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suffi à enrichir plusieurs personnes, ont souvent dû leur ruine, après de longues années commerciales, au manque d'ordre et de régularité dans la tenue des livres.

Voilà la cause qui généralement empêche l'ouvrier parvenu à la maîtrise d'arriver à la fortune.

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Il y a encore un autre écueil qui peut atteindre le commerçant dans sa prospérité, quelles que soient la prudence qu'il apporte dans ses affaires, la bonne administration de sa maison, l'économie de ses dépenses; cette cause de ruine, c'est la faillite d'un débiteur imprudent ou de mauvaise foi.

La faillite, qui, dans l'esprit de la loi, est la sauvegarde du commerçant malheureux, est souvent de nos jours le port où viennent s'abriter ceux qui ont cherché dans des entreprises hasardeuses ou des jeux de bourse, la réalisation d'une fortune trop lente à amasser en suivant le sillon commun; ceux qui, pour satisfaire une vie de plaisir et de désordre, ont abusé de la con

fiance qui leur était accordée, en vendant au-dessous du prix d'achat, faisant ainsi à des confrères honorables une concurrence déloyale, qui les prive de tout bénéfice et les conduit à leur ruine; ceux enfin qui organisent leur faillite comme une affaire et s'en font un moyen pour accroître leur capital, s'ils en ont un, ou pour s'en créer s'ils n'en ont pas.

Lorsque ce malheur arrive dans un commerce ou une industrie, ceux qu'il atteint sont tous animés d'une juste indignation, ils réclament contre l'auteur les peines les plus fortes. Mais aussitôt les billets remboursés et rentrés dans les portefeuilles, les lenteurs indispensables des opérations judiciaires apportent dans leur esprit un calme qui dégénère bientôt en indifférence. Des amis, des parents du failli, des créanciers qui veulent sauvegarder leurs intérêts, ou qui sont animés de sentiments bienveillants, viennent les visiter, et, après avoir paru partager leurs sentiments, finissent par leur faire adopter les leurs ; ils deviennent leurs mandataires, les représentent à toutes les opérations et votent pour eux au concordat.

C'est de cette manière que s'obtiennent les cinq sixièmes des concordats, cet acte important qui fait juger le passé d'un commerçant; l'absoudre, s'il a été imprudent ou léger; le relever et le soutenir, s'il a été

malheureux; le punir en le retranchant de la vie commerciale, s'il a été coupable.

Plus tard, quand le failli, remis à la tête de ses affaires, a payé ses dividendes, et qu'il étale un luxe insolent, ou quand il recommence le même train de vie qui doit nécessairement le conduire à une nouvelle catastrophe, les victimes se plaignent de la loi, qui est trop douce, des syndics qui ne prennent pas assez les intérêts des créanciers, quelquefois même des juges.

Eh bien ! il n'y a rien de juste ni de fondé dans ces récriminations, rien, si ce n'est la chose dont ils ne se plaignent pas, leur égoïsme et leur indifférence qui les a empêchés de ménager leurs intérêts et de venger la société, alors qu'ils en avaient le droit et que c'était leur devoir.

Je sais que le temps est précieux au milieu de la vie des affaires, et qu'il est quelquefois plus avantageux d'abandonner une créance douteuse dont le recouvrement exigerait des soins et des heures que l'on peut mieux employer. Il ne devrait pas en être ainsi des intérêts que l'on a dans une faillite, ce n'est pas seulement un intérêt privé que l'on a à défendre, c'est un intérêt social. Et, s'il est permis de faire bon marché du premier, il ne peut en être ainsi du second.

C'est par ce moyen qu'on extirpera du monde industriel, les intrigants, les joueurs, les débauchés, tous vivant aux dépens des gens honnêtes et laborieux, qui leur payent une prime sous le nom de remise et leur délivrent un brevet d'impunité en leur donnant un concordat.

Voyez quelle solennité la loi a apportée au vote du concordat! Quelle garantie serait donnée au commerce si ses représentants voulaient en profiter!

La faillite est un délit qui ne lèse pas seulement les intérêts particuliers, mais qui blesse l'ordre public; aussi, le failli est-il sur un banc de prévention, assisté de son défenseur, séparé de ceux qui, dans ces assises commerciales, remplissent les fonctions de jurés. Le syndic fait aux créanciers le rapport des faits, causes et circonstances qui ont amené la catastrophe; il les éclaire sur les opérations de toute nature qui se sont produites depuis le jour de l'établissement jusqu'à celui de la faillite, il leur donne son opinion et fait connaître les ressources présentes et à venir. Le failli lit ou fait lire les propositions de concordat qu'il soumet à l'assemblée; les créanciers peuvent l'interroger, discuter les propositions, les adopter, les modifier ou les refuser. Le juge-commissaire qui préside l'assemblée recueille les votes exprimés à haute voix, et prononce

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