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exercer le droit d'option; or, la femme ne peut exercer ce droit que lorsqu'il est ouvert, et il ne s'ouvre qu'à la dissolution, comme le dit l'article 1453. A notre avis, il en est ainsi alors même que la communauté est dissoute par la séparation de biens, c'est-à-dire que la femme ne peut accepter ou renoncer que lorsque la séparation est prononcée (no 352).

371. Les tribunaux oublient parfois les principes élémentaires qui régissent l'acceptation quand il s'agit de la communauté. Un arrêt de la cour de Liége suppose que la femme peut encore accepter après qu'elle a renoncé (1). En principe, cela est impossible, car renoncer, c'est exercer le droit d'option; la femme qui renonce consomme son droit, elle devient étrangère à la communauté, et comment accepterait-elle une communauté à laquelle elle n'a plus aucun droit? L'article 792 déroge à ce principe en matière de succession; mais il suffit de lire l'article pour se convaincre qu'il ne peut s'appliquer qu'à l'acceptation d'une hérédité. Dès que la femme renonce, les biens de la communauté deviennent le patrimoine du mari ou de ses héritiers. Pour mieux dire, le mari en a toujours été propriétaire exclusif: peut-il dépendre de la femme d'enlever au mari les biens qui font partie de son patrimoine? La femme ne peut donc pas revenir sur sa renonciation, car ce serait porter atteinte aux droits du mari.

Par identité de raison, la femme qui accepte la communauté ne peut plus y renoncer. Elle a aussi consommé son choix, et ne peut plus revenir sur son fait (2). La question est d'un grand intérêt pour les héritiers du mari si la femme a accepté sans faire inventaire. Mais quand même elle aurait fait inventaire, elle est devenue définitivement femme commune par son acceptation; il ne dépend pas d'elle de rompre le contrat de société qu'elle a formé en se mariant et qu'elle consolide en acceptant.

372. La femme mineure peut-elle accepter la communauté? On ne peut pas même poser la question en ce qui concerne le droit d'accepter. Ce droit est de l'essence de

(1) Liége, 27 janvier 1841 (Pasicrisie, 1841, 2, 324).
(2) Bruxelles, 10 mars 1847 (Pusicrisie, 1847, 2. 243).

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la communauté; il appartient donc à toute femme mariée sous ce régime, partant à la femme mineure. L'article 1455 le suppose; il porte que la femme majeure ne peut se faire restituer contre son acceptation s'il n'y a eu dol de la part des héritiers du mari; ce qui implique que la femme mineure peut se faire restituer, donc qu'elle peut accepter (1); en effet, le mot restituer est une expression technique qui ne s'emploie que des mineurs. Si la femme mineure peut se faire restituer, c'est à raison de sa minorité. Il faut donc qu'il y ait quelque chose de spécial à la femme mineure. Elle est émancipée par son mariage, mais elle reste incapable, sauf pour les actes de pure administration (art. 484); et l'acceptation de la communauté n'est pas un acte de pure administration, elle peut être ruineuse pour la femme si elle ne fait pas d'inventaire; et quand même elle ferait inventaire, elle aurait encore intérêt à ne pas accepter si la communauté est mauvaise, ou si elle â stipulé la reprise de ses apports en cas de renonciation. It suit de là que la femme mineure est incapable d'accepter, quoiqu'elle en ait le droit. C'est dire que son incapacité doit être couverte. Mais comment se couvre-t-elle! Sur ce point, la loi est muette; il faut donc appliquer, par analogie, à l'acceptation de la communauté, ce que l'article 776 dit de l'acceptation d'une succession: elle ne peut se faire qu'avec autorisation du conseil de famille. C'est une conséquence de l'article 484, qui assimile le mineur émancipé au mineur non émancipé pour tous les actes qui excèdent la pure administration (2). L'assistance de son curateur ne suffirait pas, comme on l'a écrit (3); en théorie, la loi aurait pu se contenter de cette assistance, puisque l'acceptation de la communauté n'a pas les graves conséquences qu'entraîne l'acceptation d'une succession, alors même qu'elle se fait sous bénéfice d'inventaire; mais la loi ne contenant aucune disposition spéciale à cet égard, on reste forcément sous l'empire de l'article 484 combiné avec les articles 461 et 776.

(1) Rodière et Pont, t. II, p. 313, no 1037.

(2) Aubry et Rau, t. V, p. 416, note 20. § 517 (4o éd.).
(3) Mourlon, t. III, p. 89, no 210.

373. La femme peut-elle accepter sous condition, à terme ou pour partie! Nous posons la question parce que de bons auteurs la posent (1). Mais, en vérité, pourquoi? Est-ce que l'on a déjà vu une acceptation partielle, conditionnelle ou à terme? Laissons là cette scolastique; les questions sérieuses prises dans la vie réelle ne font point défaut. Nous renvoyons à ce qui a été dit au titre des Successions.

No 2. QUAND L'ACCEPTATION DOIT-ELLE OU PEUT-ELLE SE FAIRE?

374. Il faut distinguer les diverses causes qui donnent lieu à la dissolution de la communauté. D'ordinaire elle se dissout par la mort. La loi ne fixe pas, dans ce cas, de délai dans lequel la communauté doit être acceptée; la femme reste donc sous l'empire du droit commun, d'après léquel tout droit peut et doit être exercé dans le délai de trente ans (art. 2262). Pothier le dit : « Tant que la femme ou ses héritiers ne sont pas poursuivis pour faire le choix qu'ils ont d'accepter la communauté ou d'y renoncer, ils sont toujours à temps de le faire le mari survivant, qui est demeuré seul en possession des biens de la communauté, ne peut opposer aux héritiers de la femme, aux fins de partage, que la prescription de trente ans, laquelle même ne court pas contre les mineurs (2). » Pourquoi Pothier dit-il tant que la femme ou ses héritiers ne sont pas poursuivis? » Le mari ou ses héritiers ont le droit de demander le partage de la communauté; et quand ils le demandent, la femme doit naturellement se prononcer et dire si elle accepte ou si elle renonce. Personne n'est tenu de rester dans l'indivision (art. 815); les copropriétaires de la femme ayant le droit d'agir, celle-ci ne peut pas leur opposer qu'elle a trente ans pour se prononcer. Les créanciers ont également le droit de poursuivre la femme; et, sur cette poursuite, la femme doit prendre qualité, accep

(1) Aubry et Rau, t. V, p. 416, note 17, § 517. Rodière et Pont, t. II, p. 330, no 1061.

(2) Pothier, De la communauté, no 534. Aubry et Rau, t. V, p. 427, note 17, § 516, et tous les auteurs.

ter ou renoncer, à moins qu'elle ne se trouve encore dans le délai que la loi lui accorde pour faire inventaire et délibérer.

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375. La veuve a un délai de trois mois pour faire inventaire et de quarante jours pour délibérer sur son acceptation ou sa répudiation, délai que le tribunal peut proroger suivant les circonstances (art. 1457 et 1458). A s'en tenir au texte de la loi, on pourrait croire que la femme doit renoncer dans les trois mois et quarante jours après le décès du mari; c'est une mauvaise rédaction, que la loi elle-même corrige en ajoutant, dans l'article 1459. que « la veuve qui n'a point fait sa renonciation dans ce délai n'est pas déchue de la faculté de renoncer, si elle ne s'est point immiscée et qu'elle ait fait inventaire; elle peut seulement être poursuivie comme commune jusqu'à ce qu'elle ait renoncé, et elle doit les frais faits contre elle jusqu'à sa renonciation. On voit dans quel but la loi prescrit le délai de trois mois et quarante jours; la femme n'est pas tenue d'accepter ou de renoncer dans ce délai, mais, tant qu'il n'est pas expiré, elle peut repousser l'action des créanciers par une exception dilatoire. La loi ne le dit pas au chapitre de la Communauté; il faut compléter la disposition que nous venons de transcrire par l'article 797 au titre des Successions, la situation et les principes étant identiques. Si la femme renonce à l'expiration du délai légal ou prorogé, les frais que les créanciers auront faits ne sont pas à sa charge. Quand le délai est expiré, la femme n'a plus d'exception, elle doit prendre qualité, et alors elle supporte les frais que les créanciers font par eurs poursuites, si elle renonce.

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376. La loi dit que la femme qui a fait inventaire conserve le droit de renoncer; elle conserve donc son droit d'option (art. 1456 et 1459); il n'est pas dit pendant quel délai. L'article 2262 le dit pour l'exercice de tout droit : toute action se prescrit par le délai de trente ans. Il faut donc appliquer à la veuve ce que l'article 789 dit du successible: La faculté d'accepter ou de répudier la communauté se prescrit par le temps requis pour la prescription la plus longue des droits immobiliers. On sait le

controverses interminables auxquelles cette disposition a donné lieu; nous renvoyons à ce qui a été dit au titre des Successions. La femme reste trente ans sans se prononcer: sera-t-elle acceptante ou renonçante? Nous répondons, comme nous l'avons fait pour les successibles, qu'elle est devenue étrangère à la communauté : elle n'a plus de droit à exercer. Il a été jugé que la veuve ou ses héritiers sont censés avoir accepté la communauté lorsqu'ils sont restés trente ans sans se prononcer (1). Les termes de l'arrêt impliquent une présomption; or, il n'y a pas de présomption sans un texte formel qui l'établisse: où est la loi qui présume la femme acceptante après trente ans? La cour de Paris cite l'article 789, mais elle lui fait dire ce qu'il ne dit point. L'article 789 n'établit aucune présomption; il ne déclare pas que le successible est censé accepter lorsqu'il n'a pas renoncé dans le délai de trente ans; la loi applique au droit héréditaire le principe général de la prescription. De même le droit de la femme commune en biens se prescrit par trente ans; c'est dire qu'à l'expiration de ce délai elle est sans droit.

377. Si la communauté est dissoute par le divorce ou par la séparation de corps, la femme doit accepter dans le délai de trois mois et quarante jours; sinon elle est censée y avoir renoncé (art. 1463). Nous reviendrons sur cette disposition que, dans l'opinion générale, on applique à la séparation de biens.

No 3. COMMENT SE FAIT L'ACCEPTATION?

I. De l'acceptation expresse ou tacite.

378. L'acceptation de la communauté, de même que celle de l'hérédité, est expresse ou tacite. Elle est expresse quand la femme prend la qualité de commune dans un acte (art. 1455); il faut ajouter, comme l'article 776 le fait pour le successible, que l'acte peut être authentique ou privé. Le principe étant identique pour le successible et

(1) Paris, 11 août 1825 (Dalloz, au mot Contrat de mariage, no 2171). Comparez Troplong, t. II, p. 5, no 1508.

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