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Pais Bas n'étoient point accoûtumez à un tel Foug; que le feul nom d'Inquifition les faifoit trembler; que l'Hérefie étoit un Mal qui pouvoit être guéri par des remedes plus doux que le Fer

le Feu, &c. Le Roi ne fit aucune attention à ces Remontrances. Un de fes Miniftres aïant pris la liberté de lui dire, qu'il couroit risque de perdre par la féverité tous les Pais Bas, ou du moins quelques unes de ces Provinces, il répondit qu'il aimeroit mieux être dépouillé de tous fes Etats, que les poffeder imbus d'Hérefie ; & lors qu'il s'embarqua à Flessingue, ik ordonna au Prince d'Orange de faire mourir certaines perfonnes diftinguées, que l'on foupçonnoit d'être Héretiques; mais ce Prince eut foin de les en avertir fecrettement.

Philippe étant arrivé fur les côtes de Bifcaye, fut accueilli d'une tempête, qui fit périr la plus grande partie de fa Flote. Il eut beaucoup de peine à débarquer, & il dit que la Providence l'avoit confervé afin qu'il travaillât à la gloire de Dieu en détruifant l'Hérefie. Il affifta en fuite à la mort de quelques Héretiques

Lors que

à Séville & à Valladolid ce Prince comparoîtra au dernier jour devant le Tribunal de JefusChrift, & que fon Juge lui demandera ce qu'il a fait fur la Terre pour la Gloire de Dieu & pour le Bien du Genre humain; s'il répond: J'ai fait brûler un grand nombre d'Héretiques parce qu'ils ne croioient pas que l'Eglife Catholique eût le Don d'Infaillibilité; & j'ai affifté à des Actes de Foi: croira-t-on que cette Réponse sera agréable au Sauveur du Monde? Jefus Chrift ne dira-t-il point à tous les Perfecuteurs quelle que foit leur Religion: Je ne vous connus jamais: éloignez-vous de moi, Ouvriers d'Iniquité?

Environ ce tems-là, on érigea trois Archevêchez dans les Païs Bas, favoir, ceux de Malines, de Cambray, & d'Utrecht, & quelques nouveaux Evêchez.

Antoine Perrenot de Granvelle fut fait Archevêque de Malines, & Cardinal. Cette promotion déplut aux Flamands: on s'oppofa à l'érection de quelques Evêchez; & les Magistrats d'Anvers ne voulurent point per

permettre qu'on leur donnât un E vêque

Les nouvelles Sectes commencérent à prendre courage: plufieurs perfonnes, dit notre Historien, se joignoient à ces Sectes, fans bien entendre la Doctrine dont elles faifoient profeffion. Il ajoute que leur Ignorance étoit peut-être la principale cause de leur zele; mais il reconnoît que la plupart de ceux qui fouffrirent la mort pour la Religion, connoiffoient mieux les principes de leur Foi ils étoient convaincus de la néceffité d'une Réformation : ils avoient de bonnes raifons pour abbandonner l'Eglife Romaine. Je m'imagine que les chofes étoient alors à peu près fur le même pied, où elles font aujourdhui. Il y avoit beau. coup d'ignorance, à parler géneralement, tant parmi les Proteftants que parmi les Catholiques

Voici un Fait, que m'a racconté plus d'une fois feu * Mr. Lortie, qui

*Mr. Lortie étoit un Théologien diftingué par fa vertu, fon habileté, & fa Moderation. Il fe retira en Angleterre avant la Révocation de l'Edit de Nantes.

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qui avoit été Pasteur de l'Eglife Reformée à la Rochelle. Il y eut, avant la Révocation de l'Edit, de Nantes, une Perfécution en Poitou, qui obligea plufieurs Païfans Proteftants de cette Province à se réfugier en Angleterre. Le Maire de Londres (c'eft le plus grand Magiftrat qu'il y ait en Europe,) fouhaita que Mr. Lortie examinât ces Païfans dans fon Eglife Françoife de la Savoye en fa prefence. On marqua le jour & l'heure où cet Examen fe feroit. Le Maire étant arrivé dans l'Eglife, Mr. Lortie qui parloit toûjours lentement & avec beaucoup de douceur, dit à l'un de ces Païfans: Mon Ami, combien y a-t-il de Sacrements? Trois, répondit le Païfan, le Pere, le Fils, & le Saint Efprit. Mr. Lortie affligé de l'ignorance de ce Païfan, jetta les yeux de tous côtés & aïant apperçu parmi cette Troupe un Païfan, qui paroiffoit avoir plus d'efprit que les autres; Et vous, mon Ami, lui dit-il, combien y a t-il de Sacrements? Il y en a trois, Monfieur, repondit ce Païfan, le Pere, le Fils, le Saint Efprit. Ceft affez, dit

Milord t Maire: ces bonnes gens font remplis de zele; mais certainement ils font fort ignorans. Je ne prétends pas condamner le Zele des Païfans: ils fuivirent le mouvement de leur Confcience, & ils firent trèsbien d'abbandonner un Païs, où ils étoient perfecutez. Si les Païlans Proteftants font peu éclairés fur la Religion, que doit on penfer des Païfans Catholiques de France, d'Italie, & d'Espagne? Si on les examinoit, ils diroient d'étranges chofes : ils feroient pis que confondre les Sacrements avec les Perfonnes de la Sainte Trinité. On pourroit leur appliquer ces paroles de l'Evangile Si * la lumiere, qui eft en vous, eft ténebres, combien grandes feront ces tenebres-là? Après tout, on doit rendre juftice aux Miniftres de l'Evangis le. Il est très-difficile de faire entrer beaucoup de lumiére dans l'Esprit té nebreux des Païfans. Ce que j'ai

dit des Païfans Proteftants ne doit offen† On fait que les Maires de Londres prennent le Titre de Milord. Le Maire d'York prend auffi le même Titre. * Evangile de St. Matthieu, Chap VI,

Verf. 23.

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