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meurs de l'œil, le lait, l'urine n'ont aucune action sur elle. Ils affirment qu'en présence de la fibrine et même des éléments qui, préexistant dans le sang, donneront naissance à la fibrine, il y a décomposition instantanée du peroxyde d'hydrogène. Aussi toute injection d'eau oxygénée dans les veines d'un chien doit produire des embolies gazeuses mortelles. Ils ajoutent que l'eau oxygénée tue non seulement les microbes, mais toute cellule vivante et les globules du sang en particulier; aussi, disent-ils, injecter de l'eau oxygénée dans le sang, c'est pire que d'y injecter de l'oxyde de carbone.

Assmuth et Schmidt' obtinrent des résultats inverses. Ils injectèrent 40 centimètres cubes d'eau oxygénée à 10 volumes dans l'estomac d'un lapin; il y eut absorption, car l'eau se retrouvait en nature dans les urines, mais il ne survint aucun trouble particulier.

Dans une autre série d'expériences, ils injectèrent jusqu'à 23 centimètres cubes d'eau oxygénée à 5 volumes dans les veines d'un chien: les animaux ne tardaient pas à vomir, ils ne pouvaient se tenir debout, respiraient lentement et péniblement, mais revenaient toujours à la santé.

En 1882, Colasanti et Capranica reprennent la question et concluent que :

1o L'eau oxygénée est un poison, tuant rapidement les animaux ;

2o Les doses toxiques varient suivant la grandeur de l'animal. Pour un chien de 3 kilogrammes, 25 centimètres cubes d'eau oxygénée à 4 volumes ont été insuffisants. Pour un chien de 6 kilogrammes, 75 centimètres cubes ont été nécessaires;

3 L'intoxication se manifeste sur presque toutes les fonetions de l'économie et, en particulier, sur la moëlle épinière. Le pouvoir excito-moteur de ce centre est surexcité, et on observe des phénomènes convulsifs plus ou moins

graves;

1. DUJARDIN-BEAUMETZ. Dictionnaire de thérapeutique.

2. COLASANTI et CAPRANICA. Archives italiennes de biologie, 1882.

4° Une forte glycosurie précède la mort des animaux ; 5o Ces désordres sont dus à la décomposition de l'eau oxygénée au contact des tissus vivants;

6o Les phénomènes consécutifs à l'intoxication par l'eau oxygénée sont identiques à ceux observés par Paul Bert à la suite de l'action de l'oxygène comprimé.

Laborde et Quinquaud' étudièrent de nouveau la question en 1885; ils pensaient qu'en introduisant de l'eau oxygénée dans les veines, la formation de l'oxygène naissant devait agir pour détruire les germes animés que l'on trouve parfois dans le sang.

Ils préféraient agir par la voie veineuse plutôt que par la voie hypodermique.

« Injectée sous la peau, l'eau oxygénée produit sur le champ et plus ou moins localement un gonflement emphysémateux qui résulte de la formation ou de l'introduction de tout gaz dans le tissu sous-cutané, et s'il y a endosmose gazeuse, ce que nous ne saurions affirmer, ne l'ayant pas recherché, elle s'opère à coup sûr avec une telle lenteur qu'il serait illusoire de compter sur des effets rapides et généralisés. >>

Laborde et Quinquaud purent injecter très lentement de l'eau oxygénée à 7 ou 10 volumes, dans la veine saphène des chiens. Ils constatèrent que le sang artériel devenait poisseux, épais, noir foncé et que les gaz du sang avaient diminué. Au spectroscope, ce sang donnait la bande de l'hématine; mais elle n'apparaissait point si l'eau oxygénée injectée était neutre.

Un chien de 14 kilogrammes put ainsi recevoir 100 centimètres cubes d'eau oxygénée à 10 volumes, soit 1000 centimètres cubes d'oxygène.

Les symptômes observés au cours de ces expériences étaient au début un ralentissement de mouvements respiratoires et des battements cardiaques, puis une excitation. générale suivie d'un sommeil paisible.

1. LABORDE et QuinquaUd. Mémoires de la Société de biologie, 1885,

Un certain degré d'anesthésie générale, un abaissement de la température générale et la mort arrivant par arrêt respiratoire.

Les auteurs concluent qu'on peut sans danger introduire de l'eau oxygénée pure à 5 ou 6 volumes, pourvu que l'injection soit faite par petites quantités et lentemeut.

Une intéressante discussion eut lieu à la Société de biologie à la suite de cette communication. Paul Bert soutint que l'eau oxygénée se détruit instantanément au contact du sang, qu'elle cause des embolies mortelles et qu'enfin elle détruit une grande quantité d'hémoglobine.

Laborde répondit que les embolies foudroyantes observées par P. Bert tenaient aux injections rapides d'eau oxygénée dans la jugulaire. Quand on injecte lentement et loin du cœur, il y a bien des bulles d'oxygène dans les vaisseaux, mais elles sont résorbables; quant aux globules du sang, ils ne sont pas tués, mais modifiés, déformés, ils se régénèrent rapidement.

A part l'observation du Dr Petit' (1895), qui examina au microscope l'action d'une trace d'eau oxygénée sur une goutte de sang sortant des vaisseaux, et vit une coagulation immédiate de la fibrine et une décoloration complète des globules rouges, on ne trouve aucun travail nouveau sur l'action physiologique de l'eau oxygénée.

Nous avons fait un certain nombre d'expériences sur ce sujet au laboratoire de physiologie de la Faculté des sciences de Dijon.

Pensant pouvoir utiliser l'eau oxygénée dans le traitement. des péritonites, nous avons voulu essayer quelle action une injection d'eau oxygénée dans le péritoine aurait sur la circulation.

Nous avons, pour la première fois, utilisé un chat curarisé qui venait de servir à une expérience de démonstration : le cœur était à nu et on enregistrait les contractions ventriculaires et auriculaires, ainsi que la pression carotidienne.

1. P. PETIT. Bull. soc. d'obstétrique et gynécologie. 1895.

L'injection de 10 centimètres cubes d'eau oxygénée à 5 volumes dans le péritoine n'amena pas le moindre phénomène réactionnel du côté de la pression. Au bout de cinq minutes environ, les contractions cardiaques devinrent plus énergiques; l'asphyxie par suppression de la respiration artificielle nous montra une résistance extraordinaire du cœur, qui tint bon pendant près de sept minutes, alors que, avant l'injection de l'eau oxygénée, la pression baissait au bout d'une minute et demie à deux minutes.

A l'autopsie, nous vîmes les veines mésaraïques remplies de chapelets de bulles gazeuses qui n'étaient autre que de l'oxygène. Il y avait eu absorption de l'eau oxygénée par la séreuse péritonéale, et cette eau s'était décomposée au contact du sang dans les vaisseaux.

Quelques jours après, nous vimes dans le livre de Manipulations de physiologie, de Frédéricq, que l'absorption intestinale de l'eau oxygénée était une chose connue. Frédéricq injecte quelques centimètres cubes d'eau oxygénée dans une anse intestinale à l'aide d'une aiguille fine; l'arrivée du peroxyde d'hydrogène dans les vaisseaux est signalée par l'apparition de bulles gazeuses incolores, très apparentes, se suivant à la file.

De même l'injection d'eau oxygénée dans le tissu fibreux du pavillon de l'oreille d'un lapin fait presque immédiatement apparaître des bulles d'oxygène dans les vaisseaux sanguins du pavillon.

Dans d'autres expériences nous avons recherché les voies d'absorption de l'eau oxygénée, et nous avons reconnu que, injectée dans le rectum à l'aide d'une sonde molle, le bioxyde d'hydrogène est parfaitement absorbé. Il en est de même si l'eau oxygénée est injectée dans les muscles, et sous la peau, contrairement à ce qu'avait vu M. Laborde.

Nous avons injecté 1 centimètre cube d'eau oxygénée à 8 volumes à un rat; il s'est produit de l'emphysème sous-cutané; stupeur au début; au bout de trois minutes l'animal est remis; point d'agitation, il reste presque immobile, unedemiheure après l'injection, le rat se promène tranquillement.

A un autre rat nous avons injecté dans les muscles de la cuisse 2 centimètres cubes d'eau oxygénée à 8 volumes: nausées, vomissements, mort quatre minutes après l'injection. A l'autopsie nous trouvons l'oreillette droite, les veines sus-hépatiques, les jugulaires de couleur rouge cerise, et gorgées de bulles de gaz; le foie sectionné laisse échapper 'de nombreuses bulles de gaz; chapelets de bulles dans les veines crurales. Le cœur gauche est flasque, noirâtre; l'oreillette droite bat encore plus de deux heures après la

mort.

Sur les lapins et les chats, que nous procédions par injec tions dans les muscles ou par injection rectale, le résultat a toujours été le même; l'eau oxygénée était absorbée, décomposée dans le sang, et si la dose était suffisante, on observait de la stupeur, rarement des nausées, souvent une débâcle urinaire, de la paralysie du train postérieur, quelques secousses convulsives, asphyxiques, et la mort qui survenait de trois à quatre minutes après l'injection. A l'autopsie, on constatait de nombreuses bulles d'oxygène dans le cœur droit qui continuait à battre très longtemps après la mort.

Tous ces animaux sont morts par embolie pulmonaire. Ces expériences montrent bien que l'eau oxygénée est un corps qui s'absorbe très facilement et peut causer de graves accidents; elles confirment celles de Colasanti et Capranica.

Après avoir constaté l'absorption de l'eau oxygénée et son action sur le cœur, nous avons disposé d'autres expériences pour enregistrer les phénomènes.

Toutes les expériences sur les chats ou les chiens ont été concluantes: introduite à petite dose dans la circulation. l'eau oxygénée produit un renforcement très net de l'énergie des contractions cardiaques, en même temps surviennent des troubles vaso-moteurs.

Nous citerons seulement une expérience faite au laboratoire de physiologié du Collège de France, avec M. le - Dr Hallion.

* Chien de 18 kilogrammes, curarisé.

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