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il se rattache. Il en est de même des autres régimes exclusifs de communauté. Le lien que l'on prétend établir entre la communauté et les régimes qui excluent la communauté n'existe qu'entre la communauté légale et la communauté conventionnelle; l'article 1528 que nous venons de transcrire le dit; mais par cela même que la loi ne le dit que des deux régimes de communauté, on ne peut pas étendre ce lien à des régimes qui excluent toute société de biens.

193. L'article 1442 contient une autre sanction également pénale, en permettant aux parties intéressées de prouver la consistance de la communauté par la preuve de la commune renommée. Peut-on étendre cette disposition à tous les cas où il y a obligation pour l'époux survivant de faire inventaire de la succession du conjoint prédécédé? Nous croyons que la question doit être décidée négativement par les motifs que nous venons de donner. Il s'agit d'une preuve tout à fait exceptionnelle que la loi n'établit que dans les cas où elle veut punir le conjoint pour n'avoir point fait l'inventaire qu'elle lui prescrit de dresser. C'est au législateur seul à voir quand il lui convient de prononcer une peine. Au risque de tomber dans l'arbitraire de l'ancien droit, il faut maintenir strictement.le principe: pas de peine sans loi pénale, pas d'exception sans un texte qui l'établisse.

La cour de Caen l'a jugé ainsi : elle a décidé qu'il n'y avait lieu à l'enquête par commune renommée que dans les trois cas prévus par les articles 1415, 1442 et 1504, en se fondant sur ce que ce genre de preuve est exorbitant du droit commun. La preuve testimoniale elle-même ne peut être admise que dans les cas et sous les conditions déterminés par la loi; et l'on veut qu'une preuve bien plus dangereuse devienne le droit commun, car c'est à cela que l'on aboutit dès que l'on admet l'application analogique de la loi. Sur le pourvoi, il intervient un arrêt de rejet; mais la cour de cassation n'admet point l'interprétation restrictive consacrée par la cour de Caen, le conseiller rapporteur la rejette formellement. La cour suprême s'est prononcée dans un autre arrêt pour l'interprétation

analogique (1); les auteurs sont également divisés (2).

§ II. Le divorce et la séparation de corps.

194. La communauté se dissout par le divorce (article 1441), parce que le divorce dissout le mariage (article 227); et il ne peut plus y avoir d'association entre époux quand il n'y a plus d'époux. Aux termes de l'article 227, le mariage se dissout par le divorce légalement prononcé; c'est l'officier de l'état civil qui prononce le divorce, en vertu du jugement qui l'autorise, quand il a lieu pour cause déterminée (art. 264) ou de l'arrêt qui l'admet quand il a lieu par consentement mutuel (art. 294). La communauté est dissoute du moment où l'officier public a prononcé le divorce. Il ne faut pas d'autre formalité. Quand la communauté se dissout par la séparation de biens, la loi multiplie les formes afin de donner de la publicité au jugement qui prononce la séparation. Le législateur a cru, sans doute, que ces formalités étaient inutiles quand il s'agit du divorce. La procédure en divorce a, il est vrai, un grand retentissement, et le divorce est prononcé publiquement par l'officier de l'état civil. Toutefois, dans l'intérêt des tiers qui contractent avec les époux, il eût été utile de rendre publique la dissolution du mariage. Il est arrivé qu'un mari divorcé a aliéné les conquêts de la communauté; la vente a été déclarée nulle, malgré les réclamations de l'acheteur, qui alléguait l'ignorance où il était du divorce et sa bonne foi. La cour de Paris dit très-bien que c'est aux tiers qui traitent avec une personne à s'assurer de son état et de sa qualité, et que la bonne foi de l'acquéreur ne saurait donner à celui qui vend le droit de

(1) Caen, 23 juin 1841, et Rejet, 19 décembre 1842 (Dalloz, au mot Contrat de mariage, no 941). Cassation, 17 janvier 1838 (Dalloz, au mot Enquête, no 107). Il y a un arrêt de la cour de Liége, 12 janvier 1844. dans le sens de notre opinion (Dalloz, au mot Contrat de mariage, no 1598; Pasicrisie, 1844, 2, 115).

(2) Aubry et Rau, t. V. p. 386. § 515. Troplong, t. I, p. 263. no 821. En sens contraire, Marcadé, t. V. p. 580, no III de l'artic'e 1442 et les auteurs qu'il cite.

transmettre la propriété d'une chose qui ne lui appartient pas (1).

195. Il ne faut pas confondre le divorce avec l'annulation du mariage. Pothier dit que le jugement qui déclare un mariage nul n'est pas tant une dissolution de la communauté conjugale qu'une déclaration qu'il n'y a jamais eu de véritable communauté conjugale. C'est la conséquence des principes qui régissent la nullité des actes. Quand un acte est nul, il est censé n'avoir jamais existé: il n'y a donc pas eu de mariage si le mariage est annulé, et sans mariage il n'y a pas de communauté entre époux. Toutefois, dit Pothier, il y a, dans ce cas, entre les parties, une société de fait; par conséquent, chacune d'elles retire ce qu'elle y a mis et elles partagent les profits (2). On sait que ces principes reçoivent exception lorsque le mariage est putatif. Nous renvoyons à ce qui a été dit au itre du Mariage.

196. « La séparation de corps emportera toujours séparation de biens » (art. 311). Nous avons exposé le principe au titre du Divorce (t. III, n° 351). Quant aux difficultés que présente l'application du principe, nous les rencontrerons en traitant de la séparation de biens. La séparation de biens peut être demandée directement, et elle dissout la communauté aussi bien que lorsque les époux sont séparés de corps (art. 1441). Mais il y a cette différence que la séparation de corps et, par suite, la séparation de biens qui en résulte peut être demandée par chacun des époux, tandis que la femme seule peut demander la séparation de biens directement; nous allons en dire la raison en traitant de la séparation de biens.

§ III. De la séparation de biens.

197. La séparation de biens ne peut résulter que d'un jugement. Toute séparation volontaire est nulle (art. 1443). Ce principe s'applique à la séparation de corps. Les époux

(1) Paris, 22 mars 1810 (Dalloz, au mot Contrat de mariage, no 1562). (2) Pothier, De la communauté, no 508.

conviennent parfois de vivre séparément, sans sentence judiciaire qui les sépare ni de corps ni de biens. Ces conventions sont nulles. Il ne dépend pas de la volonté des époux de se soustraire aux obligations qu'ils ont contractées en se mariant; or, la vie commune est la première de ces obligations. La femme est obligée d'habiter avec le mari et le mari est obligé de recevoir la femme (art. 214). Ce devoir ne cesse que par le jugement qui déclare les époux séparés de corps. La convention de séparation de corps volontaire est donc radicalement nulle comme contraire à l'ordre public; c'est une de ces conventions que la doctrine considère comme inexistantes, parce qu'elles n'ont pas d'objet légal ni de cause licite (art. 1131 et 1133). Par suite elles ne peuvent produire aucun effet. Vainement les époux stipuleraient-ils une peine pour en assurer l'exécution; la nullité de l'obligation principale entraînerait celle de la clause pénale (art. 1227).

La jurisprudence est en ce sens. Il a été jugé que la convention des époux de vivre séparément n'est pas obligatoire. Par suite l'époux qui, en vertu de cette convention, a renoncé à poursuivre une demande en séparation de corps n'est pas lié par sa renonciation, alors même qu'il aurait exécuté le traité (1). Toute convention ou renonciation pareille est nulle, dit la cour de Bordeaux, et ne saurait produire aucun effet (2). Les séparations volontaires sont d'ordinaire accompagnées de conventions pécuniaires l'un des époux s'oblige à payer une pension à l'autre; il va de soi que la convention principale étant inexistante, les conventions accessoires ne sauraient avoir d'effet (3). Dans l'espèce jugée par la cour de Grenoble, la femme s'était obligée à payer au mari une pension de 4,000 francs. Que l'engagement soit pris par la femme ou par le mari, peu importe, il est toujours frappé de nullité. Les deux époux se doivent sans doute secours et assistance; le mari doit fournir à la femme tout ce qui est nécessaire pour les besoins de la vie et la femme est obligée

(1) Caen, 11 avril 1818 (Dalloz. au mot Séparation de corps, no 14)

(2) Bordeaux, 3 février 1853 (Dalloz, 1854. 2. 9).

(3) Grenoble, 11 mars 1851 (Dalloz, 1853, 2, 63).

de contribuer aux charges du ménage d'après les conventions matrimoniales. Mais ces obligations réciproques supposent une vie commune; hors de la vie commune, tout est illégal et frappé de nullité absolue.

198. Ces conventions sont nulles alors même qu'elles ne concernent que les intérêts pécuniaires des époux et que la vie commune subsiste; l'article 1442 déclare nulle toute séparation de biens volontaire. La raison en est que les conventions matrimoniales sont irrévocables et ne peuvent recevoir aucun changement après la célébration du mariage (art. 1394, 1395). Or, la séparation volontaire serait un nouveau régime qui prendrait la place de la communauté légale. Cette dissolution de la communauté, suivie d'un nouveau régime, ne peut se faire que par jugement; nous en dirons les raisons plus loin. Consentie par les époux, elle est radicalement nulle. Peu importe, dit Pothier, que la femme ait de justes sujets de demander la séparation de biens, il faut qu'elle la poursuive en justice. Pothier dit que la séparation volontaire pourrait avoir pour objet des avantages indirects entre époux, et, dans l'ancien droit, ces libéralités étaient prohibées (1). Il y a d'autres raisons qui s'opposent à toute modification des conventions matrimoniales et, avant tout, l'intérêt des tiers. On dira que l'intérêt des tiers n'empêche pas la femme d'obtenir la séparation de biens en justice. Non, mais du moins les créanciers pourront intervenir dans l'instance afin de veiller à ce que la séparation de biens ne se fasse pas en fraude de leurs droits, et la loi prescrit des formes et des conditions qui tendent au même but; les tiers n'auraient pas ces garanties dans une séparation volontaire; c'était un motif déterminant pour la prohiber.

Les époux ont essayé d'échapper à la prohibition de l'article 1442 en qualifiant leurs conventions de transaction. Dans le cours d'un procès en séparation de biens, les parties transigent; le mari donne à la femme une autorisation générale d'administrer et d'aliéner non-seulement ses propres, mais encore les conquêts, et il stipule en

(1) Pothier, De la communauté, no 514.

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