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conçues de l'objet du recensément général, a cru devoir donner avis à tous les citoyens : 1o que cette opération n'a aucun objet fiscal; 20 que son véritable but est de connaître, d'une manière précise, le nombre des habitants de la capitale, afin de pouvoir mettre plus d'égalité dans l'arrondissement des districts, à proportion de leur étendue et de leur population, et d'acquérir de nouveaux éclaircissements, utiles pour les élections qui doivent avoir lieu après la confection du plan de municipalité; en conséquence, l'assemblée invite tous les citoyens, pour leur propre intérêt, à ne refuser aux commissaires, qui se présenteront chez eux à cet effet, aucun des détails nécessaires. Signé, DE MAISSEMY, président; PORIQUET et MOREAU, secrétaires.

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Assemblée des représentants de la commune. Séance du 26 décembre. Le district des Cordeliers ayant observé que les brevets donnés aux officiers de la garde nationale par M. le maire, et visés du commandant général, portaient quelques vices dans la forme et dans les expressions, a député M. Danton pour en faire la remarque à l'assemblée, et demander qu'on les changeât.

La vivacité avec laquelle le député proposa ses réflexions, malgré les réclamations de presque toute la salle qui pensait avec raison qu'on peut se faire entendre, et même se rendre intéressant, quand on a quelque chose d'utile à dire, sans recourir à toute la chaleur des mouvements oratoires; la rapidité de son discours, dis-je, donna lieu à une méprise désagréable. Dans la lecture que fit du brevet M. Danton, il lut, par monseigneur, etc. Ce mot de monseigneur parut étrange à toute l'assemblée, appliqué à la personne de M. le maire; et l'on était très-disposé à en faire la remarque, lorsque M. Bailly, après avoir entendu avec tranquillité tout ce qui venait d'être lu avec précipitation, prit le brevet et fit lire à M. Danton, par messieurs (le maire, le commandant général), véritables expressions du brevet.

Cette méprise excita de la rumeur dans la salle; quelques membres proposaient des motions rejetées par l'honnêteté et l'esprit de fraternité qui caractérisent l'assemblée, et M. Danton justifié par son zèle, il a été arrêté qu'il n'en serait plus question. Quant au fond de la question, on a décidé que le comité de constitution reverrait la forme des brevets d'officiers délivrés par M. le maire, et les corrigerait lorsqu'il en serait à cet article du plan général de l'administration municipale.

A peine cette question était terminée, que M. le président reçut un billet de Monsieur, frère du roi, qui lui marquait que son in

tention était de venir ce soir à l'assemblée des représentants de la commune il fut arrêté que l'on recevrait Monsieur, et que si l'assemblée n'eût pas été convoquée, on l'aurait extraordinairement convoquée pour le recevoir:

A cinq heures du soir, les membres de l'assemblée se réunirent; et sur la proposition qui fut faite d'abord de nommer des députés pour aller au-devant de Monsieur, on arrêta qu'ils seraient au nombre de douze à la nomination de M. le président (M. de Maissemy).

On entama ensuite la lecture du plan de municipalité proposé par le comité de constitution ou des vingt-quatre; mais la discussion en fut interrompue par l'arrivée de Monsieur, qui, suivant ce que l'assemblée avait arrêté, fut placé à gauche de M. le maire, sur un fauteuil parallèle au sien, ainsi qu'il se pratiquait dans les cours souveraines à l'égard des princes du sang.

Monsieur, placé, à prononcé le discours suivant :

« Messieurs, le désir de repousser la calomnie m'amène au milieu de vous, M. de Favras a été arrêté avant-hier par ordre de votre comité des recherches, et on répand aujourd'hui avec affectation que j'ai de grandes liaisons avec lui... En ma qualité de citoyen de la ville de Paris, j'ai cru devoir vous instruire moi-même des seuls rapports sous lesquels je connais M. de Favras. En 1772, il est entré dans mes gardes suisses; il en est sorti en 1775, et je ne lui ai pas parlé depuis cette époque. Privé depuis plusieurs mois de la jouissance de mes revenus, inquiet sur les payements que j'ai à faire au mois de janvier, j'ai désiré de satisfaire mes engagements sans être à charge au trésor public. Afin d'y parvenir, j'avais formé le projet d'aliéner des contrats pour la somme qui m'est nécessaire. L'on m'a représenté qu'il serait moins onéreux à mes finances de faire un emprunt. M. de Favras m'a été indiqué, il y a quinze jours, par M. de la Chartre, comme pouvant l'effectuer par deux banquiers, MM. Chomel et Sertorius. J'ai souscrit une obligation de 2,000,000, somme nécessaire pour acquitter mes engagements du commencement de l'année et payer ma maison. Et cette affaire étant purement de finance, j'ai chargé mon trésorier de la suivre. Je n'ai pas vu M. de Favras; je ne lui ai pas écrit; je n'ai eu aucune communication avec lui. Ce qu'il a fait d'ailleurs ne m'est pas seulement connu. Cependant, messieurs, j'ai appris qu'hier on répandait avec profusion dans la capitale un papier conçu en ces termes :

« Le marquis de Favras et la dame son épouse ont été arrêtés, le 24, place Royale, pour un plan qu'ils avaient fait de soulever

30,000 hommes pour faire assassiner M. de Lafayette et M. le maire de la ville, et ensuite de nous couper les vivres... MONSIEUR, frère du roi, était à la tête. BARREAU. »

« Vous n'attendez pas de moi que je m'abaisse à me justifier d'un crime aussi bas; mais dans un temps où les calomnies les plus absurdes peuvent faire aisément confondre les meilleurs citoyens avec les ennemis de la révolution, j'ai cru devoir au roi, à vous et à moi, d'entrer dans tous les détails que vous venez d'entendre, afin que l'opinion publique ne puisse un moment rester incertaine. Quant à mes opinions personnelles, j'en parlerai avec confiance à mes concitoyens. Depuis le jour où, dans la seconde assemblée des notables, je me suis déclaré sur la question fondamentale qui divisait tous les esprits, je n'ai pas cessé de croire qu'une grande révolution était prête; que le roi, par ses intentions, ses vertus et son rang suprême, devait en être le chef, puisqu'elle ne pouvait pas être avantageuse à la nation, sans l'être également au monarque; enfin que l'autorité royale devait être le rempart de la liberté nationale, et la liberté nationale la base de l'autorité royale. Que l'on cite une seule de mes actions, un seul de mes discours, qui ait démenti les principes que j'ai montrés. Dans quelques circonstances que j'aie été placé, le bonheur du roi et celui du peuple n'ont jamais cessé d'être l'unique objet de mes pensées et de mes vœux ; jusque-là j'ai le droit d'être cru sur ma parole, je n'ai jamais changé de sentiment ni de principe, et n'en changerai jamais. »

Les applaudissements ont été unanimes; le public et les députés ont témoigné les mêmes sentiments de confiance et de respect pour ce prince, dont le discours a enlevé tous les suffrages.

M. le maire a répondu à MONSIEUR :

<< C'est une grande satisfaction pour les représentants de la commune de Paris de voir parmi eux le frère d'un roi chéri, d'un roi, le restaurateur de la liberté française. MONSIEUR s'est montré le premier citoyen du royaume, en votant pour le tiers état dans la seconde assemblée des notables. Il a été le seul de cet avis, du moins avec un très-petit nombre d'amis du peuple : il a ajouté la dignité de la raison à tous les autres titres qui lui méritaient le respect de la nation.

«MONSIEUR est donc le premier auteur de l'égalité publique. Il a donné un nouvel exemple aujourd'hui, en venant seul parmi les représentants: il semble ne vouloir être apprécié que par ses sentiments patriotiques. Ces sentiments sont consignés dans l'explicacation que MONSIEUR veut bien donner à l'assemblée. Le prince va au-devant de l'opinion publique; le citoyen met le prix à l'opinion

des concitoyens, et offre à MONSIEUR, au nom de l'assemblée, le tribut de reconnaissance et de respect qu'elle doit à ses sentiments et à l'honneur de sa présence, et surtout au prix qu'elle attache à l'estime des hommes libres. >>

M. de Lafayette prit la parole après M. Bailly, et assura l'assemblée qu'il s'était occupé de faire arrêter les auteurs du billet, et qu'ils étaient en prison. MONSIEUR demanda leur grâce; mais l'assemblée a décidé qu'il fallait qu'ils fussent jugés et punis.

Municipalité de Paris. - Département de la police.

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Du 26 décembre. « Sur la dénonciation qui a été faite au département de la police, d'un écrit signé BARREAU, distribué dans Paris, et où, en rendant compte de l'arrestation du marquis et de la marquise de Favras, on s'est permis méchamment de compromettre le nom de MONSIEUR, frère du roi, le département de police fait les défenses les plus expresses à toutes personnes de colporter et distribuer cet écrit incendiaire, et promet cinq cents louis de récompense à celui qui en fera connaître l'auteur. Fait à l'hôtel de la mairie. Signé, BAILLY, maire; DUPORT DU TERTRE, lieutenant de maire. »

Du même jour.

Arrêté du comité des recherches. <<< Le comité des recherches, informé que des ennemis du bien public tramaient un complot contre l'ordre de choses établi par le vœu de la nation et du roi; que pour assurer le succès de ce complot, ils devaient introduire la nuit, dans cette ville, des gens armés, afin de se défaire des trois principaux chefs de l'administration (Necker, Lafayette, Bailly), d'attaquer la garde du roi, d'enlever le sceau de l'État, et même d'entraîner LL. MM. vers Péronne.

<< Informé pareillement qu'ils ont tenté de corrompre quelques personnes de la garde nationale, en cherchant à les égarer par des promesses et des confidences trompeuses, et des distributions clandestines de libelles incendiaires, et notamment du libelle intitulé : Ouvrez donc les yeux!

« Qu'ils ont eu des conférences avec des banquiers, pour se ménager des sommes très-considérables, et avec d'autres personnes, pour étendre, s'il était possible, ce complot dans différentes provinces:

«Estime que le procureur-syndic de la commune doit dénoncer les délits ci-dessus, et les sieur et dame Favras, comme prévenus desdits crimes, leurs fauteurs, complices et adhérents. »

Enfin l'assemblée nationale, dans sa séance du 28, reçut une lettre de MONSIEUR, frère du roi, conçue en ces termes :

<< La détention de M. de Favras ayant été l'occasion de calomnies odieuses, où on aurait voulu m'inculper, et le comité de police se trouvant saisi de cette affaire, j'ai cru qu'il était convenable de porter au comité de la ville ma juste réclamation, avec une déclaration qui ne laisse aux honnêtes gens aucun doute sur mes sentiments.

« Je crois devoir informer l'assemblée nationale de cette démarche, parce que le frère du roi doit se préserver même d'un soupçon, et que l'affaire de M. de Favras est trop grave pour n'être pas mise incessamment sous les yeux de l'assemblée. Je vous prie, monsieur le président, d'être bien persuadé de mon affectueuse estime. >>

M. le duc de Lévis fit alors la motion que le comité des recherches fût chargé de se concerter avec celui de Paris, pour être en état de faire au plus tôt un rapport sur cette affaire, afin que l'assemblée en connût jusqu'aux moindres détails. Mais après quelques débats, on jugea qu'il n'y avait pas lieu à délibérer.

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Les diverses démarches que nous venons d'exposer donnèrent lieu à plus d'une interprétation. Loustalot s'étonnait qu'on eût autant tardé à s'enquérir des auteurs des brochures contre-révolution naires que les journaux dénonçaient depuis le commencement du mois. C. Desmoulins faisait observer, à propos du discours du frère du roi, qu'on ne devait point demander à MONSIEUR s'il avait, par un acte quelconque, démenti ses principes patriotiques, mais bien s'il les avait manifestés par quelque chose. D'autres faisaient remarquer l'empressement de toutes les autorités municipales à poursuivre le prétendu Barreau. D'autres enfin vantaient l'habileté des représentants qui avaient forcé MONSIEUR à venir renoncer ses amis, et avouer en public une doctrine qui était loin sans doute d'être la sienne.

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Situation diplomatique à la fin de 1789.

A la fin de 1789, nul événement n'avait encore changé la position diplomatique de la France. On apercevait bien les probabilités d'une rupture avec la confédération germanique. Les princes allemauds, possesseurs de fiefs en Alsace, et privés de cette propriété par les arrêtés de la nuit du 4 août, avaient soumis leurs plaintes au gouvernement français; ils n'avaient voulu accepter aucun des dédommagements qu'on leur avait offerts; ils exigeaient le rétablissement de leurs droits seigneuriaux : on ne pouvait le leur accorder; ils menaçaient en conséquence de réclamer la protection

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