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M. Desmoulins père, dans une lettre à son fils qui menace de se venger de ces outrages, lui donne le conseil de mépriser la sanie et la bave de ces folliculaires, dont ils finissent par s'empoisonner eux-mêmes. (Voyez Correspondance inédite, page 105.)

OLYMPE DE GOUGES.

Celui qui se rappelle avoir vu passer, au commencement de cet ouvrage, la physionomie calme, tranquille et posée, mais fine et expressive, de madame Necker, bien que le plus souvent cachée derrière le rideau et presque inaperçue; et qui jette en ce moment un coup d'œil sur celle de la fougueuse Olympe de Gouges, ne pourra s'empêcher d'admirer leur jeu divers. Madame Necker, pleine goût, de réserve, de justesse et aussi de pénétration vive, tout en ne recevant, comme elle le dit, que des rayons réfléchis qu'elle trouve plus doux pour sa vue, fait quelquefois plus avec un

sourire, avec un demi-mot, que l'autre avec sa véhémence, avec ses emportemens toujours effrénés et quelquefois sublimes. L'une est le raffinement de l'esprit le plus exquis, la mesure dans tout, la force dans la retenue; l'autre est l'explosion, le débordement et la provocation même. La première sait qu'on la devinera, parce qu'elle veut qu'on étudie ses impressions, qu'on épie sa pensée; elle ne fait donc pas d'efforts; on écoute un signe, on entend un regard; un mot dit tout. Celle-ci, toute excentrique, a besoin de frapper, d'étonner, d'agir sur les masses par l'éclat de la voix, par la chaleur et la fougue du discours, par la puissance de l'élan et la rapidité des émotions; elle vous fait dévorer indifféremment les phrases les plus barbares et les conceptions les plus informes, à côté des périodes les plus magnifiques et des pages les plus entraînantes. On va en juger.

Marie-Olympe DE GOUGES naquit en 1755 à Montauban, d'une revendeuse à la toilette, selon plusieurs biographes, et d'un père célèbre dans la littérature, s'il faut l'en croire elle-même, mais dont le nom n'a point été révélé. On la prétendit fille de Louis XV (brochure de Léonard Bourdon). « J'avais des droits à la fortune et au nom d'un père célèbre, dit-elle dans son Testament politique, je ne suis point, comme on le prétend, la fille d'un roi, mais d'une tête couronnée de lauriers ; je suis la

fille d'un homme célèbre, tant par ses vertus que par ses talens littéraires. Il n'eut qu'une erreur dans sa vie, elle fut contre moi, je n'en dirai pas davantage.» (Voyez Compte moral rendu, tome II de ses œuvres.)

Son fils, dans une profession de foi que nous aurons l'occasion de citer, dit que du côté de sa mère, ses parens étaient laboureurs et fabricans de toile.

Dès l'âge de quinze ans, elle avait épousé un nommé Aubry, ancien maître traiteur à Paris, qui, ayant amassé quelque fortune, s'était retiré à Montauban, où la beauté de la jeune Olympe l'avait fixé. Restée veuve à seize ans avec un fils, et maîtresse d'une fortune d'environ soixante mille francs, elle vint à Paris dans la fleur de son âge, toute brillante d'imagination et d'attraits. Elle garda toujours, on ne sait trop pourquoi, son nom d'Olympe de Gouges. Il en fallait moins que le prestige d'une capitale enchanteresse pour agir sur cette tête méridionale. Avec ses idées aventureuses et romanesques elle fut bientôt jetée dans un tourbillon de galantes intrigues; elle devint l'âme de toutes les sociétés épicuriennes, et brigua l'honneur d'être nommée la Ninon du dix-huitième siècle. Elle aurait pu obtenir la même célébrité, dit M. Desessarts dans ses Procès de la Révolution, si les passions les plus ardentes et les plus impétueuses ne l'avaient pas flétrie de bonne heuré.

A cette époque (1771), une jeune reine amoureuse de fêtes était venue ranimer les plaisirs languissans d'une vieille cour usée de débauches. Versailles, Trianon, Marly étaient tour à tour le théâtre où ils se diversifiaient sous mille formes attrayantes. A Paris, on ne parlait non plus que des bals et des fêtes du Colysée, du Vauxhall, et surtout des concerts nocturnes du Palais-Royal, où tout ce qu'il y avait de beautés célèbres se rendait à l'appel d'une musique ravissante dont le jardin retentissait. Là, à la faveur de l'obscurité et sans l'incommodité du masque, dit un chroniqueur du temps, on en avait toute la liberté. On profitait de la facilité de l'incognito pour se livrer aux plus folles extravagances; c'était un pêle-mêle où les rencontres les plus piquantes restaient quelquefois ensevelies dans l'ombre du mystère, et souvent donnaient matière aux anecdotes les plus scandaleuses. (Espion anglais, tome II, page 73.) On y renouvelait le jeu du fameux Décampativos ou Roi de la fougère, qui eut tant de vogue à Versailles, et qui succéda aux délirantes soirées de la terrasse du château. A ce mot Décampativos, prononcé avec une emphase bouffonne, vous eussiez vu les couples impatiens prendre leur volée; mais il fallait revenir au bout du quart d'heure, sans quoi le Roi de la fougère prononçait une peine contre les délinquans. (Voyez Vie de Necker, par Marat.)

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