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la loi entière existera, la France sera sauvée, et nous commencerons à vivre. Cette loi, dont une partie n'est pas encore dictée, dont une partie est renfermée dans votre sagesse, nous la respectons avant même que votre génie l'ait produite. Nous inspirerons ce respect au peuple de la capitale qui a conquis la liberté par sa résolution c'est à la soumission à achever l'ouvrage de notre bonheur, et à terminer la révolution. Avec quelle joie le maire de Paris, formé par vous, qui a commencé chez vous son éducation nationale, se montrera le premier pour donner cet exemple! »

<< Paris est fort content de ce discours de son maire, et, suivant la comparaison que sa modestie a dictée, lui applique, au renouvellement de l'année, ces paroles de l'Évangile : L'enfant croissait en âge et en sagesse, et son éducation nationale se perfectionnait. << Le roi méritait aussi des ménagements et des étrennes... La haine que je professe pour les rois ne m'aveugle pas. Les républicains eux-mêmes pardonneront au prince de n'avoir pas toujours été au-devant de sacrifices si pénibles; ils lui pardonneront de ne pas y avoir résisté davantage...

<< Aussi l'assemblée nationale a député soixante de ses membres pour aller le complimenter. Nous n'avons point encore parlé de cet hommage, parce qu'il convenait d'abord de saluer l'assemblée nationale; maintenant alions chez le premier citoyen.

« La députation, présidée par M. de Brézé, grand maître des révérences, M. Nantouillet, maître des révérences, et M. Vatrouville, sous-maître des révérences, a été ensuite chez la femme du roi.

<< Cependant une chose tenait tous les courtisans en haleine: le § 1er du n° 3 de ce journal avait fait jeter les hauts cris. On sentait bien qu'il était plus facile de crier que de répondre rien de raisonnable, et les paris étaient ouverts, si la députation saluerait Marie-Antoinette du nom de reine (1).

(1) Voici cet article:

« Si jamais deux mots ont dû s'étonner de se trouver ensemble, ce sont ceux-ci : Reine des Français. La Russie, l'Angleterre, la Hongrie, la Suède, peuvent avoir des reines; mais ce qui a toujours distingué les Francs, c'est qu'ils n'en ont point. Il ne peut pas y avoir de reine des Français : la loi salique est formelle. Marie-Antoinette est la femme du roi, et rien de plus. Je me souviens d'avoir entendu dire à l'assemblée nationale: Il n'y a qu'une Majesté en France.

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Depuis que l'assemblée nationale l'a décrété, j'ai reconnu, comme les autres, Louis XVI pour roi des Français; en conséquence, j'ôte mon chapeau quand il passe, et si je suis de garde, je lui présente les armes : mais vous m'avouerez, mes chers concitoyens, que pour des philosophes, pour des amis de la liberté et de l'égalité des conditions, c'est bien assez d'une Majesté... Je sais que ce mot est purement de style et comme en bas d'une lettre, ce protocals, Votre serviteur. Mais TOME II. 24

« Soit galanterie, soit que la présence du dauphin, ce rejeton de tant de rois, et dont la destinée dans l'avenir est couverte d'un voile impénétrable, agit sur l'imagination du président, on m'assure qu'il lui échappa de dire Votre Majesté. Ce mot épanouit tous les visages, l'épouse du roi respira, et lui, à qui à l'instant on en porta la nouvelle, en fut enchanté. C'était le jour de l'an; et je pardonne à M. Desmeuniers de l'avoir laissé échapper. Cependant on ne trouve point ce mot dans le discours imprimé, et cela vaut encore mieux.

<<< Pour mettre le comble à la joie du prince, M. le marquis de Montesquiou a proposé de lui accorder pour lui, sa femme, ses hoirs et leurs maisons, un revenu de vingt millions, ce qu'il a appelé la liste civile... On trouvera que cette pension accordée au premier bourgeois du royaume, est un peu forte, qu'on ne pouvait rien faire de plus civil que cette liste et qu'on a mauvaise grâce de nous appeler des enragés. » (C. Desmoulins. Révolutions.)

Cependant, en ce moment même où l'assemblée nationale cherchait à reporter au roi le pouvoir de confiance dont l'opinion publique l'avait elle-même investie, on remarquait qu'elle empiétait sur les attributions du pouvoir exécutif. Après une discussion assez longue qui durait depuis le 31 décembre, elle arrêtait, le 4 janvier, qu'une commission de douze membres prise dans son sein était chargée de la révision des pensions pour 1790, et que, jusqu'à ce qu'elle en eût décidé autrement, toutes les pensions étaient suspendues, sauf celles de d'Assas et de Chamborn. Elle ordonnait

c'est avec des mots qu'on gouverne les hommes. Peut-on douter que ce ne soit ce mot qui ait mis dans la tête à toutes ces femmes qu'elles étaient le pouvoir législatif, et non simplement le pouvoir génératif? Ma pensée n'est point de proscrire de la langue le mot reine. Ma reine est un mot charmant; c'est un mot vraiment magique... Il faut que chacun ait une reine; il faut que M. le curé ait la sienne. Je compte bien aussi avoir la mienne un jour; mais, dans tout autre sens, ce mot, dans la bouche d'un Franc, est le dernier degré de l'abjection et de la servitude. Laissons autour de la femme du roi cette foule se partager en trois classes, et les uns sur des tabourets, les autres sur des pliants, et le reste debout, graduer ainsi leur bassesse, et l'appeler leur reine. Pour nous, non habemus regem nisi Cæsa¬ rem. Je fais donc la motion qu'il soit défendu dans les actes publics d'user de ce mot, reine des Français, comme contraire à la loi salique, mal sonnant à l'oreille des patriotes, et sentant la servitude. Comme je n'ai point l'avantage d'être de l'illustre district des Cordeliers, je lui adresse cette motion par la voie de ce journal. Je supplie son digne président, M. Danton, de la proposer aux honorables membres, pour la discuter dans leur sagesse, et l'adresser aux 59 autres; je laisse ma motion sur leur bureau et je la signe... Un Français. ›

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que le séquestre serait mis sur les biens et revenus des ecclésiastiques émigrés. Cela eut lieu à l'occasion de la fuite de l'archevêque de Paris, qui avait cru sa vie menacée à la suite d'un sermon écrit dans l'ancien style de servilité pour le pouvoir temporel, et dont la lecture avait provoqué un trouble assez violent et une émeute dans l'église de Chaillot.

Au reste, pendant toute cette période, l'assemblée poursuivit un travail d'application aussi fastidieux que difficile, celui de la division du territoire français en quatre-vingt-trois départements. Elle s'occupa irrégulièrement de quelques questions constitutionnelles, de la question militaire, des finances. Les finances amenèrent la question de l'organisation ecclésiastique; les troubles des provinces, celle des droits féodaux. D'ailleurs des incidents nombreux et variés venaient à chaque instant interrompre l'uniformité des séances. Le désordre est tel que, chaque fois que nous recommençons une de ces périodes arbitraires que nous avons choisies à défaut de périodes logiques, c'est pour nous un nouveau problème que de trouver les moyens de rattacher à un ordre de succession quelconque cette variété de discussions qui naissaient à chaque pas, soit par continuation d'affaires non terminées ou qui ne voulaient pas se terminer, soit à l'improviste sur des motions inattendues ou des faits particuliers qui venaient solliciter une décision. La plupart de ces interruptions offrent peu d'intérêt, quoique souvent it arrivât dans l'assemblée ce que l'on observe dans la vie particulière : les plus violentes disputes eurent lieu sur les petites choses; là l'amour-propre se trouvait à nu, préoccupé seulement de lui, son attention n'étant pas détournée par la gravité de son sujet.

Les interruptions les plus importantes de cette période, outre celles relatives aux troubles des provinces, qui aboutirent à un nouveau décret sur la tranquillité publique, furent l'affaire de Rennes, une motion de Robespierre sur les conditions d'éligibilité, une vive discussion sur la nomination de plusieurs membres à des fonctions publiques, un projet de l'abbé Sieyès sur la liberté de la presse.

L'incident qui eut le plus d'influence sur les événements extérieurs, fut une visite du roi à l'assemblée, faite le 4 février, et la prestation du serment civique. Cette séance fut l'occasion d'un entraînement qui se propagea dans presque toute la France, et se témoigna par des cérémonies religieuses, des fêtes, des fédérations. L'accueil que recut la démarche royale donna carrière aux espérances de l'opposition; et comme elle n'avait point à compter sur le présent, elle crut qu'un changement serait favorable à ses vœux.

Le 17 février, Cazalès proposa à la tribune la dissolution de l'assemblée nationale. Mais la majorité lui répondit en répétant le serment du 20 juin 1789.

Avant d'entrer dans le détail de ces faits, notons quelques actes parlementaires moins importants.

Dans les premiers jours de janvier, plusieurs dispositions furent prises pour mettre à exécution les décrets sur l'organisation municipale et départementale. Les assemblées primaires devaient se réunir «< huit jours après la publication des décrets relatifs aux municipalités, laquelle publication devait être faite sans délai. »

-Le 7 janvier, l'assemblée décréta que tous les gardes nationaux, même ceux qui se sont formés sous le titre et la nomination de volontaires, prêteraient, aussitôt que les municipalités seraient établies, le serment d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi.

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Le 21, l'assemblée fut appelée à s'occuper de diplomatie par une lettre du marquis de Spinola au nom de la république de Gènes, qui réclamait contre la réunion de la Corse à la France. On décida qu'il n'y avait lieu à délibérer.

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Le 7 février, une affaire particulière donna lieu à une proposition de Mirabeau, qui plus tard fut convertie en loi. Il s'agissait d'un jeune homme, dont la famille demandait la séquestration, se fondant sur des motifs de la dernière gravité, et avérés d'ailleurs. Mirabeau, à cette occasion, proposa l'établissement de tribunaux de famille, pour juger ces cas où il faut sévir contre la jeunesse dans un simple intérêt de correction, et comme addition à la puissance paternelle.

L'assemblée passa à l'ordre du jour.

Quelques-unes des questions que nous venons d'énumérer firent naître de longues discussions. Pour donner un nouvel exemple des détails nombreux qui venaient à chaque instant embarrasser l'assemblée, nous analysons ici la séance du 20 février au soir :

SEANCE DU 20 FÉVRIER Au soir. Un de MM. les secrétaires fait l'annonce d'un très-grand nombre d'adresses. La plupart contiennent des offres patriotiques. Celle de Bastia annonce que le général Paoli vient d'être nommé maire de cette ville.

Plusieurs députations sont admises à la barre.

MM. de la Chèze et Faydel demandent que le président écrive une lettre de félicitations à la municipalité de Cahors qui, sans effusion de sang, a dissipé les orages qui s'étaient élevés dans son sein.

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L'assemblée avant d'adopter cette opinion croit devoir s'instruire des faits et ajourne en conséquence la délibération.

M. Thouret fait, au nom du comité de constitution, le rapport d'une contestation élevée à Rouen au sujet de l'organisation municipale et des tentatives pour mettre le trouble dans cette importante cité. L'assemblée décrète que les faubourgs de Rouen seront réunis à la ville pour ne former qu'une seule municipalité.

Sur le rapport de M. Goupilleau, l'assemblée annule pour vice de forme l'élection du maire d'Aizenay en Poitou.

M. de l'Apparent rend compte, au nom du même comité, d'une affaire dont voici les faits principaux :

<< Le sieur Brouillet, libraire-imprimeur à Toulouse, dans l'intention de propager l'esprit de patriotisme, et pour servir de contre-poison aux libelles dont il prétend que l'aristocratie infecte Toulouse, a fait imprimer l'Adresse aux Amis de la paix, et a publié, dans un journal intitulé les Affiches de Toulouse, des fragments de plusieurs feuilles accréditées dans la capitale. Ouvrez donc les yeux, l'Adresse aux provinces, et d'autres libelles, se répandaient depuis longtemps à Toulouse avec impunité, lorsque le parlement, fermant les yeux sur ces productions infâmes, a fait décréter et poursuivre le sieur Brouillet, l'a condamné à 1,000 liv. d'aumône, lui défendu de publier aucune feuille sans nom d'auteur et d'imprimeur, et sans qu'elle fût approuvée par qui de droit, conformément aux règlements de la librairie. Les faits articulés contre le sieur Brouillet sont, 1o d'avoir imprimé « qu'il était à désirer qu'on représentât le drame du Comte de Comminges; » 2o d'avoir comparé la conduite des Brabançons à celle des gardes françaises; 3° d'avoir appelé acte de patriotisme la désertion de quelques régiments; 4° d'avoir imprimé ces mots : <«< Voilà donc tous les rois désarmés; au lieu d'un trône, ils n'auront plus qu'un fauteuil; » 5° d'avoir également imprimé, d'après le Morning-Herald: « Qu'ils se persuadent donc, les aristocrates, que le lion est endormi, mais qu'il n'est pas enchaîné : gare le réveil ! » Le sieur Brouillet, de son côté, articule différents griefs contre le parlement de Toulouse. Le comité demande que l'assemblée ordonne au président de se retirer par-devers le roi pour le supplier de faire remettre les pièces relatives à cette affaire à son comité.

Une partie de l'assemblée

On dernande la question préalable. insiste. La question préalable est rejetée. conformément à l'avis du comité.

Le décret est rendu

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