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sont extrêmement sensibles aux influences chimiques : moins nettes pour les phanérogames, les préférences se montrent très exclusives pour les cryptogames.

Magnin l'avait déjà soupçonné (Comptes rendus 1892 CXV. p. 338) lorsqu'à propos de la végétation jurassique lacustre

il concluait :

<< Bien que la dispersion des plantes aquatiques paraisse <«< être moins que celle des végétaux terrestres sous la dépena dance de la composition chimique du milieu, cependant <«< c'est à une cause de cet ordre qu'il faut, croyons-nous, << attribuer l'absence dans les lacs du Jura des Isoetes, plan<< tes habitant non loin de là les lacs granitiques des Vosges « et l'abondance des Characées calcicoles. >>

Les plantes aquatiques se prêtent très bien aux recherches sur l'influence chimique parce que, d'une part, elles sont en rapport très intime avec leur milieu et, d'autre part, l'étude de ce milieu est plus facile et plus sûre que celle d'un substratum solide toujours très complexe.

Nous pensons donc que l'antagoniste du calcaire n'est pas la silice, mais bien l'acide humique et ses congénères, les acides ulmique et géique. Pour nous exprimer d'une façon plus générale et, en même temps, pour expliquer ces préférences, nons dirons que la dispersion des muscinées est réglée par la réaction du milieu. Les unes sont indifférentes : tout milieu leur est bon pourvu que les conditions physiques qu'elles exigent soient réalisées. D'autres réclament un milieu alcalin : ce milieu leur est offert par les roches calcaires et les eaux chargées de Co3 Ca; ce sont les calcicoles ou calcaricoles ou mieux les alcalinicoles. D'autres enfin fuient les milieux alcalins et réclament une réaction acide plus ou moins accusée : ce sont les oxycoles („, acide). Les oxycoles hygrophiles trouvent ce milieu acide dans les tourbes, les humus, les écorces à demi décomposées, les eaux chargées d'acide humique. Quant aux anciennes silicicoles xérophiles, elles sont de même oxycoles: la silice n'a aucune action sur l'acide humique qui se forme à la base des touffes, dans les détritus qui l'encombrent et par la destruction des tiges. Ces

oxycoles xerophiles sont très sensibles, car leur faible provision d'acide serait vite saturée : aussi montrent-elles une préférence très exclusive. Malgré cette sensibilité on peut, sur des roches habituellement très sèches, mais mélangées de silice et de calcaire, rencontrer de petites colonies d'oxycoles. Boulay en cite un curieux exemple à propos de Grimmia Lisa, de Not. (Etudes géographiques, p. 17). Ces colonies oxycoles sur roches calcaires sont extrêmement rares : elles ne peuvent se produire que pour des oxycoles très xérophiles et sur des roches très sèches. Dans ces conditions, les acides de la base des touffes ne peuvent être saturés par des eaux chargées de Co3 Ca. D'autre part on sait quelle est la fréquence des colonies alcalinicoles sur roches siliceuses : le moindre suintement d'eau calcaire suffit à leur donner naissance. Boulay en a cité de beaux exemples et nous-même avons observé en Bretagne un cas de ce genre bien typique : Eucladium verticillatum croit au Conquet (Finistère) sur des rochers de gneiss et de micaschiste en compagnie de Samolus Valerandi L. dans des suintements assez riches en Co Ca pour incruster les coussinets.

Nous devons revenir ici sur ce qui a été dit par Boulay (Etudes géographiques, p. 31) au sujet des mousses qu'il nomme turficoles sous cette dénomination il réunit indistinctement des hygrophiles alcalinicoles et oxycoles.

Voici la liste qu'il donne :

Aulacomnium palustre.
Meesea longiseta.

M. tristicha.

Paludella squarrosa.

Splachnum ampullaceum.
Bryum cyclophyllum.
B. bimum.

Trematodon ambiguus.
Atrichum tenellum.
Dicranum Bergeri.
D. cerviculatum.
Polytrichum strictum.
P. gracile.
Hypnum fluitans. ~

Hypnum exannulatum.
H. aduncum.

H. vernicosum.

H. polygamum.

H. stellatum.

H. revolvens.

H. giganteum.
H. cordifolium.
H. nitens.

H. stramineum.
H. trifarium.
H. scorpioïdes.
H. lycopodioides.

De cette liste nous devons distraire les espèces suivantes qui sont au moins indifférentes, sinon alcalinicoles, car elles végétent fréquemment dans des eaux très chargées de Co Ca.

Bryum bimum.

Hypnum aduncum.

H. polygamum.

H. stellatum.

Hypnum revolvens.

H. giganteum.
H. scorpioïdes.

H. lycopodioides.

De même que l'on distingue les espèces simplement aquatiques des turficoles de même, dans ces dernières, il faut bien séparer les alcalinicoles des oxycoles.

En résumé :

1o Le carbonate de calcium est indispensable à certaines espèces qui ne peuvent végéter qu'en milieu alcalin: ce sont les alcalinicoles (calcicoles, calcaricoles des auteurs); il repousse manifestement les espèces dites silicicoles;

2o La silice sous toutes ses formes, à l'état de quartz, d'argile ou de dissolution, n'a aucune action sur les muscinées : c'est un milieu inerte. Elle ne peut nourrir les alcalinicoles, mais elle est favorable aux espèces qui recherchent un milieu acide parce qu'elle n'entrave pas la formation et l'action des acides humiques. Les oxycoles correspondent donc aux silicicoles, aux corticicoles et, en partie, aux turficoles des auteurs.

Le rôle de la silice dissoute semble se borner à fournir des matériaux aux plantes qui ont besoin d'édifier un squelette minéral équisetacées, graminées, diatomées :

3 Les acides humique, ulmique, géique, exercent une action puissante sur la dispersion des muscinées. Ils repoussent les alcalinicoles tant qu'ils ne sont pas saturés par les eaux calcaires et attirent les oxycoles, Ils sont antagonistes du calcaire.

Nous donnons ainsi plus de généralité à certaines conclusions de notre étude sur les Muscinées de la Côte-d'Or et nous confirmons tout ce que nous avions laissé entrevoir du rôle négatif de la silice.

RECHERCHES SUR L'EAU OXYGÉNÉE

PAR

LE DR MICHAUT

Préparateur a la Faculté des Sciences
de Dijon

I

2

L'eau oxygénée, introduite dans la thérapeutique chirurgicale par le Dr Baldy1 à titre d'antiseptique puissant, fut essayée en 1883, dans le service de Péan; les beaux résultats obtenus firent le sujet de plusieurs thèses et de nombreuses communications aux sociétés savantes. Mais elle subit le sort d'un grand nombre de médicaments nouveaux, et tomba dans l'oubli au bout de quelques années; le Dr Desmoulins dans sa thèse faite sous l'inspiration du professeur Arloing, alla même jusqu'à lui contester ses propriétés antiseptiques.

3

L'étude de l'eau oxygénée, délaissée par les médecins, fut reprise par les bactériologues. Chamberland et Fernbach, en 1893, dans un important mémoire sur la désinfection des locaux, étudièrent comparativement le pouvoir bactericide de l'eau oxygénée et de divers antiseptiques. Ils reconnurent ainsi que les hypochlorites alcalins et l'eau oxygénée ont une action destructive sur les bactéries, autrement puissante que le sublimé, si couramment employé.

En 1896, le Dr Lermoyez put voir, dans les cliniques de

1. BALDY. L'ean oxygénée. Paris, 1883.

2. LARRIVÉ. Thèse de Paris, 1883.

3. Raphaël DESMOULINS. Thèse de Lyon, 1887.

4. CHAMBERLAND et FERNBACH. Annales de l'Institut Pasteur, 1893.

Vienne, quels services l'eau oxygénée rendait dans la chirurgie de la face; il la réimporta en France, et depuis cette époque, elle rentra en faveur auprès du corps médical.

En 1898, le Dr Lucas Championnière 1 fit connaître à l'Académie de Médecine les succès obtenus par lui en traitant des plaies infectées par l'eau oxygénée. Depuis cette retentissante communication, l'eau oxygénée est entrée dans la pratique chirurgicale courante.

Dès 1897, les propriétés désinfectantes de l'eau oxygénée, si bien mises à profit par le Dr Tapie chez ses cancéreuses de l'hospice du Calvaire, nous avaient vivement intéressé : deux fois nous avions eu l'occasion de l'utiliser avantageusement. Aussi, après la communication de M. Lucas Championnière, nous résolùmes de faire de l'étude de l'eau oxygénée le sujet de notre thèse inaugurale *.

M. le Dr Parizot voulut bien nous permettre de faire de nombreux essais cliniques dans son service à l'hôpital de Dijon, et nous entreprîmes, au laboratoire de physiologie de la Faculté des sciences, une série de recherches chimiques et physiologiques sur l'eau oxygénée.

En physique et en chimie, on est certain de répéter une expérience avec succès si on se place dans des conditions physiques identiques. Il n'en est plus de même en physiologie; en opérant sur un animal vivant, on introduit dans l'expérience un facteur essentiellement variable, la vie, et quelque soin que l'on prenne, les conditions de l'expérience sont rarement identiques. Mais, si en physiologie il n'est permis de tirer des conclusions fermes que d'un grand nombre d'expériences, il est nécessaire cependant de faire connaître les faits nouveaux que l'on a pu observer, en précisant autant que possible les conditions du phénomène, et ajournant les explications théoriques. C'est ce qui nous engage à rapporter ici quelques-unes de nos expériences.

1. Lucas CHAMPIONNIÈRE. Bulletin de l'Académie de Médecine, 8 décembre 1898.

2. V. MICHAUT. Contribution à l'étude pharmacologique, physiologique et thérapeutique de l'eau oxygénée. Thèse de Lyon, janvier 1900.

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