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la communauté ; il porte: «Toute convention par laquelle les époux rétabliraient leur communauté sous des conditions différentes de celles qui la réglaient antérieurement est nulle. Il faut donc que la communauté soit rétablie telle qu'elle existait en vertu des conventions matrimoniales des époux, expresses ou tacites. La loi suppose que les époux s'étaient mariés sous le régime de la communauté légale, puisqu'elle traite de la séparation de biens dans la première partie du chapitre II, consacrée au régime en communauté; par conséquent, les époux devront rétablir la communauté légale sans pouvoir la modifier en quoi que ce soit. C'est une conséquence de l'immutabilité des conventions matrimoniales. La loi ne fait qu'une exception à ce principe, c'est que le régime adopté par les époux peut être dissous par la sentence du juge qui prononce la séparation de biens. Mais si les époux veulent rétablir le régime qu'ils avaient adopté, ils doivent le rétablir en son entier; s'il leur était permis de le modifier, les conventions matrimoniales seraient changées par la volonté des parties contractantes, ce qui est défendu par l'article 1395. Il y a encore une autre considération qui devait engager le législateur à maintenir strictement la règle de l'irrévocabilité des conventions matrimoniales, dans le cas où des époux communs en biens sont séparés judiciairement: c'est que la femme aurait pu s'entendre avec son mari pour demander une séparation simulée, afin de changer ensuite leurs conventions primitives; il fallait empêcher cette fraude à la loi; c'est pour cela que l'article 1451 frappe de nullité la convention qui, en rétablissant la communauté, modifierait le régime adopté lors du mariage. Ce que la loi dit en vue de la communauté légale s'applique à la communauté conventionnelle, les deux régimes n'en faisant réellement qu'un seul, que la loi appelle régime en communauté. Le même principe recevrait encore son application au régime exclusif de communauté et au régime dotal; sous lesquels la femme peut aussi demander la séparation de biens; peu importe que l'article 1451 soit placé sous la rubrique De la commu nauté légale; il n'est qu'une conséquence du principe de

l'immutabilité des conventions matrimoniales et ce principe domine tous les régimes (1).

358. L'article 1451 déclare nulle toute convention qui rétablirait la communauté sous des conditions différentes de celles qui la réglaient antérieurement. Quelle est la portée de cette nullité? Est-ce le rétablissement même de la communauté qui est annulé, de sorte que la séparation continue? ou la communauté est-elle rétablie telle qu'elle existait en vertu des conventions matrimoniales, de sorte qne la clause qui y déroge est seule frappée de nullité? La question est controversée. Nous croyons que le texte la décide. En effet, la loi annule la convention par laquelle les époux rétablissent leur communauté sous des conditions différentes, ce qui s'entend de la convention même qui rétablit la communauté et non de la clause dérogatoire. On le nie vainement (2). De quoi la loi vient-elle de parler? Elle exige le concours de consentement des deux époux, donc une convention; de plus, elle veut que cette convention soit reçue par un acte authentique; puis elle prononce la nullité de la convention qui rétablit la communauté sous des conditions différentes; c'est frapper de nullité la convention que la loi exige comme condition essentielle du rétablissement de la communauté. Cette interprétation est aussi en harmonie avec les principes généraux de droit. L'article 1172 déclare nulle la convention qui dépend d'une condition contraire à la loi; or, les époux font dépendre le rétablissement de la communauté d'une condition que la loi prohibe, puisqu'ils ne consentent à la rétablir qu'avec des modifications, alors que la loi prohibe tout changement. On nie encore qu'il y ait condition illicite. Dans les termes, il n'y en a pas, cela est vrai, mais il faut voir ce que veulent les parties. Elles veulent une communauté autre que celle qu'elles avaient primitivement stipulée, elles veulent donc une chose illicite, et c'est sous cette condition qu'elles traitent; puisqu'elles rétablissent la communauté en la modifiant, il faut

(1) Colmet de Santerre, t. VI, p. 265, no 103 bis IV.

(2) Aubry et Rau, t. V, p. 411, note 85, § 516, et les autorités qu'ils citent.

croire qu'elles ne l'auraient pas rétablie sans ces modifications. Si donc la loi maintenait le rétablissement de la communauté en effaçant les modifications que les époux y ont apportées, elle changerait la convention des époux; le législateur ne fait cela que dans les donations et les testaments où il efface les conditions illicites. C'est une exception qu'il faut bien se garder d'étendre, car la loi ne doit pas altérer les conventions des particuliers, elle doit les sanctionner si elles sont valables et les annuler si elles vicient une disposition prescrite sous peine de nullité. Les parties n'ont pas le droit de s'en plaindre elles ont fait ce qui leur était défendu, elles n'ont point fait ce qui leur était permis; le législateur respecte leur volonté tout en l'annulant (1).

No 2. EFFET DU RÉTABLISSEMENT DE LA COMMUNAUTÉ.

359. Le rétablissement de la communauté est un changement de régime; en principe, le régime nouveau ne devrait avoir d'effet que pour l'avenir. Cependant la loi décide qu'entre époux la communauté est rétablie comme si elle n'avait pas été dissoute: « La communauté réta blie reprend son effet du jour du mariage; les choses sont remises au même état que s'il n'y avait point eu de séparation. » Pourquoi la loi fait-elle rétroagir la convention qui rétablit la communauté? C'est encore pour empêcher les séparations simulées. L'un des époux attend une succession mobilière, on veut la soustraire à l'action des créanciers; dans ce but, la femme demande la séparation de biens et, par suite, le mobilier héréditaire lui reste propre. Puis, les époux conviennent de rétablir leur communauté; si le rétablissement n'avait effet que pour l'avenir, la succession resterait propre à la femme et les créanciers de la communauté n'y auraient aucun droit; ce serait faire fraude à leurs droits si, en réalité, comme on le suppose, il n'y avait pas de cause légitime de séparation.

(1) Colmet de Santerre, t. VI, p. 266, no 103 bis VI. C'est aussi l'avis de Delvincourt, de Battur et de Troplong.

La loi n'a pas voulu favoriser des conventions qui tendraient à violer la loi en l'éludant. Elle sanctionne les conventions sérieuses; s'il y a des raisons légitimes de rétablir la communauté, elle admet qu'elle soit rétablie, mais de manière que les époux ne se servent pas de la loi pour frauder les droits des tiers. La rétroactivité est aussi en harmonie avec le principe de l'irrévocabilité ou de l'unité des conventions matrimoniales; le vœu de la loi est qu'il n'y ait qu'un régime; si elle autorise la séparation de biens, c'est pour sauvegarder les droits de la femme; or, quand les époux rétablissent la commmunauté après qu'elle a été judiciairement dissoute, cela prouve que la dot et les reprises de la femme ne sont pas en péril, dès lors la séparation de biens n'a plus de raison d'être; elle tombe avec les causes qui la justifiaient provisoire

ment.

360. La communauté est aussi rétablie rétroactivement à l'égard des tiers, en ce sens que les créanciers du mari auront action sur les biens qui pendant la séparation sont échus aux époux, car ces biens sont censés avoir toujours fait partie de la communauté. De même les dettes contractées par le mari pendant la séparation seront des dettes de communauté. La loi ne fait qu'une exception à ce principe; elle maintient les actes qui ont été faits par la femme pendant la séparation, en conformité de l'article 1449; c'est une application des principes qui régissent la validité des actes. Tout acte fait en vertu de la loi et conformément à ses dispositions est valable, et la loi lui doit sa sanction. Or, la loi autorise la femme séparée judiciairement à administrer ses biens et à aliéner son mobilier; les actes faits par la femme, en vertu de l'article 1449, valables dans leur principe, doivent donc être maintenus, malgré la rétroactivité (1). Il en résulte une anomalie apparente: la femme est censée avoir toujours été commune, puisque la communauté reprend son effet du jour du mariage; elle a donc toujours été sous la puis

(1) Pothier, De la communauté, no 528. Colmet de Santerre. t. VI, p. 266, no 103 bis V.

sance maritale et, logiquement, il en faudrait conclure qu'elle n'a pu faire aucun acte sans autorisation du mari. Mais la rétroactivité n'est qu'une fiction; or, les fictions sont toujours en opposition avec la réalité des choses, on ne peut jamais les pousser jusque dans leurs dernières conséquences; il faut, au contraire, les renfermer dans les limites légales, c'est-à-dire ne pas les appliquer à un ordre de choses pour lequel elles n'ont pas été établies. Dans l'espèce, la fiction de la rétroactivité n'a rien de commun avec les actes que la femme a faits pendant qu'elle était séparée de biens; partant la rétroactivité n'empêche pas de maintenir ces actes.

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De l'acceptation et de la répudiation de la
communauté.

§ Ier. Du droit d'option.

361. Après la dissolution de la communauté, la femme ou ses héritiers et ayants cause ont la faculté de l'accepter ou d'y renoncer (art. 1453). » Cette faculté est contraire au droit commun qui régit les sociétés; la femme, en renonçant, se décharge de toute contribution aux dettes sociales; dans les sociétés ordinaires, il n'est pas permis à un associé de se libérer des dettes de la société en abandonnant sa part dans les bénéfices et ses apports. La femme acceptera si la communauté est bonne, elle renoncera si la communauté est mauvaise : droit exorbitant qui permet à un associé de maintenir ou de rompre le contrat, selon son intérêt (1).

Cette exception est un vrai privilége, car c'est la femme seule qui en jouit. Elle se justifie du reste parfaitement. Si la femme a une situation privilégiée lorsque la communauté se dissout, par contre elle est hors du droit commun tant que la communauté dure. Le mari est seigneur des biens communs; il en dispose en maître absolu, il peut dissiper la communauté ou la grever de dettes au delà de

(1) Mourlon, t. III, p. 88, no 208. Troplong, t. II, p. 2, no 1488

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