaire, le docteur Price, de rédiger une adresse de félicitations à l'assemblée constituante, qui exprima combien elle était flattée d'un pareil témoignage. « Vous avez ouvert le chemin à une réformation générale des gouvernemens de l'Europe, disait cette adresse, et vous avez frayé la route à la liberté et au bonheur du monde. »

L'alarme se répandit au cabinet de Londres, qui, de concert avec les orgueilleux torys, choques de voir attaquer leurs priviléges, fit jouer les ressorts de la plus astucieuse politique, pour étouffer le foyer d'où partaient les nouveaux rayons qui venaient frapper ses yeux trop faibles pour en soutenir l'éclat.

Profiter de nos troubles pour s'emparer de nos colonies fut sa première idée. Il crut le moment opportun pour soulever la question de la traite des negres, contre laquelle ne devait pas manquer de s'élever un peuple comme le nôtre, dans un premier élan de liberté; et pour semer par ce moyen la división entre les colons de Saint-Domingue et les noirs, auxquels il fournit des armes et dont il

favorisa la révolte contre les blancs. On connaît les cruels résultats de cette désastreuse tactique, le massacre de nos colons, et le débarquement des Anglais, qui ne tardèrent pas à s'emparer, à force de ruses et de fourberies, de la Martinique, où ils commirent d'affreuses barbaries contre les Français qui étaient restés fidèles à la république,

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D'un autre côté, le cabinet britannique avait excité la Turquie à une guerre dangereuse contre les Russes, en lui promettant des secours qu'il ne lui donna jamais. Dans sa détresse, la Sublime Porte s'adressa à la France, son alliée, pour obtenir un renfort de troupes. C'était là où l'Angleterre voulaitsen venir. Nous avions trop d'affaires sur les bras pour nous occuper des intérêts musulmans, et nous perdîmes ainsi notre crédit dans le Le

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Le nabab de Mysore, Tippo-Saëb, brûlant de secouer le joug des Anglais dans l'Inde, avait envoyé des ambassadeurs à Versailles, pour déterminer la cour à soutenir ses projets. L'Angleterre en fit une querelle à ce prince, lui déclara la guerre, le contraignit à des traités honteux, et prit de là occasion de ruiner nos possessions dans l'Inde.

A Londres, on déclara au marquis de Chauvelin, ambassadeur français, que, depuis le 10 août, l'Angleterre ne voulait plus avoir de communications avec les ennemis des rois, qu'on ne reconnaissait plus

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ses pouvoirs, et qu'il eût à sortir du royaume dans les huit jours. Il part; mais on l'arrête à Douvres ; et on ne le relâche qu'après lui avoir, contre toute espèce de droit des gens, arraché ses dépêches. Le docteur Priestley, l'un des apôtres les plus ardens de la révolution de France, présidait les sociétés chargées d'en répandre les principes en Angleterre, et, à ce titre, s'était attiré les haines de tous ceux qui avaient fondé leurs jouissances ou leur pouvoir sur l'ignorance, la corruption ou l'aveuglement du peuple. Ils l'en punirent en lançant à Birmingham, où il demeurait, des hordes d'assas sins, qui pillèrent sa maison et incendièrent sa bibliothèque. Le célèbre Burke fit même au parlement l'apologie de ces violences, et peignit sous les couleurs les plus noires les sectes, d'unitaires, de sociniens et de réformistes, qui jetaient le désordre parmi les peuples.

Bientôt les hostilités prirent une couleur plus tranchante. La flotte anglaise fit feu sur nos vaisseaux amarrés au port de Gènes, et qui avaient refusé de hisser le pavillon blanc, en coupa les câbles, et tua un grand nombre de matelots; elle força le grand-duc de Toscane à déclarer la guerre à la France, en menaçant de brûler Livourne s'il s'y refusait. La Suisse reçut des injonctions semblables. La Corse expulsa les Français de son territoire, et secoua leur joug pour subir celui de

l'Angleterre. Beurnonville et les quatre députés livrés par Dumouriez, vendu au cabinet britannique, furent jetés dans les prisons de l'Autriche. L'ambassadeur de France reçut ordre de sortir du royaume de Hollande; même intimation à nos ambassadeurs en Portugal et à Naples. On prit partout la résolution d'arrêter les agens de la république, en quelque endroit qu'on pût les saisir. Un cri d'anathème universel retentit contre nous; on nous traita d'infidèles, d'ennemis de Dieu; on jura un pacte d'alliance et d'extermination contre la race abominable qui arborait le drapeau de l'indépendance, et déposait ses rois.

Un vaste plan fut combiné pour diffamer dans le monde entier la nation française, et pour la faire prendre en horreur. Ce ne fut pas assez : on organisa contre elle un système de famine dans l'année de disette, où elle était obligée de quêter des grains de tous côtés. Les bâtimens chargés de blé, qui se dirigeaient, de la Baltique ou des États-Unis, vers nos ports, étaient arrêtés et soumis à un séquestre ou à un embargo. Des secours étaient incessamment fournis à la Vendée, pour la soutenir dans sa révolte contre le gouvernement. On refusa de recevoir nos assignats, et pour répandre la perturbation dans le crédit public et dans nos finances, on en fabriqua en Angleterre de faux qu'on infiltra dans la circulation.

Tant d'outrages et d'agressions accumulés forcèrent la république à déclarer ou plutôt à constater la guerre avec des ennemis si acharnés. Alors le cabinet de Saint-James conçut la possibilité de s'emparer de toute la puissance maritime de la France. Les ports de Dunkerque, de Toulon et de Brest, étaient l'objet de ses convoitises. Mais il comptait plutôt sur la corruption et l'intrigue, que sur la force, pour venir à bout de les envahir. Au nord, son premier essai ne fut pas heureux. Le duc d'York fut battu honteusement sous les murs de Dunkerque. Une incandescence de royalisme embrasait le Midi; et à Toulon la trahison réussit mieux. Cette ville ouvrit son port, où l'on vit entrer à pleines voiles une escadre de quatorze mille Anglais, Napolitains, émigrés, Allemands, Piémontais et Portugais. Mais ce fut le rêve d'une conquête. La république s'émut, et n'eut besoin que de se montrer pour chasser de Toulon ces hordes d'esclaves, qui, en fuyant, mirent le feu à l'arsenal, et firent un horrible incendie de la ville qu'ils n'avaient pu garder. Ils repoussèrent avec barbarie les habitans de Toulon qu'ils avaient embauchés, et qui les suppliaient de les prendre sur leur bord, pour éviter le châtiment dû à leur rébellion. Il en fut de même à la défaite de Quiberon, où se brisèrent les derniers efforts de l'escadre anglaise, qui abandonna encore au massacre, malgré ses promesses, les mal

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