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plus de dix-huit années (1). On lit ce qui suit dans le rapport fait au nom de la commission du Corps législatif par M. Debelleyme: <<< Pour lui faire atteindre son but (la transcription), qui est de révé« ler d'une manière utile et pratique l'état vénal de la propriété, il faut même aller plus loin, et assujettir à la transcription tous «<les actes qui, sans constituer des droits réels, imposent cependant « à la propriété, des charges qui sont de nature à en altérer sen«siblement la valeur : tels sont les baux à longs termes et les quittances anticipées de plusieurs années de loyer. On sent toute << l'influence que peut exercer sur la valeur d'une propriété, l'in«fluence de pareils actes: son utilité, son produit, sa jouissance « sont affectés de telle sorte qu'il y a, pour l'acheteur ou le prêteur a sur hypothèque, un légitime intérêt à la connaître. Nous ne << nous sommes pas dissimulé que la publicité donnée aux baux et « aux quittances de loyer était une invasion faite dans le domaine « du droit réel; une dérogation au principe de la liberté et du << secret des conventions privées mais elle nous a paru justifiée « et absolument nécessaire. »

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Lorsque le terme de la jouissance n'a pas été fixé par un contrat, on se conforme, pour les baux des maisons, à l'usage des lieux (1736); pour les biens ruraux, on a égard au genre de culture (1774), par ex., lorsqu'il s'agit d'un pré, d'une vigne ou autre bien dont les fruits se recueillent annuellement, le bail est censé fait pour une année. Si les fruits ne peuvent être perçus qu'après plusieurs années ; ce qui a lieu, par ex., lorsqu'il s'agit de bois taillis ou de terres divisés par soles, les parties conviennent tacitement que le bail durera pendant le nombre d'années nécessaire pour que le preneur puisse percevoir la totalité des fruits.

Le louage des meubles destinés à garnir une maison ou un appartement, est présumé fait pour la durée ordinaire des baux des maisons ou des appartements, suivant l'usage des lieux.

Les baux des chambres garnies sont censés faits pour un mois, une semaine, un jour, suivant que la location est faite à tant par mois, par semaine ou par jour.

Quand le mode de jouissance est déterminé, le preneur est tenu de l'observer. Si les parties ont gardé le silence, il doit employer la chose à l'usage auquel on a coutume de la faire servir, ou à celui auquel elle est, par sa nature, destinée.

L'usage pour lequel la chose est louée doit être, comme de raison, honnête et licite; autrement, le contrat serait nul le locataire ne pourrait exiger le prix stipulé, il devrait même, selon nous, restituer ce qu'il aurait reçu en exécution du bail (2).

(1) Voy. l'exposé des motifs du projet de loi sur la transcription (art. 5). Voy. aussi le rapport fait au nom de la commission fait par M. Debelleyme.

(2) Voy. nos observations sur les aft. 1133 et 1598; Duvergier, no 60.

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Le prencur de

Nous supposons, bien entendu, que la cause illicite est reconnue : en cas de dénégation, la partie qui refuserait d'exécuter le contrat serait repoussée par la maxime: Nemo auditur turpitudinem suam allegans (Duvergier no 61) (1).

A défaut de stipulation contraire, le preneur jouit de toute la chose.

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Lorsque la chose a péri en totalité, il n'y a pas de contrat. Si la perte n'est que partielle, les tribunaux prononcent, eu égard à l'importance de la perte, la résiliation du contrat ou la réduction du prix. Ils ont cette faculté, lorsque la perte partielle est survenue pendant la durée du bail (1721 et 1722) (2): les mêmes raisons de décider se présentent, lorsqu'elle a précédé la convention : dans le louage comme dans la vente, il s'agit de rechercher quelle a été l'intention des contractants.

2o Un prix convenu: (3) ce prix doit être sérieux; c'est-à-dire, stipulé avec intention formelle de l'exiger: si le locataire ne pouvait être contraint à le payer, on ne verrait pas dans la convention, un Louage, mais un prêt à usage (commodatum). - Toutefois, si le bailleur renonçait, après un certain temps, aux loyers échus, cette circonstance n'enlèverait pas au louage son caractère, il suffirait que le contrat eût été parfait dans l'origine.

La détermination du prix peut être expresse ou tacite, elle est tacite, lorsque le prix est fixé par l'autorité ou par un usage constant. La loi n'exige pas que le prix représente la valeur de la jouissance, il suffit qu'il ne soit pas tellement faible qu'on doive le considérer comme dérisoire: la lésion ne pourrait, en effet, donner lieu à rescision, car elle ne tomberait que sur les fruits, lesquels sont meubles (4).

Le prix doit consister soit en une somme d'argent, soit en une cervrait tenir compte de l'avantage que lui aurait procuré la convention, si cet avantage était ap préciable.

(1) Observons à cette occasion, que le louage d'une maison pour en faire un lieu de prostitution est valable, si la destination est connue du bailleur et mentionnée dans l'acte; sauf le droit réservé aux autres locataires d'agir en résolution de leur bail. Dès le moment où ces sortes d'établissements sont tolérés par les lois, l'affectation d'une maison à cet usage n'est pas illicite. (2) Cass., 11 mars 1842. Le louage diffère sous ce rapport de la vente d'immeubles. (3) On connaît une sorte d'échange d'usage, qui a beaucoup de rapports avec le louage: ce contrat intervient, lorsque chacune des parties abandonne à l'autre la jouissance d'une chose dont elle est propriétaire, comme équivalent de celle qu'on lui procure : par ex., si nous convenons que je me servirai de votre cheval pendant un certain temps, et que vous vous servirez du mien pendant ce même temps, que je ferai des travaux pour vous, en échange de ceux que vous vous engagez à faire pour moi : dans ces espèces, il est évident que le contrat ne peut être considéré comme un pret, puisqu'il n'est pas gratuit. D'un autre côté, il n'a point les caractères du louage, puisque le prix ne consiste ni en argent, ni en denrées: c'est là, évidemment, un échange, un contrat innommé (1107), qui, chez les Romains, n'aurait pas produit l'action de louage; mais l'action præscriptis verbis (Pothier, no 38; Dur, no 9 ; Duvergier, nos 95 et 96, t. 3; 247 et suiv., t. 4; Troplcng no 3).

(4) Troplong, no 3; Duvergier, no 102; Dur, no 13; Cass., 21 mars 1824, 11 août 1818; Rouen, 21 mai 1844 ; Dal., no 96 et 97; Dev, 1844, 9, 673; Pal., 44, 2, 335,

taine quantité de denrées, c'est-à-dire, de choses qui se vendent au poids, au compte ou à la mesure (1). Nous ne voyons pas de raison sérieuse pour distinguer à cet égard entre le bail à loyer et le bail à ferme, ni même entre le louage des choses et le louage d'ouvrage.

Dans les baux à ferme, il est d'usage de convenir que les fermiers donneront pour prix une portion des fruits que le fonds produira tantôt cette portion est fixe et déterminée, par ex., 100 hectolitres de blé, tantôt elle consiste dans une quote part éventuelle, par ex., la moitié, le tiers, le quart. Dans ce dernier cas, le bail est dit partiaire.

Quelques auteurs considèrent le bail partiaire comme une société ; · mais l'erreur est évidente: en effet, il est de l'essence des sociétés que chacune des parties coure des chances de gain et de perte; or, dans l'espèce, non-seulement le bailleur ne s'expose à aucune perte; mais encore, il peut avoir des bénéfices bien que le preneur soit en perte.

Le prix doit être certain et déterminé. Les contractants peuvent le fixer eux-mêmes ou s'en remettre à l'arbitrage d'un tiers (1716): tout ce que nous avons dit à cet égard sur la vente, s'applique au contrat de louage.

Que devrait-on décider, si le prix était laissé à la volonté de l'une des parties? Pothier (no 37) considère le contrat comme valable, s'il a reçu un commencement d'exécution. « Le prix, dit-il, est censé abandonné à l'arbitrage de la partie, non tanquam in merum arbitrium, sed tanquam in arbitrium boni viri, — Duvergier (no 107) combat avec raison ce système : « Il est, dit-il, subversif de toutes les règles, de laisser à l'une des parties le pouvoir de déterminer l'étendue de son engagement ou de celui que l'on contracte envers elle : cela est non-seulement illégal mais irrationnel. »

Quid, dans l'espèce suivante : je charge un ouvrier de faire un travail, il est convenu que le prix sera fixé après la confection de l'ouvrage est-ce là un louage? Nous le pensons : assurément, le prix n'est pas déterminé par le contrat; mais les parties conviennent tacitement de s'en rapporter boni viri arbitratu, si elles ne peuvent s'entendre. (Duvergier n° 109).

(1) On lit dans la lol romaine: Si olei certa ponderatione locasti, C. Loc. Cond., 4, t. 65, 21. Le mot locasti exprime clairement que, même en droit romain, le contrat de louage pouvait emporter une redevance en denrées autres que celles produites par le fonds. (Troplong, Louage, no 3; Marcadé, art. 1713.) — Suivant Duvergier, no 95, et Dur, no 9, le prix doit né. cessairement consister en monnaie : le mot locasti, qui se trouve dans la loi précitée, aurait été détourné do son véritable sens. « Dans l'espèce sur laquelle s'explique la loi, disent ces auteurs, une portion des fruits du fonds nu était donnée en paiement. Dès lors le contrat avait pu, à raison de l'exception admise pour ce cas particulier, être qualifié de louage. » — Nous ne voyons pas de raisons pour limiter aux baux à ferme les prestations en nature autorisées par les art.1763, 1771 et autres. Dans beaucoup de provinces les services des ouvriers ne se paient pas autrement. (Voy, nos observations sur les art. 1591 et 1702.)

3o Le consentement: Il doit porter sur la chose, sur le prix et sur la durée du bail.'

Sur la chose: Exemple : J'ai entendu vous donner à ferme telle métairie; vous avez eu l'intention d'en louer une autre : il n'y a point de contrat.-Le consentement doit nécessairement intervenir sur les qualités substantielles de la chose; mais l'erreur, soit sur les qualités accidentelles, soit sur le nom du locataire, ne vicie pas le contrat (voyez art. 1109 et 1110).

Sur le prix: Exemple: J'entends vous louer ma maison 1,000 fr.; vous n'avez entendu me donner que 500 fr.; il n'y a pas de contrat.

Mais si vous avez cru louer pour 1,000 fr. au lieu de 500 que j'ai demandés, le contrat est valable, suivant la maxime: In eo quod' plus sit, semper inest minus. Vous ne serez engagé que pour 500 fr.

Le consentement est légalement présumé, lorsqu'à l'expiration du bail fait avec fixation de durée, la jouissance du locataire ou du fermier continue, sans opposition de la part du bailleur: un nouveau contrat, appelé tacite réconduction, se forme alors. Ce contrat est censé fait, en général, aux mêmes conditions que le premier, sauf sa durée, qui est fixée eu égard à la nature des choses louées ou à l'usage des lieux.

Sur la durée du bail. La perpétuité, nous l'avons déjà dit, répugne à l'essence du louage (1). A défaut de convention, la durée du bail se règle soit d'après l'usage auquel la chose est destinée par sa nature; soit d'après la coutume locale. Ex.: J'entends vous donner ma maison à loyer pour trois ans; vous pensiez la prendre pour neuf, le contrat est nul. Néanmoins, si le preneur est entré en jouissance, il doit payer le terme d'usage.

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Quoique le bail soit parfait par le seul consentement, un écrit est nécessaire en cas de dénégation, pour constater l'existence de ce contrat, quand il s'agit de maisons ou de biens ruraux : en effet, l'art. 1715, placé sous la rubrique des règles communes à ces sortes de baux, porte que le bail fait sans écrit et qui n'a encore reçu âucune exécution, ne peut être prouvé par témoins, quelque modique qu'en soit le prix. Toutefois, ce n'est là qu'une exception: Le louage des choses mobilières, le louage d'ouvrage et le bail à cheptel restent soumis à la règle générale qui admet la preuve testimoniale, savoir, lorsque l'objet du contrat est d'une valeur de 150 fr., sans commencement de preuve par écrit, et au-dessus de 150 fr., avec commencement de preuve.

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Observons à cette occasion, que pour savoir s'il y a lieu d'admettre la preuve testimoniale, ce n'est point la valeur intrinsèque des choses louées qu'il faut considérer; mais la somme totale des loyers pour toute la durée du bail: en effet, cette somme forme la vafeur de la jouissance, et c'est la jouissance qui est l'objet du con.

(1) A Rome le louage pouvait ètre fait à perpétuité. (Calus: Comment, 3, § 145.)

trat (1). La loi n'exige pas que l'acte soit authentique. L'acte privé doit réunir toutes les conditions prescrites par l'art. 1325 (2).

Des lettres missives constatant le consentement réciproque des parties sur la chose et sur le prix, sont même suffisantes mais, en ce cas, à quel moment le contrat est-il irrévocablement formé? Appliquez ce que nous avons dit sur la vente (art. 1583.)

La capacité de contracter est un élément du louage comme de toute autre convention; elle doit être appréciée conformément aux règles générales. Nous verrons toutefois, que la loi a modifié ces règles par plusieurs dispositions spéciales, soit en créant des incapacités (450), soit en établissant des aptitudes particulières (481, 513, 223, 1449, 1536, 1576), c'est-à-dire, en déclarant capables, quant au louage, des personnes qui ne peuvent aliéner sans une autorisation spéciale.

Pour donner des biens à bail, il n'est pas nécessaire d'en être propriétaire ce droit appartient à tout administrateur. Néanmoins, la durée des baux consentis par le non-propriétaire ne peut excéder 9 années (voy. art. 450, 481, 509, 595, 1429, 1481, 1748).

Il faut, en effet, se garder de confondre les actes d'administration et les actes de propriété : les premiers conservent leur éffet, nonobstant la résolution du droit de celui de qui ils émanent; les seconds sont, en général, anéantis par cet événement.

Par application de ce principe, l'art. 1673 oblige le vendeur qui rentre dans son héritage par l'exercice du réméré, à respectér les baux faits sans fraude par l'acheteur : la même règle doit s'étendre au cas de rescision de la vente, soit pour cause de lésion, soit pour toute autre cause qui emporte résolution des droits du bailleur sur la chose louée, sans excepter le cas où un adjudicataire bailleur serait dépossédé par l'effet d'une surenchère (3).

Celui qui n'est ni propriétaire ni administrateur d'une chose peutil valablement louer cette chose à un tiers (voyez art. 1718, quest.)? Les baux consentis par le propriétaire sous condition résolutoires doivent-ils être maintenus pour toute leur durée quelque longue quelle soit; ou doit-on les renfermer dans les limites établies pour les baux consentis par les usufruitiers et par les tuteurs (1429) (voyez art. 1718, quest.)?

Il nous reste à dire quelques mots sur les promesses de louage: On désigne ainsi, l'acte par lequel un propriétaire s'oblige à consentir, dans un délai déterminé, un bail régulier, au profit d'une autre personne.

(1) Troplong, no 113; Duvergier, no 15; Paris, 6 avril 1825.

(2) Par exception, l'authenticité de l'acte est nécessaire, lorsque les lieux sont destinés au đépôt on áu đểbit des boissons Décret du 5 mai 1806; loi du 28 avril 1816.)

(3) Toullier, è, no 176, 435, 436; Duvergier, nos 82 et suiv.; Cass., 16 janvier 1827, 11 avril 1821; Paris, 25 janvier et 19 mai 1835; Dov, 1835, 2, 102 et 256.

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