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Ayant détaché quelques-uns des cristaux dont j'ai parlé, pour les soumettre aux expériences propres à en développer les caractères, j'ai trouvé que leur pesanteur spécifique était de 3,7, et qu'ils rayaient fortement le quartz et sensiblement le spinelle. De plus, en observant leurs fragmens à la lumière, j'y ai reconnu trois joints naturels perpendiculaires l'un sur l'autre. La cassure qui a lieu dans les autres sens est tantôt inégale et presque sans éclat, tantôt légèrement vitreuse. Les divers caractères que je viens de citer, abstraction faite du dernier, qui, en général, est trèsvariable, conviennent à la cymophane.

Mais pour mettre hors de doute le rapprochement déjà indiqué avec une grande vraisemblance par ces caractères, il fallait encore s'assurer, par l'observation des formes cristallines, que la molécule des cristaux dont il s'agit avait les mêmes dimensions que celle de la cymophane. La manière dont ces cristaux sont engagés dans le feldspath ne permettant pas d'en mesurer les angles ni même de reconnaître la forme à laquelle ils se rapportent, je suis parvenu à en isoler un qui offre assez de faces pour qu'il soit facile de suppléer à ce qui lui manque, et des fragmens de quelques autres à l'aide desquels j'ai déterminé les incidences de certaines faces qui étaient trop petites sur le premier pour se prêter à des mesures précises. La forme à laquelle j'ai été conduit, en partant de la molécule de la cymophane et dont on voit la projection (pl. VI, fig. 1), est celle d'un prisme à huit pans terminé par des sommets à quatre faces pentagonales. Elle

présente une nouvelle variété de cymophane dont le signe rapporté à la forme primitive

(fig. 2) est, M3G G3 T44, et à laquelle GT

M S T

f

j'ai donné le nom de cymophane dioctaèdre. Voici les mesures de ses principaux angles. Incidence de M sur T, 90a; de M sur s, 125d 16'; de Tsur s, 144 44'; de Msurf, 117a 56'; de T surf, 116 12'. Angles plans de l'hexagone M; ils sont tous de 120d.

Cette variété diffère de la cymophane annullaire (fig. 3), par l'absence des faces i, et en ce que les faces o, o, qui résultent de

la loi 4 sont remplacées A par d'autres faces f, f(fig. 1) dont l'exposant est la moitié du précédent.

La cymophane des Etats-Unis le cède de beaucoup à celle du Brésil, par les qualités qui rendent une pierre propre à être taillée pour l'ornement, comme la transparence, l'éclat et l'agrément de la couleur. Elle ne pourrait passer dans le commerce qu'autant qu'on en trouverait des cristaux doués de ce genre de perfection qui a fait donner à la cymophane du Brésil, par les lapidaires, le nom de chrysolithe orientale.

Les résultats de mes observations et de mes calculs, relativement à la détermination de la nouvelle variété que j'ai décrite plus haut, m'ont rappelé la comparaison que j'avais faite, dans mon Traité de Minéralogie (1), de la cymophane et du corindon. Comme la variété

(1) Tome II, page 425.

dont il s'agit ajoute de nouvelles analogies à celles que j'avais indiquées entre ces deux minéraux, j'ai cru qu'il ne serait pas inutile de revenir ici sur cet objet, et d'insister sur les caractères distinctifs, qui font disparaître l'espèce d'illusion que tendraient à produire ces mêmes analogies.

La pesanteur spécifique de la cymophane, qui est d'environ 3,8 dans la variété du Brésil, et de 3,7 dans celle des Etats-Unis dont le tissu paraît moins serré, se rapproche beaucoup de celle du corindon qui varie depuis 3,9 jusqu'à 4 à peu près. Les différences n'excèdent pas celles que présentent certains corps qui appartiennent évidemment à une espèce unique. La dureté est sensiblement la même dans les deux pierres. La forme du prisme hexaèdre régulier, que présentent quelquefois les cristaux de corindon, se retrouve dans la variété de cymophane (fig. 4) que j'ai nommée anamorphique. De plus, l'incidence de M surf, dans la variété dioctaèdre (fig. 1), et qui est, comme je l'ai dit, de 117° 56', établit une nouvelle relation entre les cristallisations des deux substances. Dans la variété de corindon nommée additive, et qui est représentée (fig. 5), si l'on fait abstraction des faces P, on aura un prisme hexaèdre régulier dont les arêtes autour des bases seront remplacées par des facettes r, r. Or l'inclinaison de ces facettes sur les bases o, est de 1194 13', c'est-à-dire, qu'elle n'excède que de 1°17' l'incidence de ƒ sur M (fig. 1). A la vérité, les facettes.r, r (fig. 5) sont au nombre de six dans le corindon, tandis que dans la cymophane (fig. 1) les facettes f, seulement au

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nombre de quatre, se trouvent séparées par les faces s dont les inclinaisons sont différentes. Mais si au décroissement 'G G' qui donne ces facettes, on substitue le décroissement G G qui n'est pas hors des limites entre lesquelles sont renfermées les lois de la structure (1), les faces qui en naîtront seront inclinées sur M précisément de la même quantité que les faces f,f, c'est-à-dire, de 117° 56', et en rétablissant les faces i, i (fig. 4), on aurait un solide que l'on pourrait considérer comme un prisme hexaèdre régulier, dont les faces M, qui représenteraient les bases, seraient entourées de six facettes obliques, inclinées de la même quantité que les facettes correspondantes sur le corindon, soustractif, avec une différence assez légère pour échapper au gonyomètre, sur des cristaux d'un aussi petit volume que le sont ordinairement ceux qui appartiennent au corindon et à la cymophane. Ainsi la comparaison des formes cristallines relative aux deux substances, peut être présentée sous un point de vue d'autant plus séduisant, que les motifs qu'il semblerait offrir de leur rapprochement seraient conformes aux indications de la pesanteur spécifique et de la dureté, caractères dont la réunion avec celui qui se tire de la forme avait paru si décisive à Romé-de-l'Isle, qu'il a composé un ouvrage particulier dont le but est de prouver qu'il n'existe point dans la nature deux substances

(1) L'exposant de ce décroissement est la moitié de l'exposant qui a lieu par rapport aux faces z, z de la variété isogone. Traité de Minéralogie, tome II, page 494, pl. XLIII, fig. 28.

intrinséquement différentes, qui aient à la fois la même forme cristalline, la même pesanteur spécifique et la même dureté (1).

Maintenant si l'on compare les résultats des analyses de la cymophane et du corindon on trouve d'abord que le principe dominant est de part et d'autre l'alumine, dont la quantité, dans les seuls cristaux de cymophane analysés jusqu'ici, a été de 71,5 sur 100, et a varié, dans les divers morceaux de corindon soumis à la même opération, depuis 84 jusqu'à 98,5. La cymophane a donné de plus 18 de silice, 6 de chaux, avec une petite quantité de fer. M. Klaproth n'a point trouvé de silice dans le corindon bleu dit saphir oriental, et n'a retiré de ce minéral que 0,5 de chaux. Mais M. Chenevix, qui a fait avec beaucoup de soin l'analyse du saphir et celle du corindon rouge dit rubis oriental, a trouvé dans le premier 5,25 de silice, et dans l'autre 7 de la même terre (2). Or, si l'on fait attention que les cymophanes du Brésil, du nombre desquelles étaient les cristaux dont M. Klaproth a déterminé la composition, ont en général une teinte laiteuse qui offusque leur transparence, et qui dans un assez grand nombre de ces pierres est mêlée de bleuâtre, et produit ces effets chatoyans qui semblent flotter dans leur intérieur, on pourra douter que les cymophanes dont il s'agit fussent

(1) Des Caractères extérieurs des Minéraux, Paris, 1784.

(2) M. Vauquelin a retiré du corindon granulaire (vulgairement émeril) environ 13 parties de silice, et 2 de chaux. Mais on sait que de toutes les variétés de corindon, celle-ci est la moins pure.

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