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capitaine Fourneau était blessé avec un homme, et trois soldats étaient tués'.

Lors de la surprise de troupes d'étapes ennemies à Chàtillon-sur-Seine, le 19 novembre, des Allemands apparurent avec un drapeau blanc et avec la crosse en l'air, puis ils firent feu sur le capitaine Michard qui s'avançait sans défiance : une meule de blé servit d'abri à cet officier et lui sauva la vie 2.

Le 21 janvier 1871, la brigade prussienne Kettler attaquait l'armée de Garibaldi au nord de Dijon pour l'intimider et la retenir sous cette place, tandis que l'armée allemande « du Sud », passant plus au nord, allait assaillir l'armée française de Bourbaki. Tandis que le gros de cette brigade luttait en face de Talant et de Fontaine, l'un de ses détachements latéraux, sous les ordres du major Conta, attaquait plus au nordest Asnières et Messigny, défendus par notre 4e brigade, 30 hommes de la Croix de Nice formant notre gauche, se laissaient fusiller à bout portant par les Allemands qui venaient à eux la crosse en l'air. Cet incident jetait un certain désordre dans notre gauche; mais un valeureux officier, le capitaine Erzybowski, reformait notre ligne et reprenait intrépidement la lutte '.

Le 31 décembre 1870, l'ennemi prononce un retour offensif sur les Moulineaux, non loin de Rouen. A ce sujet le général Roy dira dans sa dépêche : « Je signale encore une fois la déloyauté des Prussiens dont un officier est venu se rendre, offrant son sabre détaché à un capitaine de mobiles; et quand le capitaine eut donné l'ordre de ne pas tirer, ils ont fait feu à bout portant sur la compagnie à laquelle ils se rendaient ».

A Villersexel (9 janvier 1871), le 52° de marche fut victime d'une félonie analogue; le capitaine Brun fut tué et des

1. GRENEST. L'Armée de la Loire, I, 79.

2. GRENEST. L'Armée de l'Est, I, 347.

3. GRENEST. L'Armée de l'Est, II, 408-409. 1871 dans la Côte-d'Or, 156.

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4. Voir GRENEST. Les Armées du Nord et de Normandie, p. 293-294.

hommes furent atteints; mais quelques jours après, lors des engagements de la Lisaine, le moyen était usé, et un capitaine badois qui invitait de mauvaise foi nos hommes à ne pas faire feu, tombait immédiatement criblé de balles'.

Enfin les Allemands abusèrent quelquefois des parlementaires dans le même but et les mêmes circonstances. Au combat de la Cluse (1er février 1871), des troupes françaises contenaient victorieusement le ge régiment prussien et quelques autres bataillons, pour protéger le passage en Suisse de notre malheureuse armée de l'Est, « lorsque le pavillon parlementaire apparut dans les rangs ennemis, porté par un officier. Le feu cessa non sans peine au moyen de sonneries répétées. Les Prussiens usaient encore de leur ruse déloyale, de leur stratagème favori pour interrompre une action qui allait leur être funeste et pour masquer leurs tirailleurs compromis. Cette manœuvre contraria notre mouvement »>. (Rapport du général Pallu de la Barrière). La naïveté française est vraiment presque incroyable.

Les Allemands ont pu montrer en 1870-1871 une opiniâtreté tenace et une audacieuse bravoure, servies d'ailleurs par une chance exceptionnelle; ils ont entaché leur gloire de souvenirs odieux, et celle-ci en demeure sérieusement contestable et tout amoindrie.

1. Voir GRENEST. L'Armée de l'Est, II, p. 210 et 383. 2. Voir GRENEST. L'Armée de l'Est, II, P. 522.

CHAPITRE V

Traitement des prisonniers

Dans l'antiquité, les prisonniers étaient mis à mort ou réduits en esclavage. Au moyen âge, des garnisons entières étaient passées au fil de l'épée. Ce ne sont plus là, par bonheur, depuis longtemps, des coutumes admises par le droit des gens. Les prisonniers doivent être simplement assujettis à un internement; la captivité n'est plus qu'une sorte de séquestre temporaire pour mettre l'ennemi qui s'est rendu dans l'impossibilité de prendre part de nouveau à la lutte. Le prisonnier doit être respecté dans sa personne et dans ses biens et il doit être traité avec humanité. Des massacres comme ceux qu'ordonna Bonaparte pendant de la campagne de Syrie sont rares dans l'histoire moderne. La peste décimait alors les rangs français et la garde des prisonniers était pour l'armée un dangereux embarras. N'importe! si gênantes que soient les prescriptions de la morale et du droit, il faut les respecter mieux valait, quelles que dussent en être les conséquences, rendre ces prisonniers à la liberté.

Or, les Allemands ont encore commis à ce sujet. pendant la guerre de 1870-1871, de nombreuses et graves violations de droit.

Ils n'ont pas ménagé à nos malheureux soldats prisonniers, les vexations, les privations et les brutalités. Ceux des nôtres qui étaient blessés légèrement voyaient la rigueur de ce dur traitement s'accroître encore pour eux à cause de leurs souffrances et de leur faiblesse. Il faut lire un

des mille récits où sont narrés ces exodes lamentables de prisonniers emmenés en Allemagne comme de vils troupeaux! Nous ne citerons ici qu'un extrait des mémoires d'un prisonnier de la Bourgonce': La colonne de captifs entre à Lunéville et se rend à la caserne de l'Orangerie, au milieu de soldats de la landwehr. Ceux-ci, dit-il, «frappaient avec frénésie sur nous. Pas un seul ne s'est abstenu; soit les coups de plat de sabre, soit les coups de pied; les baïonnettes même piquaient à tort et à travers ceux qui ne pouvaient les éviter; et, entre ces doubles rangs de lâches assouvissant leur rage sur des hommes exténués et sans défense, nous marchions comme un troupeau de moutons entourés de chiens activant sa marche à grands coups de dents. Les soldats de l'escorte excitaient ces brutes par leur rire approbateur et s'effaçaient complaisamment afin que les coups ne manquassent pas leur but. Que ceux qui liront ces lignes se souviennent dans leur indignation que les sauvages qui frappaient ainsi des hommes sans défense étaient ces làches soldats de la landwehr qui. faits prisonniers dans bien des rencontres, se jetaient à genoux, évoquant le tableau de leurs femmes et de leurs enfants. >>

Ah! certes non! les Allemands ne se sont pas montrés pour la plupart chevaleresques à l'égard de nos troupes vaincues. Après avoir posé le plus souvent des conditions de capitulation extrêmes et bien peu généreuses, ils ont traité nos prisonniers brutalement et sans égards. Nos soldats, cependant, méritaient mieux pour leur indéniable bravoure, et nos adversaires auraient dû se rappeler: « que la générosité honore le courage: que les prisonniers de guerre ne doivent jamais être insultés, maltraités, ni dépouillés, que chacun d'eux est traité avec les égards dus à son rang. » (Article 200 du règlement français sur le service des armées en campagne).

Trop souvent les armées allemandes ont traité nos mal

1. Ph. BRUCHOx. Neuf mois de captivité en Pomeranie. Corbeil, P. Drevet, 1886.

heureux soldats prisonniers comme un vil bétail. Qui n'a entendu parler des humiliations, des épouvantables et mortelles misères qu'endura après Sedan notre armée de Châlons, internée dans les champs fangeux de la presqu'île d'Iges? Combien d'hommes moururent aussi en octobre et en novembre de privations et de souffrances dans les camps autour de Metz! A peu près oubliés par l'intendance allemande, parqués jour et nuit, presque sans nourriture, dans la boue glacée des champs, nos pauvres soldats succombaient à la fatigue et au froid! « Je n'ai jamais rien vu, j'en prends Dieu à témoin, disait le correspondant anglais du Daily Telegraph, d'aussi dur et d'aussi cruel que la manière dont les prisonniers français ont été traités par leurs vainqueurs. Si l'homme que je respecte le plus sur la terre m'eût conté ces faits, j'eusse refusé de le croire. Les paroles ne peuvent traduire les scènes de barbarie lente et préméditée qui ont eu lieu devant moi'. »

Il eût peut-être même été de l'intérêt du vainqueur de traiter les nôtres avec plus de sollicitude et de les garder plus sérieusement! Beaucoup s'échappèrent et rejoignirent nos armées nouvelles, car la surveillance allemande était aussi maladroite que brutale.

Pendant toute la campagne, cette attitude odieuse de l'ennemi ne se démentit pas. Il est unique, sans nul doute, l'accès de générosité du prince royal de Prusse, disant à Froschwiller (6 août) au commandant français Duhousset,qui n'avait pas abandonné le général Raoult mourant: « Monsieur le major, en raison de votre belle conduite, vous êtes libre! »

On sait que les Allemands se plaignirent sans cesse de

1. Voir DICK DE LONLAY. Francais et Allemands, I, p. 713. Pourtant, à la date du 13 octobre 1870, un général allemand écrira au préfet d'Eure-et-Loir, en se plaignant des procédés de guerre des francs-tireurs : ...... Ainsi n'agit aucun soldat, le soldat honore le soldat qui est pris, l'ennemi qui tombe entre ses mains, il ne lui fait pas sentir son malheur, il lui tend la main, il est magnanime et plein de grandeur à son égard.

« C'est ainsi que cela se pratique dans notre armée! »

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