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résistance aussi puérile et aussi déshonorante? Croit-il que des légions de nobles et de chevaliers descendront du ciel tout armées pour le réintégrer dans ses antiques prétentions? Croit-il que la justice sera bannie de la terre si elle n'est pas rendue par des hommes à pancartes et à parchemin? Croit-il que les paysans de la Basse-Bretagne repousseront l'égalité des droits, qui met un comte et un marquis au niveau d'un simple fermier? Il faut être bien dupe de son plat orgueil et de l'ancienne ignorance des paysans pour croire qu'ils ne se réjouiront pas aujourd'hui, in petto, de se voir placés, dans l'ordre des droits civils et politiques, à côté de leurs prétendus maîtres et seigneurs. » (Annales patriotiques.)

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Attaques contre Bailly. Réclamations en faveur des femmes. Célibat des prêtres. Approvisionnements de Paris. Presse royaliste. Commune. Arrêté sur les affiches. Poursuites contre Marat. On apprend la conspiration de Favras. Monsieur se disculpe à l'hôtel de ville.

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Paris. Tout ce qui restait d'activité libre après les occupations de la politique générale était employé au travail de la constitution communale de Paris. Les représentants de la commune travaillaient à rédiger un projet qui pût être présenté au corps législatif comme le vœu de la capitale. Voici selon quelle méthode ils procédèrent à cette œuvre.

Arrété des représentants de la commune, du 7 décembre.

« L'assemblée, considérant que, par un décret du 26 novembre dernier, l'assemblée nationale a arrêté que Paris serait gouverné par un règlement qui serait fait par elle sur les mêmes bases et d'après les mêmes principes que toutes les municipalités du royaume; considérant, d'autre part, que, chargée par les soixante districts de travailler à un plan de municipalité qui ne doit être présenté à l'assemblée nationale et au roi qu'après avoir obtenu le vœu de la majorité des districts, elle ne peut négliger ce travail sans manquer à sa principale obligation;

<< Que cependant elle s'en occuperait inutilement si, ne connaissant point les bases particulières que l'assemblée nationale se propose d'établir pour la ville de Paris, elle partait de principes différents, d'où il pourrait résulter qu'un plan fait par les représentants de la commune, et revêtu de l'approbation des districts, serait rejeté par l'assemblée nationale et le roi, comme contraire aux grandes vues d'ordre public qui dirigent la législation générale;

«< Considérant que, dans l'intention où elle est de s'occuper avec toute l'activité possible de ce plan d'organisation municipale, il lui importe d'entretenir une correspondance habituelle avec les districts, à l'examen desquels doivent être soumis les résultats de son travail :

« A arrêté 1o qu'en dérogeant au règlement de discipline intérieure de l'assemblée, et attendu l'importance de ce travail, elle tiendra séance tous les jours, depuis cinq heures du soir jusqu'à neuf; 2o qu'il sera formé un comité composé de vingt-quatre commissaires nommés par les douze bureaux, à raison de deux par bureau; 3o que ces commissaires seront autorisés à conférer, toutes les fois qu'ils le croiront nécessaire, avec MM. les membres du comité de constitution; 4° que ce comité présentera à chaque séance une série d'articles sur lesquels il sera délibéré; 5o que les membres de chaque département de l'administration seront invités à fournir sans retard à ce comité des instructions relatives à la partie confiée à leurs soins; 6o qu'à mesure que chaque titre du plan de municipalité sera rédigé, il sera envoyé aux soixante districts pour avoir leur vœu. »

Le comité de constitution de l'assemblée nationale admit en effet en conférence la commission nommée par les représentants de Paris. Les districts craignirent que ces relations n'assurassent au système de l'hôtel de ville une prépondérance qu'ils ne pussent point balancer auprès de l'assemblée nationale, s'ils se trouvaient d'une opinion contraire. Cela fut l'occasion de beaucoup de réclamations dans les assemblées de district. Quelques-uns demandaient si cette loi, toute locale, ne devait pas être abandonnée au libre arbitre de la localité. Celui des Minimes chercha à réveiller le bureau central des districts, et à le faire intervenir contre la municipalité; mais il paraît qu'il ne réussit point à rendre la vie à cette organisation morte en naissant. Alors il alla jusqu'à rédiger une adresse à l'assemblée nationale dans ce double sens : « Pourquoi, disait-il, pourquoi les citoyens de la capitale, animés tous du même intérêt, du même patriotisme, seraient-ils privés de l'avantage de voter des lois particulières, locales, qui tiennent, en un mot, à leur intérêt particulier, sans déroger à l'ordre général? Pourquoi nos députés à la ville s'arrogent-ils le droit de conférer particulièrement avec votre comité de constitution sur les lois particulières à la municipalité de Paris? Leurs pouvoirs ne leur donnent pas ce droit. » — On pense bien que cette adresse resta sans réponse, et l'arrêté des représentants fut exécuté à la lettre. Comme le règlement relatif à la municipalité de Paris ne fut terminé que l'année suivante, nous 22

TOME II.

n'analyserons qu'à cette époque les différents plans qui furent présentés.

Malgré ces graves occupations, plusieurs districts continuaient leur opposition contre l'hôtel de ville. Le district des Cordeliers se trouvait toujours au premier rang dans cette guerre de chicane. On y criait beaucoup contre les usurpations de la commnne, et surtout contre celle du maire et des bureaux de ville. La municipalité venait en effet d'émettre un règlement pour le tribunal de police, de lui prescrire des règles de procédure, et d'ordonner qu'il se conformerait, dans ses jugements, aux lois anciennes qui étaient déclarées en pleine vigueur. Dans le public, on attribuait cet esprit des Cordeliers à l'influence exercée par Danton, son président perpétuel parce qu'il était toujours réélu, et l'on cherchait l'origine de l'ardeur de celui-ci partout ailleurs que dans son caractère ou ses convictions. Nous verrons plus tard quelle était la vérité à cet égard. Une chose bien remarquable, c'est que Danton fut obligé, pour se disculper, d'invoquer l'autorité de son district. Extrait du registre des délibérations de l'assemblée du district des Cordeliers, du 11 décembre 1789.

« L'assemblée générale du district des Cordeliers, instruite des calomnies répandues contre M. Danton, son président, par des ennemis du bien public; instruite qu'ils ont osé supposer que M. Danton accaparait les voix pour prolonger le temps de sa présidence, et qu'il n'obtenait l'unanimité des suffrages qu'en les achetant;

<«< Considérant que ces bruits calomnieux blessent également la dignité de l'assemblée, les principes sévères qui distinguent les citoyens de ce district et le zèle pur et infatigable du président qu'ils ont choisi;

« Considérant que de tels bruits, quoique méprisables et indignes d'occuper l'assemblée, peuvent, dans des circonstances aussi délicates, s'accréditer et fournir des armes aux ennemis de la liberté, déclare :

« Que la continuité et l'unanimité de ses suffrages ne sont que le juste prix du courage, des talents et du civisme dont M. Danton a donné les preuves les plus fortes et les plus éclatantes, comme militaire et comme citoyen;

<< Que la reconnaissance des membres de l'assemblée pour leur président, la haute estime qu'ils ont pour ses rares qualités, l'effusion de cœur qui accompagne le concert honorable des suffrages

à chaque réélection, rejettent bien loin toute idée de séduction et de brigue;

<< Que l'assemblée se félicite de posséder dans son sein un aussi ferme défenseur de la liberté, et s'estime heureuse de pouvoir souvent lui renouveler sa confiance;

« L'assemblée a arrêté que cette délibération serait communiquée aux cinquante-neuf autres districts. Signé, Testulat de Charmières, vice-président; Aubisse, Fabre d'Églantine, Lescot, Sentex, secrétaires. »

Outre ces accusations de brigues, il y en avait de plus graves contre Danton qui rejaillissaient sur les Cordeliers. On assurait que Danton était acheté et conspirait avec Mirabeau, afin de former un parti qui pût dépopulariser Bailly et l'hôtel de ville. Cependant les Cordeliers, dans cette direction, semblaient seulement suivre les indications données par la presse; et nous en citerons pour exemple ce passage du journal de Desmoulins :

« M. Bailly a osé donner des brevets de capitaine, qui ne doivent être que la récompense des services et que le mérite même ne doit obtenir que du suffrage des citoyens. Le district des Cordeliers a fait éclater son improbation. Ce district, ainsi que celui des Petits-Augustins, indigné de voir le maire ainsi disposer des grades de la milice nationale, et préparer cette proie à ses flagorneurs, a invité les officiers du bataillon à rapporter sur le bureau leurs brevets signés; et ceux-ci, honteux de pareilles provisions, se sont empressés de rendre hommage au peuple, seul souverain, en remettant leurs brevets au district.

<< Il est encore d'autres reproches que font à M. Bailly les philosophes et les patriotes. Pourquoi devant sa voiture ces gardes à cheval et, derrière, ces laquais à livrée, profanateurs de la cocarde nationale, et aux couleurs de la liberté sur leur chapeau, alliant, sur toutes les coutures de leur habit, les couleurs honteuses de la servitude? Pourquoi encore ce traitement de cent dix mille livres que s'est appliqué le maire de la capitale? Je lui sais gré de la noble fierté avec laquelle il a demandé, au ministre de Paris, l'hôtel de la police; mais pourquoi les murs de cet hôtel ne s'aperçoivent-ils pas qu'ils ont changé de maître? Pourquoi le même faste de meubles et la même somptuosité de table? Laissez, monsieur Bailly, laissez au satrape Pharnabase ces riches tapis. Agésilas s'assied par terre, et il dicte des lois au grand roi de Perse. Laissez cette pompe extérieure aux rois et aux pontifes... Je suis encore au nombre de ceux qui vous chérissent. Je sais le respect que je dois à votre place, et les ménagements que méritent et vos talents et vos services; mais

c'est parce que vous êtes revêtu de cette grande place, que je ne souffrirai point que vous l'avilissiez. Quand vous serez redevenu simple citoyen, étalez alors un luxe asiatique, scandalisez la nation par votre livrée et votre luxe, déshonore z-vous, peu m'importe; mais cette belle, cette glorieuse révolution de France qu'aujourd'hui vous ternissez... Je ne suis pas si ridicule que de prétendre que M. le maire vive de brouet noir comme Agésilas, ou que, comme Curtius, il reçoive les ambassadeurs dans une chaumière. Mais je lui recommande plus de simplicité... Parmi la multitude des griefs qu'on reproche à M. Bailly, je ne me suis arrêté qu'à trois s'être donné une livrée, c'est une petitesse et une puérilité qui a dû provoquer notre ministère correctionnel; s'être appliqué cent dix mille livres d'appointements, c'est une concussion et un vol horrible; avoir donné des brevets de capitaine, c'est un crime de lèse-nation. >>>

C'était en France le temps des réclamations de tout genre. Les femmes aussi vinrent porter la leur; ou bien on vint le faire en leur nom. On demanda à l'opinion publique des lois contre le célibat des hommes; on lui demanda de forcer les familles à renoncer à l'usage des dots. Enfin les femmes demandèrent l'égalité civile dans le mariage et l'usage des droits politiques. Une demoiselle Keralio se mit à la tête de la rédaction d'un journal ayant pour titre : Journal d'État et du citoyen, et elle traita la politique comme un homme.

Quelques prêtres de leur côté vinrent réclamer la suppression du célibat des ecclésiastiques. C'est à Saint-Étienne-du-Mont que la question fut posée et discutée.

La discussion se termina par un il n'y a lieu à délibérer.

Rien d'ailleurs alors ne détournait l'attention des affaires publiques. Le tourment des subsistances avait cessé. Un approvisionnement énormé était accumulé dans Paris; approvisionnement jugé encore comme plus considérable qu'il n'était en réalité, grâces au désordre avec lequel il avait été formé; car on ignorait de quelle quantité de farines et de blés il se composait. Il fallut, vers la fin de décembre, que le comité des subsistances procédât à un inventaire dans le but de le reconnaître. Il semblait que chacun, ayant enfin conscience des dangers de la disette, n'eût pensé qu'à accumuler le plus de subsistances possibles pour donner à vivre à cette population parisienne, si facile à émouvoir, et si redoutable dans ses émeutes. On ne s'était pas borné à amasser des vivres ; on avait aussi pris des mesures pour assurer la subsistance des pauvres. Une liste avait été ouverte dans tous les districts, afin de recevoir l'inscription des citoyens qui avaient besoin des secours de la

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