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nette, avec intrépidité. La cavalerie exécuta des charges admirables. Le général de brigade baron Bordesoult et le 3 régiment de chasseurs se distinguèrent. La prise de huit pièces d'artillerie, dont cinq de 12 de deux licornes, de 14 caissons attelés, 1,500 prisonniers, un champ de bataille jonché de plus de 1,000 cadavres russes, tels furent les avantages du combat de Krasnoë, où la division russe, forte de 5,000 hommes, perdit la moitié de son monde.

S. M. avait, le 15, son quartier-général à la porte de Kovonitnia.

Le 16, au matin, les hauteurs de Smolensk furent couronnées; la ville présenta à nos yeux une enceinte de murailles de 4,000 toises de tour, épaisses de 10 pieds et hautes de 25, entremêlées de tours, dont plusieurs étaient armées de canons de gros calibre.

Sur la droite du Borystbène, on apercevait et l'on savait que les corps ennemis tournés revenaient en grande hâte sur leurs pas pour défendre Smolensk. On savait que les généraux ennemis avaient des ordres réitérés de leur maître de livrer bataille et de sauver Smolensk. L'empereur reconnut la ville, et plaça son armée, qui fut en position dans la journée du 16. Le maréchal duc d'Elchingen eut la gauche, appuyant au Borysthène ; le maréchal prince d'Eckmuhl, le centre; le prince Poniatowski, la droite; la garde fut mise en réserve au centre; le vice-roi, en réserve à la droite, et la cavalerie, sous les ordres du roi de Naples, à l'extrême droite; le duc d'Abrantès, avec le 8e corps, s'était égaré et avait fait un faux mouvement.

Le 16, et pendant la moitié de la journée du 17, on resta en observation. La fusillade se soutint sur la ligne; l'ennemi occupait Smolensk avec 30,000 hommes, et le reste de son armée se formait en belles positions sur la rive droite du fleuve, vis-à-vis la ville, communiquant par trois ponts. Smolensk est condidéré par

les Russes comme ville forte, et comme le boulevart de Moskou.

Le 17, à deux heures après midi, voyant que l'ennemi n'avait pas débouché, qu'il se fortifiait dans Smolensk, et qu'il refusait la bataille; que, malgré les ordres qu'il avait, et la belle position qu'il pouvait prendre', sa droite à Smolensk et sa gauche au Borysthène, le général ennemi manquait de résolution; l'empereur se porta sur la droite et ordonna au prince Poniatowski de faire un changement de front, la droite en avant, et de placer sa droite au Borysthène, en occupant un des faubourgs par des postes et des batteries, pour détruire le pont et intercepter la communication de la ville avec la rive droite. Pendant ce tems, le maréchal prince d'Eckmuhl eut ordre de faire attaquer deux faubourgs que l'ennemi avait fait retrancher à deux mille toises de la place, et qui étaient défendus chacun par 7 à 8,000 hommes et par du gros canon. Le général comte Friant eut ordre d'achever l'investissement, en appuyant sa droite au corps du prince Poniatowski, et sa gauche à la droite de l'attaque que faisait le prince d'Eckmuhl.

A deux heures après midi, la division de cavalerie du comte Bruyère, ayant chassé les cosaques et la cavalerie ennemie, occupa le plateau qui se rapproche le plus du pont en amont. Une batterie de 60 pièces d'artillerie fut établie sur ce plateau, et tira à mitraille sur la partie de l'armée ennemie restée sur la rive droite de la rivière, ce qui obligea bientôt les masses d'infanterie russe à évacuer cette position.

L'ennemi plaça alors deux batteries de 20 pièces de canon à un couvent, pour inquiéter la batterie qui le foudroyait et celles qui tiraient sur le pont. Le prince d'Eckmuhl confia l'attaque du faubourg de droite au général comte Morand, et celle du faubourg de gauche au général comte Gudin. A trois heures la canonnade

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s'engagea; à quatre et demie commença une vive fu→ sillade, et à cinq heures les divisions Morand et Gudin enlevèrent les faubourgs retranchés de l'ennemi avec une froide et rare intrépidité, et le poursuivirent jusqu'au chemin couvert, qui fut jonché de cadavres

russes.

Sur notre gauche, le duc d'Elchingen attaqua la position que l'ennemi avait hors de la ville, s'empara de cette position, et poursuivit l'ennemi jusque sur le glacis.

A cinq heures la communication de la ville avec la rive droite devint difficile, et ne se fit plus que par des hommes isolés.

Trois batteries de pièces de 12 de brèche furent placées contre les murs de la ville à six heures du soir, l'une par la division Friant, et les deux autres par les divisions Morand et Gudin. On déposta l'ennemi des tours qu'il occupait, par des obus qui y mirent le feu. Le général d'artillerie comte Sorbier rendit impraticable à l'ennemi l'occupation de ses chemins couverts par des batteries d'enfilade.

Cependant, dès deux heures après midi, le général ennemi, aussitôt qu'il s'aperçut qu'on avait des projets sérieux sur la ville, fit passer deux divisions et deux régimens d'infanterie de la garde pour renforcer les quatre divisions qui étaient dans la ville. Ces forces réunies composaient la moitié de l'armée russe. Le combat continua toute la nuit. Les trois batteries de brèche tirèrent avec la plus grande activité; deux compagnies de mineurs furent attachées aux remparts.

Cependant la ville était en feu. Au milieu d'une belle nuit d'août, Smolensk offrait aux Français le spectacle qu'offre aux habitans de Naples une éruption du Vésuve.

A une heure après minuit, l'ennemi abandonna la ville et repassa la rivière. A deux heures, les pre

miers grenadiers qui montèrent à l'assaut ne trouvèrent plus de résistance; la place était évacuée : 200 pièces de canons et mortiers de gros calibre, et une des plus belles villes de la Russie étaient en notre pouvoir, et cela à la vue de l'armée ennemie.

Le combat de Smolensk, qu'on peut à juste titre appeler bataille, puisque 100,000 hommes ont été engagés de part et d'autre, coûta aux Russes la perte de 4,700 hommes restés sur le champ de bataille, 2,000 prisonniers, la plupart blessés, et 7 à 8,000 blessés. Parmi les morts se trouvent cinq généraux russes. Notre perte se monte à 700 morts et 3, 100 à 3,200 blessés. Le général de brigade Grabouski a été tué. Les généraux de brigade Grandeau et Dalton ont été blessés. Toutes les troupes ont rivalisé d'intrépidité. Le champ de bataille a offert, aux yeux de 200,000 personnes qui peuvent l'attester, le spectacle d'un cadavre français sur sept ou huit cadavres russes. Cependant les Russes ont été, pendant une partie des journées du 16 et du 17, retranchés et protégés par la fusillade de leurs créneaux.

Les traits de courage qui honorent l'armée, et qui ont distingué tant de soldats au combat de Smolensk, seront l'objet d'un rapport particulier. Jamais l'armée française n'a montré plus d'intrépidité que dans cette campagne, etc., etc., etc.

FRAGMENT

DU PROCÈS DU MARECHAL DE BIRON.

LIVRE V, PAGE 345.

Pendant que S. M. fut à Poictiers, il eut beaucoup d'aduis et de grande importance touchant son estat, qu'aucuns seigneurs taschoient d'esbranler, et luy donner affaires, sous plusieurs et diuers prétextes; et estant en son cabinet, il parla de ces remuëmens au mareschal de Bouillon, ainsi qu'il luy demandoit congé d'aller voir ses terres de Gascongne, lesquelles il n'auoit veuës depuis huict ans. Enquis par S. M. s'il ne sçauoit pas bien ce qui se passoit, et s'il n'en estoit pas comme les autres, le mareschal de Bouillon luy respondit librement, Qu'il y avoit grand subiect de mescontentement, de ce qu'vn seul commandoit à tous les Estats du royaume, et que donnant ordre à ce poinct là, toute la délibération des seigneurs seroit aisée, au reste ne demandant tous que le seruice de S. M.; le Roy lors luy dit que s'il ne tenoit qu'à cela il les rendroit tous contents; et l'ayant retenu encore quelques iours, finalement luy donna congé et s'en alla en Gascogne.

Durant ce voyage de Poictiers, qui dura prez de deux mois, la cour semblait triste, le Roy pensif, nul conseil ny d'affaires aucunes de iustice, sinon vn à Blois.

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