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seignements nécessaires, ces sauvages trouvèrent bon de le fusiller. Qu'ils soient maudits!

Près d'Armentières, une patrouille de notre 3o hussards de marche fut sur le point de capturer entièrement un détachement de cavaliers saxons (3 octobre). Le lendemain, une importante colonne ennemie revenait sur le terrain de la surprise; les Allemands tuaient un pauvre idiot du nom de Sennequin, un garde-barrière du nom de Dupré, et brûlaient le village d'Héricourt. Les Allemands trainaient avec eux des ouvriers terrassiers ainsi que la femme de l'infortuné Dupré. La malheureuse, placée entre deux soldats, marchait en sanglotant, aveuglée par les larmes ! Les terrassiers ne devaient être relâchés qu'après avoir reçu chacun 20 coups de bâton! Armentières brûlait comme Héricourt, et la vue de ces villages en feu jetait au loin l'épouvante '.

Combien de fois les colonnes allemandes envoyées pour châtier l'attaque d'un détachement, se sont ainsi vengées dans le sang de victimes innocentes 2.

Il y eut des actes d'une barbarie inouïe, presque inconcevable. Nous verrons que l'ennemi choisissait parfois parmi ses victimes. Ainsi, un sous-officier allemand ayant été tué non loin de Vaux, dans les Ardennes, l'ennemi arrêta tous les hommes qu'il put saisir; puis il força ces malheureux, au nombre de 40, à choisir trois d'entre eux par le sort les trois victimes désignées furent conduites au cimetière et fusillées malgré leurs supplications et leurs protestations d'innocence!

Nous ne pouvons signaler tous les meurtres qui furent commis sans le moindre motif2. On jugera du nombre des

I. V. GRENEST. Les Armées du Nord et de Normandie, p. 16 et 17. 2. Voici quelques autres exemples:

A Bricy, quelques coups de feu avaient été tirés au moment du combat d'Orléans du 11 octobre. Cinquante habitants furent arrêtés et emmenés à Orléans pour être fusillés. Sauvés par l'évêque, Mr Dupanloup, ils furent alors emmenés en captivité : 15 moururent pendant le voyage ou en terre allemande.

Le 25 octobre, un groupe de francs-tireurs de la compagnie Lienard défendent héroïquement Binas contre un parti allemand. Ils doivent bientôt se

crimes qui sont imputables à nos ennemis par la liste qui intéresse la population civile inoffensive de notre seul département de la Côte-d'Or.

A Talmay et à Maxilly, deux personnes sont blessées le 27 et le 29 octobre 1870.

Au début du combat du 30 octobre, devant Dijon, le nommé Robillot est assassiné sans motif à Couternon.

Si, à la suite de cette journée, les Allemands réservèrent à Dijon un sort relativement peu rigoureux, c'est qu'espérant faire dans cette ville un long séjour d'hiver, il leur parut bon de ne pas s'aliéner l'esprit de la population. La convention signée le lundi 31 octobre, à 10 heures du matin, dans une petite chambre d'auberge de Saint-Apollinaire, était lourde, mais supportable un cautionnement de 500,000 fr. devait être fourni dans les 48 heures; le respect absolu des personnes et des propriétés était garanti (cette

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replier, après avoir subi des pertes considérables. L'ennemi tue ou blesse plusieurs habitants, entre autres le maire, bien qu'ils n'aient point pris part à la lutte.

A Freteval (en décembre 1870), un cultivateur de 34 ans, nommé Ribot, fut frappé d'une balle. Les Allemands trouvèrent plaisant de l'habiller en pompier, par dérision, et le laissèrent ainsi devant sa porte. Un autre habitant, du nom de Rigollet, fut tué sous les yeux de ses parents. La veuve Perrochon fut aussi tuée.

Le 9 décembre, deuxième journée de Beaugency, un jeune homme de Tavers, nommé Blondeau-Pissier, était tué sans motif; quatre personnes de Beaugency furent blessées.

Cette conduite de l'ennemi, renouvelée à Saint-Calais, motiva l'envoi par le général Chanzy de la lettre suivante adressée au commandant allemand à Vendôme :

« Le Mans, 26 décembre 1870.

« J'apprends que des violences inqualifiables ont été exercées par des troupes sous vos ordres sur la population inoffensive de Saint-Calais, malgre ses bons traitements pour vos malades et vos blessés.

« Vos officiers ont exigé de l'argent et autorisé le pillage : c'est un abus de la force qui pèsera sur vos consciences et que le patriotisme de nos populations saura supporter... Nous lutterons avec la conscience du droit et la volonté de triompher, quels que soient les sacrifices qu'il nous reste a faire. Nous lutterons a outrance, sans trève ni merci, car il s'agit aujourd'hui de combattre non plus des ennemis loyaux, mais des hordes de dévastateurs.

« A la générosité avec laquelle nous traitons vos prisonniers et vos blessés, vous répondez par l'insolence, l'incendie, le pillage."

« Je proteste avec indignation, au nom de l'humanité et du droit des gens que vous foulez aux pieds. »

Voici la réponse allemande à cette communication si ferme et si digne :

<< Reçu une lettre du général Chanzy. Un général prussien ne sachant pas écrire une lettre d'un tel genre ne saurait y faire une réponse par écrit. »

clause aurait dû être surabondante); mais la ville et les habitants devaient pourvoir à la nourriture et à l'entretien d'un de 20,000 hommes 1.

corps

A Brochon et à Gevrey les Allemands blessent quelques

personnes.

Les sieurs Simon, adjoint, et Mathey, conseiller municipal, sont frappés et arrêtés arbitrairement à Saint-Apollinaire le 27 novembre. Simon meurt de ses blessures.

Le 30 novembre, un habitant inoffensif de la commune de Poncey, du nom de Sirdey, est tué. Le même jour, un habi

1. Après la pluie, trouver une chambre confortable offrant toutes les petites choses dont on peut avoir besoin, auxquelles on est habitué, et que nous n'avons pas revues depuis longtemps; de la soupe française, du bourgogne de première qualité, Dijon nous offrait tout cela: une vraie Capoue pour les officiers et pour les hommes. » Extrait d'une lettre allemande publiée par la Gazette de Carlsruhe du 21 janvier 1871.

La Côte-d'Or a subi partiellement deux occupations allemandes bien distinctes.

La première va de la fin d'octobre à la fin de décembre 1870. Une partie du XIV corps allemand et une faible partie du VIIe corps à l'ouest se sont établies sur la ligne Mirebeau-Dijon-Montbard d'où ces forces rayonnent en expédi tions contre les troupes de Garibaldi, la division Cremer et les corps francs. Les premières troupes qui envahirent la Bourgogne (sauf celles du VIIe corps venant de Metz) faisaient originairement partie de la première armée dont la masse principale prit part aux batailles de Worth, Beaumont, Sedan, au siège de Paris, et pour un autre groupe, à la première partie de la campagne sur la Loire. Composée surtout des contingents du Sud, cette armée se montra peut-être plus féroce encore que les autres: ne comprenait-elle pas les Bavarois marqués au front de la hideuse tache du massacre de Bazeilles! Les Badois, les «héros de Strasbourg et d'Etival », qui avaient été chargés de s'avancer dans l'est de la France, avaient adopté l'armement, l'instruction, les manœuvres, voire l'esprit particulier de l'armée prussienne, et l'on peut dire qu'en 1870 leur transformation militaire était assez complète pour que leur division n'offrit plus, avec une quelconque des troupes de l'armée fédérale du Nord, que quelques dissemblances de détail.

En grande partie dégagée de l'occupation allemande, à la fin de l'année 1870, par la marche de notre armée de l'Est vers Belfort, la Côte-d'Or fut de nouveau traversée dans le courant de janvier 1871 par l'armée prussienne « du Sud » qui allait prendre en flanc nos troupes de Bourbaki. Dijon, occupée en janvier par l'armée « des Vosges » de Garibaldi, qui livra quelques engagements autour de la ville, fut une seconde fois abandonnée à l'ennemi au début de février par l'effet des conventions de l'armistice.

C'est done surtout à la fin que la Côte-d'Or connut les Prussiens dont se composait déja les contingents du VII corps et de la landwehr qui l'occupaient antérieurement. On verra au cours de notre étude quels épouvantables excès commirent les troupes de la brigade poméranienne Kettler qui attaquèrent Dijon (21-23 janvier). Badois et Prussiens furent égaux en cruauté et en barbarie.

tant de Bellefond, nommé Gruardet, âgé de 73 ans, est assommé par un soldat allemand.

Le 2 décembre, un vieillard de 63 ans, Péchinot, est assassiné à Boussey.

Le 14 janvier 1871, l'ennemi envahit Bussy, y commet toutes sortes d'horreurs et y assassine un nommé Thevenot, fermier.

Le 16 de ce mois, furieux d'un engagement avec des francstireurs, les Allemands, sans se contenter d'incendier 7 mai7 sons, massacrent à Verrey-sous-Salmaise un vieillard, Brille (Pierre), une jeune femme, Marie Perrot, et l'abbé Frérot, 3 habitants sont blessés.

Le 20, à Saint-Seine, l'ennemi tue le nommé Jules Verrières non loin de la maison Maître incendiée.

A la fin de janvier même mois, les Prussiens de la brigade Kettler assomment, à Til-Châtel, le fils Cuisinier qui défendait sa mère contre leurs brutalités.

A Daix, le 21 janvier, la première de ces trois journées de Dijon pendant lesquelles l'ennemi se rendit coupable de toutes les sauvageries, deux femmes, Mme Bertillon et Mile Jeanne Jacotot et les nommés Bouhin et Gevrey sont assassinés à Daix. Un vieillard, nommé Bertillon, est blessé'.

Pendant l'armistice, l'ennemi assassine Drouhin à Boncourt, Pierre Duband à Collonges, l'abbé Terrillon à SainteColombe-sur-Seine, et tue ou blesse diverses personnes à

. Dijon.

Enfin, le 14 février 1871, le nommé Meney, Emiland, garde champêtre de Santosse, est tué par les Allemands à Cussy-la-Colonne.

Cette liste, éloquente déjà par cette longue énumération, est des plus incomplètes. Elle ne mentionne, d'ailleurs, ni les brutalités, ni les vexations, ni les vols, ni les incendies, ni les arrestations arbitraires, ni les menaces de mort.

1. Le même jour, les nommés Garcenot et Tortochot, de Saint-Julien, sont emmenés en captivité sans motifs. Quelque temps plus tard, le maire de cette commune, M. Jacques Paillet, condamné à mort sans raison, n'est sauvé que par la nouvelle des préliminaires de paix.

Aussi ose-t-on à peine citer des faits tant on craint de les faire considérer comme exceptionnels: ce n'est pas s'éloigner beaucoup de la vérité que d'évaluer à un millier au moins le nombre des assassinats et des meurtres commis en France sans aucun prétexte par les soldats allemands pendant la guerre de 1870-1871.

La plupart de ces meurtres eurent lieu froidement, le plus souvent en dehors de l'excitation ou de l'affolement nés du combat.

Dans la lutte, l'ennemi montrait encore moins de scrupule pour épargner la vie humaine. Pénétrant brutalement dans les localités, enfonçant les portes et les vitres, tirant à travers les demeures, il faisait toujours, comme à Salins (26 janvier 1871), beaucoup de victimes dans la population civile. Ces violences concouraient au système de terreur qui était un des moyens de protection et de victoire des Allemands.

Ce furent les personnes qui, par leurs fonctions, paraissaient avoir quelque influence sur les populations qui furent le plus maltraitées, surtout lorsque la modestie de leur position ne faisait aucun obstacle à la violence des brutalités ennemies. C'était sur elles surtout que pesait l'application barbare du principe de solidarité, lorsque des actes d'hostilité avaient eu lieu sur le territoire de la commune. Que de martyrs parmi les instituteurs, les maires, les adjoints, les prêtres même ! Une sonnerie de cloche, un acte équivoque, une décision indépendante ou comminatoire de leur part était contre eux un prétexte de mort'. Beaucoup furent frappés et emmenés en otages, la corde au cou, à peine vêtus, pieds nus dans la boue ou sur la neige. Un exemple entre mille :

Le 10 novembre, quelques francs-tireurs attaquaient près d'Hébécourt, non loin de Gisors, une petite troupe de cavaliers allemands en reconnaissance: l'un de ceux-ci était

1. A Aubigny (Cher), les Allemands tuèrent à coups de baïonnette le curé qui s'opposait à ce qu'ils transforment l'église en écurie.

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