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enfants prennent place sur les mêmes bancs avec ceux de la bourgeoisie. Imitez donc les hommes des conditions plus élevées; au lieu d'affecter la rudesse en leur présence, rivalisez avec eux par la politesse et par l'urbanité du langage, et, croyez-m'en, mes amis, vous aurez achevé de renverser la barrière que vous croyez exister entre vous et les hommes des classes aisées, barrière que vous seuls maintenez encore 1. >>

Chaque classe de la société a ses princes, ses ducs, ses comtes et ses barons. Si ces titres ne sont pas conférés par le souverain, ils le sont par l'opinion publique à la vertu et au génie; et, c'est un titre moins vain que l'on ne pense que celui de prince de la science décerné à tel médecin ou à tel savant,

Notre respect est acquis aux grands noms historiques ainsi qu'aux illustrations nouvelles; mais nous nous en croyons dispensés envers un descendant de Charlemagne ou de Montmorency, s'il n'a rien fait qui le recommande à la reconnaissance de la nation.

Aujourd'hui, tout passe au creuset de l'analyse; chaque homme est une pièce de monnaie qui a son poids et son prix; il peut être surchargé de décora

1 Manuel de morale et d'économie politique.

tions et de titres, posséder la fortune d'un nabab: s'il n'a aucune valeur personnelle, s'il ne produit rien, il végétera dans l'obscurité écrasé par le souvenir de ses aïeux.

L'homme de science ou de génie, au contraire, dans quelque condition que le hasard l'ait fait naître, prendra la place assignée à son mérite malgré les obstacles qu'il rencontrera sur sa route. Nous sommes de l'avis de M. Th. de Bénazé : « De nos jours on ne dit plus : Noblesse oblige. La meilleure noblesse est celle du cœur; chacun ne croit plus relever que de sa conscience. Aussi, ce qui oblige, c'est le nom qu'on s'est fait, c'est la position qu'on occupe, c'est le rang qu'on a su conquérir. »

Pour nous renfermer dans le sujet que nous nous sommes tracé, ouvrez le livre des artisans illustres, ce livre d'or du travail; que voyez-vous? Des ouvriers qui, par une intelligence supérieure, se sont placés à la tête de leur industrie, qu'ils ont fait progresser, et, au bout de leur sillon, ont trouvé l'honneur, la considération et la fortune.

A la dernière Exposition, le gouvernement, en décorant des contre-maîtres et de simples ouvriers, répondait au vœu national qui, de jour en jour, tend à effacer toute démarcation entre les différentes classes de

la société, et confond tous les services rendus au pays dans un même sentiment de reconnaissance comme ils le sont dans l'unique symbole de la récompense.

La marche incessante du progrès et de la raison nous approche du moment où se réalisera cette formule de l'école saint-simonienne: A chacun suivant ses œuvres.

CHAPITRE VII.

LA MAITRISE.

LES LIVRES DE COMMERCE RÉgulièreMENT TENUS SONT INDISPENSABLES.

Notre cadre serait incomplet si nous ne nous occupions pas des ouvriers qui parviennent à s'établir. Ils n'en restent pas moins pour cela des travailleurs; ils sont fabricants ou petits commerçants. Quelques-uns, par suite de circonstances heureuses ou par le développement de leur intelligence, deviennent chefs de maisons importantes; mais c'est l'exception. Nous ne nous adressons qu'aux premiers.

A mesure que l'homme franchit un degré de l'échelle sociale, sa responsabilité s'accroît : tout avantage a ses obligations.

Il n'y a que l'impuissance et l'envie qui ne voient que du bonheur ou de la chance, pour nous servir du mot

consacré, dans le fait de celui qui arrive à la fortune. Sans doute, il faut du bonheur1, c'est-à-dire savoir profiter des événements favorables; mais il faut aussi de l'intelligence, du talent et de l'ordre dans l'administration de la maison, de l'économie dans les dépenses; il faut savoir surtout résister aux enivrements du bien-être et du luxe, qui tentent tous ceux qui passent de l'état précaire de l'ouvrier à la position plus large de l'homme établi. Il faut, sans vanité, relâcher ou même rompre avec des habitudes d'atelier ou de camaraderie pour en contracter d'autres, non plus honorables, mais mieux en rapport avec la nouvelle carrière que l'on veut parcourir.

Il ne suffit plus d'être un ouvrier habile, mais un commerçant, souvent même négociant; c'est, en général, par là que pèchent les industriels qui arrivent à la maîtrise. Ceux qui sont parvenus à des positions com

Les mots fortune et bonheur ne doivent être entendus que dans un 'sens relatif. Tel est riche avec 3,000 francs de rentes, lorsque tel autre est pauvre avec 25,000 francs. L'homme riche est celui qui mesure ses besoins à son revenu, et dont les désirs ne dépassent pas les ressources.

L'homme heureux est celui qui sait trouver dans la paix de sa conscience et l'accomplissement de ses devoirs, la félicité qu'il est permis de goûter ici-bas. Dans ces deux conditions. la fortune et le bonheur sont plus faciles à atteindre que l'on ne pense, et beaucoup, s'ils le voulaient, seraient riches et heureux.

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