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Ces deux genres de louage se subdivisent en plusieurs espèces particulières :

Le louage des choses, comprend : 1°o celui des maisons d'habitation, 2o celui des héritages ruraux, 3o celui des animaux et des objets mobiliers. Les expressions baux à loyer, baux à ferme et baux à cheptel, correspondent à ces trois subdivisions.

Le louage d'ouvrage, comprend tous les engagements portant convention de salaire pour travaux, soins ou services; savoir: 1o celui des gens de travail, domestiques et ouvriers, qui s'engagent au service de quelqu'un; 20 celui des personnes qui s'obligent à accomplir un travail déterminé.

Dans l'usage, on donne aux parties des qualifications différentes, suivant la nature des choses qui sont l'objet du contrat :

Ainsi, quand il s'agit d'une chose, celui qui procure la jouissance de cette chose est appelé bailleur, propriétaire, locateur. — Tous ceux à qui cette jouissance est procurée, sont compris sous la dénomination générale de preneur. Spécialement, on les qualifie de locataires ou baillistes, quand le bail a pour objet des bâtiments d'habitation ou des meubles; de fermiers, de colons partiaires ou métayers, dans les baux de biens ruraux, suivant qu'ils s'obligent à donner soit de l'argent, soit une quotité fixe de denrées pour prix de leurs fermages, ou qu'ils s'engagent à remettre en nature au propriétaire une partie des fruits que produira le fonds; de chepteliers en matière de cheptel. Dans le louage d'ouvrage, celui qui entreprend le travail est réellement locateur, et celui qui paie ce travail locataire: néanmoins, on donne communément le nom de locataire au premier et de locateur au second spécialement, la personne qui fournit son travail est appelée entrepreneur, ouvrier, domestique, et l'on qualifie de maître, celle pour qui ce travail est fait (voyez art. 1710). Au surplus, ces dénominations diverses n'ont qu'un intérêt purement théorique.

CHAPITRE PREMIER.

DISPOSITIONS GÉNÉRALES.

1708 Il y a deux sortes de contrats de louage :

-

Celui des choses

Et celui d'ouvrage.

1709

- Le louage des choses est un contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose, pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s'oblige à lui payer.

=

Ainsi, dans le louage des choses, le locataire s'oblige à faire jouir :-ce caractère distingue essentieilement le louage de la vente, contrat par lequel, ainsi que nous l'avons vu (1582), le vendeur doit rendre l'acheteur propriétaire.

1710 Le louage d'ouvrage est un contrat par lequel l'une des parties s'engage à faire quelque chose pour l'autre, moyennant un prix convenu entre elles.

=

L'art. 3 du projet (art. 1710) portait que le louage d'ouvrage était un contrat par lequel l'une des parties donnait quelque chose à faire à l'autre, moyennant un prix convenu.— Suivant cette définition, la partie qui donnait quelque chose à faire, était locateur ; l'ouvrier était le preneur, le conducteur: mais, sur les observations du Tribunat, le conseil d'Etat a substitué aux mots : donne quelque chose à faire, ceux-ci : s'engage à faire; en sorte que les rôles, tels qu'ils avaient été primitivement envisagés, se trouvent intervertis. Cette modification présente l'avantage de déterminer avec plus d'exactitude le caractère du louage: en effet, le travail est la chose donnée à loyer, la base de la convention: par conséquent, la partie qui paye ce travail est locataire, et celle qui le procure locateur.- Du reste, la pensée du législateur est clairement exprimée dans le passage suivant de l'exposé des motifs: « Les soins, les services, le travail et l'industrie forment la matière du contrat de louage d'ouvrage voilà ce qu'on y donne à loyer, voilà ce que l'on y paye. C'est donc le gardien, le serviteur, l'artisan, l'ouvrier ou l'entrepreneur qui est véritablement locateur ; celui qui les paye est le véritable locataire ou conducteur, et c'est mal à propos que, dans dans les lois et les ouvrages des jurisconsultes, ces qualités ont été interverties » (1).

1771 Ces deux genres de louage se subdivisent encore en plusieurs espèces particulières :

On appelle bail à loyer (2), le louage des maisons et celui des meubles;

Bail à ferme, celui des héritiers ruraux;

Louage, le louage du travail ou du service;

Bail à cheptel, celui des animaux dont le profit se partage entre le propriétaire et celui qui les confie.

Les devis, marché ou prix' fait, pour l'entreprise d'un ouvrage, moyennant un prix déterminé, sont aussi un

(1) Fenet, no 338, t. 14; Pothier, no 393, avait exprimé la même pensée.

(2) Le mot bail signifie gouvernement, administration d'une chose. Jadis on donnait le nom de bajulus ou bail an tuteur: Bail ou bajulus uxoris. On appelait Bailli le syndic d'une corporation.

louage, lorsque la matière est fournie par celui pour qui l'ouvrage se fait.

Ces trois dernières espèces ont des règles particulières.

Le louage des choses comprend :

1o Le bail à ferme, ou louage d'héritages ruraux.- On désigne encore sous le nom de bail à ferme, le louäge de certaines choses incorporelles; par exemple, la concession d'un droit de pêche ou d'un droit de péage.

2o Le bail à loyer, ou louage des maisons.

Ön donne la même dénomination au louage des meubles.

3o Le bail à cheptel, ou louage d'animaux, dans lequel le prix consiste en un partage de profits.

Le louage d'ouvrage comprend le louage des gens de travail, domestiques et ouvriers qui engagent leurs services, et celui des personnes qui s'obligent à accomplir l'oeuvre qu'on leur confie.

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Enfin, la loi désigne sous le nom de devis, marchés ou prix faits, les diverses conventions faites pour l'entreprise d'un ouvrage, moyennant un prix déterminé. Nous verrons toutefois, que ces sortes de conventions ne constituent réellement un louage, qu'autant que la matière à travailler est fournie par celui qui commande l'ouvrage lorsque cette matière est fournie par l'entrepreneur, on doit considérer la convention comme une vente (1).

Inexacte, car le premier alinéa place le louage des meubles à côté du louage des marchandises et des biens ruraux, quoiqu'il ne soit question des biens de cette nature que dans les art. 1713 et 1757; encore l'art. 1757 n'en parle-t-il que par occasion.

Incomplète, car la loi garde le silence sur les baux des usines, des manufactures et des machines incorporées aux fabriques; l'art. 1747 est le seul qui en dise quelques mots.

Quoi qu'il en soit, il est généralement reconnu, que l'on doit appliquer par analogie, les règles que le Code a tracées pour le bail des maisons et des biens ruraux, aux louages de tous autres immeubles et même des meubles, en tant que la nature des choses le comporte (2).

1712 Les baux des biens nationaux, des biens des communes et des établissements publics, sont soumis à des règlements particuliers (3).

(1) Marcadé, art. 1799. Troplong, no 1030. Voyez cep. Duvergier, (no 115 et 335). (2) Cbservations du tribun Mouricault; Fenet, t. 14, p. 322 ; Troplong, no 66; Zach., t. 3, p. 2. Voy. aussi Duvergler, no 280.

(3) Voy. Troplong sur l'art. 1712; Merlin, Rép., Ball, § 17 et 18; Duvergier, no 128.

CHAPITRE II.

DU LOUAGE DES CHOSES.

Toutes les choses qui sont susceptibles de procurer quelque utilité, peuvent être l'objet du louage (1), à moins qu'on ne puisse en user ou s'en servir sans les consommer, ou que la loi n'en défende la location.

De la définition que nous donne l'art. 1709, il résulte que le louage des choses doit réunir trois éléments :

10 Il faut une chose qui en soit l'objet.

En cas de

Le contrat est nul si la chose a cessé d'exister. perte partielle, le tribunal, appréciateur souverain des circonstances, peut ordonner la résiliation du bail ou réduire le montant du prix stipulé. (Voyez art. 1722.)

La loi n'exige pas que la chose, objet du louage soit déterminée: on peut louer une chose indéterminée, par exemple, un cheval ou une voiture pour faire un voyage, une grange pour y déposer du blé ou autres marchandises.

Le bailleur doit s'obliger à faire jouir le preneur, c'est-à-dire, le mettre à mêine de percevoir, pendant un certain temps, les fruits de la chose louée (meuble ou immeuble). - Ainsi, le bail, à la différence de la vente, ne déplace pas la propriété; le droit du propriétaire reste intact: il jouit par l'entremise d'un tiers; il reçoit une redevance, en échange des fruits qu'il s'oblige à procurer temporaire

ment.

La jouissance du preneur ne saurait être perpétuelle: mais il ne faut pas considérer comme perpétuel le bail dont la durée, quoique indéfinie, serait subordonnée à une condition casuelle. Les parties peuvent du reste assigner au bail la durée qu'elles jugent convenable; toutefois, s'il dépassait 99 ans, on le réduirait à ce

terme.

Enfin, nous ne voyons pas de raison pour proscrire les baux à vie. Quelques autorités considèrent, il est vrai, ces sortes de baux comme des constitutions d'usufruit (2); mais cette doctrine, qui était exacte à une époque où l'on attribuait aux baux à longues années l'effet de transférer la seigneurie utile, n'est point admissible dans nos lois modernes : aujourd'hui, les baux au-dessus de neuf ans, ne diffèrent des baux ordinaires que par leur durée. Pothier (Louage n° 27) lui-même reconnait que les baux à vie peu

(1) On peut louer les biens composant un majorut: ces sortes de biens ne sont placés hors du commerce que quant à la propriété. (Pothier, no 9 et suiv.)

(2) Merlin, Rép., ro Usufruit, § 1er, no 3.

:

vent, en certains cas, n'être que de simples baux à loyer ou à ferme : à la vérité, il ajoute qu'à défaut de stipulation formelle qui la réduise à cet état, ils sont présumés renfermer une constitution d'usufruit mais c'est la proposition contraire qu'il faut admettre, observe avec raison Duvergier (no 30), car on doit attribuer aux actes le caractère que les parties ont entendu leur imprimer or le mot bail à vie, emporte l'idée de louage. Concluons de là, que les parties sont présumées avoir entendu faire un simple bail, d'une durée calculée sur la vie du preneur, sauf toutes stipulations particulières (1).

Le preneur n'acquiert pas de droit réel; il n'a contre le bailleur qu'une action personnelle (jus adrem) résultat de la convention en effet, le but que se propose le preneur n'est point d'acquérir un démembrement de la propriété ; mais de percevoir les fruits; or, les fruits sont meubles; donc le droit est mobilier. Vainement argumenterait-on de l'art. 1743 lequel porte que le preneur ne peut être expulsé par l'acquéreur, s'il a un bail authentique. ou un bail sous seing privé dont la date est certaine ; ce qui semble au premier abord imprimer à son droit un caractère de réalité: « Le bail, dit Proudhon, n'est pas comme il était anciennement, résolu par la vente de l'immeuble; ce n'est pas que le preneur ait véritablement un droit réel, en vertu duquel il puisse jouir de la chose comme sienne, sous le rapport du domaine utile et la revendiquer entre les mains du tiers acquéreur; c'est seulement parce que les auteurs de cette disposition nouvelle de nos lois ont voulu que l'aliénation du fonds affermé ne fût consentie ou censée consentie aux parties, que sous la condition que le tiers acquéreur y stipulat ou fut censé y avoir stipulé l'obligation personnelle d'entretenir le bail, ce qui donne bien au fermier un droit de rétention sur la jouissance, mais non un droit sur le fonds. Le bailleur est tenu de lui procurer la jouissance de la chose; il ne se libère pas comme le vendeur en faisant délivrance; ses obligations se répètent quotidie, singulis momentis (2). Troplong (n. 4 et suiv.) est le seul auteur qui enseigne le contraire (3).

Il faut reconnaître, toutefois, que le propriétaire bailleur restreint son droit de propriété, sous certains rapports, puisqu'il s'interdit ainsi la faculté d'abuser. Cette considération a même motivé la disposition de l'art. 2, 4° de la loi du 23-26 mars 1855, qui soumet à la formalité de la transcription les baux d'une durée de

(1) Proudhon, Usuf., no 98 et suiv.; Toullier, no 387 et suiv.

(2) Proudhon, Usuf., no 102: Toullier, no 388; Duvergier, no 28.

(3) Delv., p. 185, no 2; p. 188 et 198; Duvergier, no 279 et suiv.; Proudhon, Usuf., t. 1 no 102; Dur, t. 4, no 73; t. 17, n° 139; Toullier, t. 3, no 388; Marcadé, art. 1709; Cass., 14 novembre 1832; Dev, 1833, 1, 32. Voy. cep. Dijon, 21 avril 1827 et une savante dissertation de Devilleneuve, rapportée sous cet arrêt. Nous reviendrons sur ce point. Voy.

art. 1743,

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