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blessés, à Coimbre. Ils y furent abandonnés, sans défense et sans prévoyance, parce que c'était l'usage dans nos armées de ne jamais regarder derrière soi. La retraite commença donc le 4 mars. L'ennemi ne nous atteignit que en avant de Pombal : la veille, le 2o corps et le 8e, commandés par Junot et Regnier, formaient la tête de la colonne générale, sur la route de Cindadrodrigo ces deux corps ne virent plus l'ennemi dans toute la retraite. M. le maréchal Ney resta seul avec huit régimens d'infanterie, les 6o et 25o légers, les 27, 39o, 5oo, 69, 79a, 76° de lignes et deux régimens de cavalerie, les 3 de hussards et 15o de chasseurs, qui, tout compté, n'avaient pas 400 hommes; les huit régimens de ligne pouvaient être évalués tout au plus à 1000 hommes, l'un portant l'autre, et formaient les deux divisions Marchand et Mermet.

Ce sont là les uniques troupes qui ont fait tous les frais de cette longue et belle retraite, depuis Pombal jusqu'à la frontière d'Espagne, devant toute l'armée anglo-portugaise réunie, et commandée par un habile général,

Nous fumes attaqués vigoureusement à Pombal, le 10, à Redinha, le 11, à Casalnova, le 13 au matin, à Joz de Aronce, le 15, et poursuivis de près, tous les jours, jusqu'au 21. Nous n'avons jamais quitté notre position involontairement. Nous n'avons pas abandonné un seul canon, pas même un fourgon militaire. L'ennemi a perdu plus de monde que nous, et n'a guères pu ramasser que des hommes blessés ou des déserteurs. Nous avons affectés de séjourner vingtquatre heures en position, après la dernière affaire, à Joz de Aronce, le 15, et sans m'appesantir sur une foule de détails honorables pour l'armée, je me contente de dire que cette marche rétrograde de cinquante lieues a excité un juste admiration parmi nos

ennemis. Lord Wellington et ses braves compagnons d'armes ont rendu pleinement justice à l'habileté et à l'énergie du maréchal Ney, qui commanda person-> nellement la retraite, tant qu'il y eut du danger. Ce grand capitaine est si riche de gloire, qu'il n'attache pas beaucoup d'importance à un triomphe de plus ou de moins; mais il est convenable de rétablir les faits, quand on veut les dénaturer. La brochure anglaise, au lieu d'attribuer cette retraite au maréchal, qui l'a dirigée exclusivement, donne à entendre que le mérite en est dû au général Regnier. Toute l'armée de Portugal sait à quoi s'en tenir. Ce général étant mort, il serait inutile et peu généreux aujourd'hui de chercher à prouver qu'il fut très-éloigné de contribuer au succès de l'opération.

On ne me contestera point le droit de parler sur cette campagne, qui donna lieu à une discussion fâcheuse entre les deux maréchaux qui s'y trouvèrent dans la même armée. Chargé par celui auprès duquel j'avais l'honneur de servir, d'apporter ses dépêches à l'empereur Napoléon et au prince Berthier, majorgénéral, je me trouvai dans une position difficile; le major-général me défendit de parler : il m'ordonna de lui remettre la lettre que j'avais la mission expresse de ne donner qu'à l'empereur. Celui-ci, averti de mon arrivée, me fit appeler aux Tuileries. Là, je fus sur la sellette, et je subis un interrogatoire d'une heure, en présence du major-général qui m'avait imposé la loi de me taire, et qui lui-même n'ouvrit point la bouche. Il me fut demandé un rapport par écrit. Celui de Wellington qui venait de paraître me fut com-muniqué avec l'ordre de faire des notes sur le contenu. Ainsi, une foule de circonstances ayant concouru à fixer dans ma mémoire les événemens de la campagne de Portugal, je suis sûr d'avoir dit et écrit la vérité. Il est vrai que peu de tems après je fus enlevé à ma

famille, destitué, sans être jugé, ni entendu, ni même accusé. J'ai passé une année entière dans une prison d'état, où, pendant soixante jours, mon existence fut un secret pour tous ceux qui s'intéressaient à mon sort; ma liberté ne me fut rendue que le lendemain du retour de M. le maréchal Ney, venant de la campagne de Russie. Je dois cependant ajouter, en honneur de la vérité, que le ministre de la police, supposant que j'avais eu le malheur de déplaire à quelque grand personnage, m'invita plus d'une fois officieusement à sortir de prison, en acceptant un exil, ou une mission aux Etats-Unis d'Amérique. Le ministre de la guerre n'avait été instruit de mon arrestation que deux jours après que l'adjudant Laborde l'avait exécutée avec sa manière accoutumée, en saisissant tous mes papiers, sans inventaire ni aucune garantie. Le major-général annonçait au ministre que j'étais à Vincennes, et demandait un rapport. Mais, afin que le sens n'en fût pas équivoque, il déclarait que l'intention du souverain était que je fusse destitué. Il disait, dans une autre lettre, que j'étais prévenu d'opinions et de manœuvres contre la sûreté du Gouvernement. Il oubliait de rappeler que j'étais un ancien émigré. Mais cette circonstance fut le texte de mon interrogatoire dans le donjon de Vincennes.

Pressé de finir cette lettre, pour ne pas sortir des bornes de la modération dont je me suis fait une loi, depuis que mes ennemis n'ont plus les moyens de me nuire, je me hâte de consigner ici l'expression de ma reconnaissance pour M. le maréchal Ney, qui m'a constamment accordé l'intérêt le plus généreux. Je paie une faible partie de ma dette, en éclairant le public sur les servives qu'il a rendus à l'armée de Portugal. Quant aux manœuvres secrètes qui ont fait garder le silence, sur cette campagne, comme sur tant d'autres, en privant de fidèles serviteurs de la patrie de la plus douce

récompense de leur dévouement et de leurs belles actions, je me borne à faire des vœux pour que le gouvernement paternel, qui nous est rendu, n'ait jamais besoin de cette inutile et coupable ressource.

Paris, 6 mai 1814.

J. D'ESMÉNARD,

Chef d'escadron à la suite du régiment du

Roi, Cuirassiers.

LIVRE 1, PAGE 47.

XIII BULLETIN DE LA GRANDE-ARMÈE.

Smolensk, 21 août 1812.

Le 8 août, la grande armée était placée de la manière suivante :

Le prince vice-roi était à Souraj avec le 4 corps, occupant, par des avant-gardes, Velij, Ousviath et Porietch.

Le roi de Naples était à Nicoalino, avec la cavalerie, accupant Inkovo.

Le maréchal duc d'Elchingen, commandant le 3o corps, était à Liozna.

Le maréchal prince d'Eckmühl, commandant le 1er corps, était à Doabrowna.

Le 5e corps, commandé

était à Mohilow.

par le prince Poniatowski,

Le quartier-général était à Witepsk.

Le 2 corps, commandé par le maréchal duc de Reggio, était sur la Drissa.

Le 10 corps, commandé par le duc de Tarente, était sur Dunaboupg et Riga.

Le 8, 12,000 hommes de cavalerie ennemie se portèrent sur Inkovo, et attaquèrent la division du général comte Sébastiani, qui fut obligé de battre l'ennemi l'espace d'une demi-lieue, pendant toute la journée, en éprouvant et faisant éprouver des pertes à-peu-près égales. Une compagnie de voltigeurs du 24 régiment d'infanterie légère, faisant partie d'un bataillon de ce régiment, qui avait été confiée à la cavalerie pour tenir position dans le bois, a été prise. Nous avons eu 200 hommes tués et blessés. L'ennemi peut avoir perdu le même nombre d'hommes.

Le 9, l'armée ennemic partit de Smolensk, et marcha par différentes directions, avec autant de lenteur que d'hésitation, sur Porietch et Natra.

Le 10, l'empereur résolut de marcher à l'ennemi, et de s'emparer de Smolensk, en s'y portant par l'autre rive du Borysthène. Le roi de Naples et le maréchal duc d'Elchingen partirent de Liozna, et se rendirent sur le Borysthène, près de l'embouchure de la Berezina, vis-à-vis Komino, où, dans la nuit du 13 au 14, ils jetèrent deux ponts sur le Borysthène.

Le 14, le roi de Naples, appuyé par le maréchal due d'Elchingen, arriva à Krasnoë.

La 27 division ennemie, forte de 5,000 hommes d'infanterie, et appuyée par 2,000 chevaux et douze pièces d'artillerie, était en position devant cette ville. Elle fut attaquée et dépostée en un moment par le maréchal duc d'Elchingen. Le 24° régiment d'infanterie légère attaqua la petite ville de Krasnoë à la baïon

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